Le rapport commandité par le président du Faso sur le Sénat a été remis le 30 août dernier. Mais, il garde tous ses secrets car n’ayant pas été rendu public. Aux dires du ministre d’Etat chargé des réformes politiques, « les critiques formulées au sein de l’opinion » ont été entendues. Reste à savoir jusqu’à quel niveau ces « critiques » ont été prises en compte par le rapport. Car, le principal enjeu qui divise les pro et les anti-Sénat ce ne sont pas des mesures cosmétiques. Le point de divergence est radical : il y a d’un côté ceux qui veulent le Sénat, et de l’autre ceux qui le rejettent. Entre ces deux extrémités, les partisans d’un réaménagement du Sénat, sont minoritaires et ne pèsent pas vraiment dans le rapport de forces. On se demande donc quel consensus il peut y avoir face à des positions aussi tranchées. Ce d’autant que le chef de l’Etat, dans ses premières déclarations, ne laisse planer aucun doute sur son intention de maintenir le Sénat dans le schéma institutionnel burkinabè. En marge de l’audience qu’il a accordée à son homologue malien, le 31 août, Blaise Compaoré a été en effet clair : « Je suis satisfait des conclusions du comité qui est parvenu à un consensus autour d’une question fondamentale pour notre avenir qui est la question du Sénat. Je me réjouis de voir que le principe a été adopté consensuellement, à savoir que dans une démocratie libérale comme la nôtre, il est certain que lorsque vous avez deux chambres qui gèrent les questions de la loi, on a plus de chances d’aller vers le consensus populaire parce que nous avons la possibilité d’écouter une première lecture et de corriger par la suite à travers l’opinion publique. C’est une question qui est essentielle pour nous, mais aussi pour élargir cette représentation de ceux qui doivent être mandatés par le peuple. Nous pensons que tout cela ne fait que consolider notre possibilité de stabilité et de meilleure visibilité pour la construction du développement de notre pays ».
Il n’y a donc pas de doute, Blaise Compaoré tient à son Sénat. Le chef de l’Etat n’a fait que reculer pour mieux sauter. Cette pause observée dans la rédaction du rapport et les décisions à venir ont aussi permis de désamorcer (momentanément) la crise sociopolitique qui montait crescendo. Sur le plan de la gouvernance, Blaise Compaoré a aussi sans doute voulu donner l’image d’un dirigeant à l’écoute de la vox populi. Mais en maintenant, contre vents et marées, l’idée même du Sénat, il affiche aussi une fermeté et veut imposer son autorité. Une main de fer dans un gant de velours, en somme. La stratégie va-t-elle payer ? L’opposition et la société civile vont-elles se rallier au Sénat nouvelle formule ? Les tensions sociopolitiques prendront-elles fin comme par enchantement ?
Rien de tout cela n’est sûr. Au contraire, les déclarations du chef de l’Etat ne feront que conforter les contempteurs du Sénat dans leurs convictions que ce rapport est une manœuvre de diversion. Car pour Zéphirin Diabré et ses troupes, la position a toujours été la même : non au Sénat, quelles que soient les retouches qui lui seront apportées. C’est dire donc que la rentrée s’annonce chaude au Burkina. Le Sénat même relooké risque en effet d’être toujours un organe maudit. La mobilisation reste de mise contre l’institution et il suffira d’un mot du chef de file de l’opposition pour voir la rue reprendre ses droits. Dans un contexte marqué par une crise profonde de confiance entre gouvernants et gouvernés, cette annonce du président du Faso augure d’un bras de fer à l’issue incertaine. Personne ne le souhaite, mais si un sursaut de patriotisme ne s’empare pas de tous les acteurs de la vie nationale, le risque est grand de voir le pays sombrer dans le chaos. Tous les ingrédients sont réunis, pour cela. Les derniers incidents survenus à la présidence du Faso, le 31 août, et qui restent entourés d’un épais mystère, viennent renforcer ce sentiment de craintes quant à l’avenir du Burkina. Il faut donc veiller à ce que le Sénat ne soit pas le détonateur d’une éventuelle crise aux conséquences incalculables pour des populations déjà en proie à la misère .
La Rédaction