Depuis plusieurs mois, les hommes et femmes en blouses blanches du Burkina sont entrés dans un cycle d’actions syndicales perlées, qui sont en train de transformer progressivement nos hôpitaux en des «mouroirs». Cela, au grand dam des usagers qui ne savent plus à quel saint se vouer. Malgré la contribution des internes et des stagiaires qui font de leur mieux, c’est toujours la croix et la bannière pour se faire prendre en charge dans nos centres de santé, à moins d’actionner ses relations amicales pour espérer des soins. Les revendications des médecins et des infirmiers sont fondées, tant leur métier de sacerdoce ne leur rapporte que des «miettes», en comparaison aux émoluments d’autres corps. Au-delà de la question pécuniaire, les patients sont les premiers témoins au quotidien des difficultés vécues par les disciples d’Hippocrate, contraints souvent au chômage technique, du fait de la défaillance de leurs outils de travail.
Ils sont également obligés de travailler sans repos dans certains villages ou encore de s’exposer à l’incivisme de certains usagers…Ce ne sont pas les raisons de la colère qui manquent et nos «docteurs» veulent faire valoir leur cause. Du reste, l’Etat le leur a concédé, en adoptant la loi portant Fonction publique hospitalière (FPH). Lequel statut ne demande qu’à être mis en application à travers des décrets dans un contexte national où la situation sécuritaire préoccupante semble avoir supplanté les priorités, au moins pour un bon moment. Estimant n’être pas suffisamment écoutés, ils sont entrés dans un cycle de revendications sociales. Sans vouloir prendre parti dans ce combat, dont les victimes collatérales sont les innocentes populations, force est de reconnaître que le serment d’Hippocrate doit être honoré, malgré nos aspirations. Il appartient aux six syndicats de la Santé et aux autorités d’ausculter les dysfonctionnements du système sanitaire du pays et de proposer des remèdes pérennes.
Ce, d’autant plus que les actions syndicales, prévues pour s’étaler du 7 juin au 1er septembre 2019 et «tacitement» reconductibles, portent un sérieux coup, entre autres, à l’emblématique mesure de gratuité des soins au profit des femmes enceintes et des enfants de 0 à 5 ans, entrée en vigueur le 2 avril 2016. En attendant, et dans une relative apathie, les banques de sang du pays sont vides puisque toutes les missions de collectes sont suspendues. Les examens dans les laboratoires de santé publique se compliquent de jours en jours du fait de l’absence de réactifs, consécutive au défaut de tarification qui permettrait le refinancement des stocks. A court terme, la mobilisation des fonds auprès des partenaires pourrait également accuser le coup à cause de la non transmission des données qui alimentent les outils de pilotage. Et ils ne sont pas très nombreux les Burkinabè capables de s’offrir des soins appropriés dans des établissements privés à des coûts plus élevés.
Il est encore temps que chaque acteur mette du sien pour éviter à notre système sanitaire, un collapsus fatal. Les différentes rencontres entre le gouvernement et le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) permettront d’aboutir à un chronogramme et un tableau de reversement consensuels dans la mise en œuvre de la Fonction publique hospitalière. Il sera sans doute trop tard pour tous ces patients qui ne comprennent pas pourquoi leurs prises en charge tardent ou font défaut. Malgré toute sa bonne volonté, l’exécutif fait face à des contraintes budgétaires qui limitent son action. Mais cela n’enlève en rien la noblesse de la lutte des blouses blanches. La prière de tout malade potentiel que nous sommes est qu’un compromis soit trouvé entre les deux parties. Gardons alors espoir…