Les avocats Alexandre Sandwidi et Michel Traoré ont plaidé, le vendredi 12 juillet 2019, devant le tribunal militaire de Ouagadougou, pour l’acquittement de leur client, Roger Koussoubé, dans le cadre du procès du putsch manqué.
Les conseils de Roger Koussoubé alias le «Touareg», Maîtres Alexandre Sandwidi et Michel Traoré, sont convaincus que leur client n’est responsable d’aucune infraction retenue contre lui, dans le cadre du coup d’Etat de 2015. Toute la journée du 12 juillet 2019, ils ont défendu le sergent-chef sur qui pèsent cinq chefs d’accusation. Il s’agit de l’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, complicité de dégradation volontaire aggravée de biens et incitation à la commission d’actes contraires à la discipline militaire. De prime abord, Me Sandwidi a relevé que l’autorité de la Transition n’était pas légitime parce que la notion (de transition) elle-même n’était pas constitutionnelle. «La charte de la Transition était au-dessus de la Constitution. Ce n’est pas normal. C’était même un coup d’Etat», a-t-il estimé. Dans son argumentaire, il a mentionné que l’accusé Koussoubé n’a posé aucun acte matériel allant dans le sens de la participation au putsch. Il n’était pas du commando qui a arrêté et séquestré les autorités, n’a pas fait partie de la sécurité du général Gilbert Diendéré, n’a participé à aucune réunion, ni détruit ou incendié des bâtiments, selon l’avocat. «Les vidéos présentées concernant la radio Savane FM n’accablent pas Koussoubé, parce qu’on ne l’a pas vu en train de casser. En tant qu’agent de renseignement, il y était par simple curiosité», a précisé Me Sandwidi. Et son confrère, Me Traoré, de rappeler que Diendéré a aussi reconnu qu’il n’a jamais mandaté Koussoubé pour quoi que ce soit. C’est pourquoi, les deux avocats ont souligné que l’infraction d’attentat retenue contre leur client n’est pas constituée, pour absence de preuves. Me Sandwidi, lui, a parlé d’ acharnement contre leur client. Car, à l’entendre, le parquet a requis 25 ans de prison ferme contre Koussoubé alors que des coaccusés qui ont posé des actes plus graves s’en sortent avec des requêtes de peines moins lourdes. «On a passé 16 mois à prêcher dans le désert», a estimé l’auxiliaire de justice. Sur les faits de meurtre, il a indiqué qu’on aurait dû produire un rapport balistique sur les corps afin qu’on sache qui a tiré et avec quelle arme. Mais en l’absence d’une telle étude, il a considéré que l’accusation de meurtre n’est pas fondée. C’est aussi l’avis de Me Traoré lorsqu’il a fait savoir que les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) n’étaient pas d’ailleurs les seuls dans la rue, le 16 septembre 2015 et jours suivants. «Il y avait également la police et des délinquants qui tiraient en ville», a-t-il dit. L’avocat a ajouté que le grade de Roger Koussoubé (sergent-chef) ne lui permettait pas non plus de donner des instructions afin que des véhicules sortent d’un camp avec des militaires pour faire des patrouilles. Me Traoré ne comprend donc pas comment leur client peut inciter des soldats à commettre des actes contraires au règlement militaire. A l’écouter, l’accusé n’a rien fait qui puisse constituer une infraction.
«Tout le monde m’a fui…»
Pour cette raison, il a requis qu’on acquitte purement et simplement son client ou, en cas du moindre doute, de le condamner avec sursis. Selon l’avocat, Koussoubé est un excellent soldat qui n’a jamais été condamné ni sanctionné sur le plan de la discipline, mais le pseudonyme «Touareg» fait qu’on a des préjugés sur lui. «Notre client fait partie de ceux qui ont contribué à déjouer un coup d’Etat contre Yacouba Isaac Zida. Il n’est pas le monstre qu’on a présenté ni la personne dangereuse à qui on refuse d’accorder la moindre faveur», a renchéri Me Sandwidi. Son confère, Me Traoré, lui, a souhaité qu’on accorde une seconde chance à l’accusé en lui permettant de poursuivre sa carrière dans l’armée. Car, à l’entendre, dans ce contexte d’insécurité, le prévenu qui est un bon agent de renseignement peut bien apporter son expertise dans la lutte contre le terrorisme. «Nous avons bon espoir que nous sommes en train de voir le bout du tunnel, n’en déplaise à nos détracteurs», a clamé Me Traoré. Appelé à la barre pour son mot de la fin, Roger Koussoubé a laissé entendre que contrairement à certains coaccusés, il est toujours resté constant dans ses déclarations.
Mais, il dit ne pas comprendre pourquoi tant de haine et de calomnie à son égard. «Des gens m’en veulent. J’avais quitté le pays pour sauver ma vie», a avancé le prévenu. Il a aussi soutenu qu’il ne peut pas être ce personnage horrible qu’on a tenté de présenter au tribunal, étant donné qu’il a facilité le désarmement et même sauvé certaines personnalités à l’hôtel Laïco. «Le 16 septembre 2015, j’ai obéi aux ordres de mes supérieurs. Je n’ai jamais patrouillé ni fait usage de mon arme durant les événements, encore moins enlevé et séquestré les autorités», s’est défendu Koussoubé. Surnommé le Touareg dès le 17 septembre, il a, par ailleurs, signalé qu’il a été victime du putsch, parce que n’eût été l’intervention de leaders de la société civile, son domicile allait être incendié par des manifestants. «Tout le monde m’a fui sauf ma famille. Je demande votre clémence. Je veux être acquitté», s’est-t-il adressé au tribunal. Issu d’une famille militaire, l’accusé a révélé qu’il a choisi l’armée par vocation. C’est pourquoi, il a rassuré que s’il a la chance d’y poursuivre sa carrière, il sera un militaire exemplaire. « J’ai appris la leçon durant ce temps de détention», a confié l’accusé. Tout en rappelant qu’il a travaillé pendant 18 ans sans la moindre sanction, il a tenu à présenter ses excuses à tous ceux qu’il aurait offensés. L’audience reprend ce lundi 15 juillet à 9 heures.