Les plaidoiries des avocats de la défense se sont poursuivies devant le tribunal militaire, le vendredi 5 juillet 2019. Les conseils Idrissa Badini et Zalyatou Aouba ont demandé la relaxe pour leurs clients.
Les arguments déployés par les avocats de la défense devant le tribunal militaire sont quasiment les mêmes: culpabilité des accusés non établie, acharnement, procès d’intention, etc. Le vendredi 5 juillet 2019, c’était au tour des avocats Me Idrissa Badini et Zalyatou Aouba de présenter les dernières lignes de défense de leurs clients.
Le premier cité a dénoncé une «farouche détermination» du parquet militaire et des avocats de la partie civile à culpabiliser son client, le sergent-chef Mohamed Laoko Zerbo. «C’est son nom qu’on cite. Les avocats de la partie civile ont cité son nom par onze fois pour parler en réalité d’un autre accusé», a fait remarquer Me Badini. L’avocat a estimé que son client est taxé d’avoir fait de la résistance lors du désarmement de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), après sa dissolution.
A l’entendre, les difficultés liées à la démilitarisation de ce corps étaient dues davantage à un déficit de communication, car au lendemain de la dissolution du RSP, la hiérarchie a accéléré le processus de désarmement, initialement prévu pour durer trois semaines. Au demeurant, a-t-il fait savoir, le sergent-chef Zerbo faisait partie des premiers soldats à avoir remis leurs armes. «Pourquoi viendrait-il à s’opposer à un désarmement collectif», a interrogé Me Badini.
En tout état de cause, a-t-il renchéri, même si résistance il y a eue, cela ne saurait être retenu comme un attentat à la sûreté de l’Etat dans la mesure où les faits se sont déroulés après l’arrestation des autorités de la Transition. «Comment peut-on parler d’attentat à la sûreté de l’Etat après le rétablissement des autorités ?», s’est interrogé Me Badini. Appelé pour dire son dernier mot, le sergent-chef Zerbo a dit ne pas être inhumain, ni un monstre.
Il faisait allusion aux plaidoiries des avocats de la partie civile qui ont soutenu que certains accusés sont des «monstres froids». Il a rappelé que son rôle lors des événements du coup d’Etat de septembre 2015 a consisté à exécuter les ordres de ses supérieurs hiérarchiques. Il dit avoir effectué une mission d’observation du côté Ouest de la présidence. «J’étais sur les lieux parce qu’on m’a appelé, et non de mon propre chef.
Dans l’armée, le subordonné exécute des ordres, il ne décrète pas», s’est défendu l’accusé, tout en s’excusant auprès des personnes qu’il a pu offenser dans l’exécution de ces missions. Le sergent-chef a, par ailleurs, dit n’avoir fait aucune patrouille, ni du maintien d’ordre. La «clémence exceptionnelle» du tribunal Son avocat a plaidé l’acquittement pour lui, tout comme pour ses autres clients, le soldat de 1re classe Amadou Ly et l’adjudant Ardjouma Kambou.
«J’ai la certitude que mes clients seront acquittés», a soutenu Me Badini pour qui, aucune des infractions attribuées aux accusés qu’il défend n’est constituée. Néanmoins, il a sollicité la «clémence exceptionnelle» du tribunal, au cas où il retiendrait quelque chose contre ses clients. «Je vous demande donc de rester juge, rendez justice tant aux victimes qu’aux accusés», a-t-il conclu, passant le micro à Me Zaliatou Aouba pour sa plaidoirie. Elle aussi a plaidé la relaxe pour ses clients, l’adjudant Michel Birba et le sociologue malien Sidi Lamine Oumar.
L’avocate a d’abord remis en cause l’intégrité du dossier et regretté l’absence d’expertise balistique. Elle a dit être convaincue que le dossier a été «manipulé». L’avocate a fait savoir que certaines pièces du dossier ont été renumérotées. «Qu’a-t-on ajouté ou retiré ?», s’est-elle inquiétée. Elle a également dénoncé une inégalité entre le parquet et la défense dans la mesure où la partie poursuivante n’a jamais mis le dossier électronique du putsch à la disposition des avocats de la défense.
Cependant, elle a adressé des félicitations au tribunal pour la conduite du procès. Dans sa plaidoirie, l’avocate a insisté sur le fait que le procès du putsch n’est pas une affaire politique et que les accusés ne doivent être considérés qu’au regard des faits du coup de force et de ce qu’il leur est reproché. En cela, Me Aouba a déclaré que les faits reprochés à ses clients ne sont pas constitués, ou en tout cas, des doutes subsistent sur leur culpabilité et le doute profite à l’accusé.
Elle a, par conséquent, sollicité leur acquittement. Concernant Sidi Lamine Oumar, Me Aouba a indiqué que le tribunal militaire n’est pas compétent pour connaître des faits à lui reprochés. Pour elle, cela est de la compétence des juridictions de droit commun, puisque le Malien est un civil. Malgré cela, l’avocate a affirmé avoir écouté les enregistrements téléphoniques relatifs à son client et que nulle part, elle n’a entendu l’évocation d’un nombre quelconque d’hommes à envoyer en soutien au général Gilbert Diendéré.
Elle a d’ailleurs fait remarquer que pendant les événements, Diendéré a reçu plusieurs soutiens. «A supposer que Sidi Lamine Oumar ait voulu faire intervenir des mercenaires, pourquoi l’aurait-il fait à la fin du coup d’Etat au lieu de le faire au début ?
C’est trop beau pour être vrai», a soutenu l’avocate. Appelé à la barre, son client a également nié avoir voulu inciter le général Diendéré à commettre des actes. L’audience reprend ce lundi 8 juillet 2019.