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Lutte contre la désertification à Arbollé: Des femmes rurales redonnent vie à des terres arides

Publié le samedi 29 juin 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Lutte contre la désertification à Arbollé: Des femmes rurales redonnent vie à des terres arides
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Au Burkina Faso, surtout dans sa partie nord, les terres se dégradent et deviennent arides. Les producteurs ne font plus de bons rendements agricoles. Dans les villages de Ramesoum et Dakiégré, situés dans la commune rurale de Arbollé, à une centaine de km de Ouagadougou, des femmes résilientes refusent d’être inactives face à la détérioration continue de leur principale source de subsistance : la terre. Depuis trois ans, elles s’investissent à redonner vie à des terres arides.

Aguiratou Sawadogo vit à Ramessoum, un village située dans la commune rurale de Arbollé, province du Passoré. Ce 21 juin 2019, sous un soleil de plomb, cette veuve de 35 ans, et sa fille Wendkuni sont occupées à faire des zaï, une technique culturale de récupération des terres arides. Elle consiste à creuser des poquets de 20 à 30 cm de diamètre et de 15 à 20 cm de profondeur. Ces trous sont remplis de fumure organique. Le zaï favorise l’infiltration des eaux pluvieuses, fertilise le sol et améliore les rendements agricoles. Pour Aguiratou Sawadogo, cette technique l’aide à nourrir ses cinq gosses, grâce à l’accroissement de sa production.

A Ramessoum et Dakiégré, les femmes comprennent l’enjeu d’investir dans la récupération des terres dégradées, dans un contexte de changement climatique et de rareté des pluies. Marie Valéa est membre fondateur du groupement Nongtaaba qui réunit 20 ressortissants des deux villages voisins, dont 11 femmes. Nongtaaba œuvre dans la vulgarisation des techniques de récupération des sols dégradés. Il dispose d’un site-témoin de paquets de technologies de récupération des terres arides à Ramessoum. Zaï, demi-lunes, cordons pierreux, régénération naturelle assistée (RNA), etc. sont des techniques agricoles expérimentées sur ce site de 2,5 hectares.

Les demi-lunes consistent à creuser des trous de 3 à 4 mètres d’envergure, pour former des cuvettes en demi-cercles ouverts. La Régénération naturelle assistée (RNA) est une technique d’agroforesterie visant à protéger et gérer les pousses naturelles que produisent les souches d’arbres et arbustes dans les champs. Ces techniques permettent de fertiliser et réhabiliter les terres dégradées, de reconstituer le couvert forestier.

Un impératif

Le site-école est établi sur un terrain jadis impropre à l’agriculture depuis plus d’une dizaine d’années, pour aridité avancée. Sa mise en valeur n’a pas été sans difficultés. «Nous avons mangé du couscous sans huile pour piocher ce sol dur, sous la canicule », se remémore Mme Valéa. Aujourd’hui, ce champ-école émerveille, retrouve peu à peu sa « virginité » perdue. L’agriculture y est de nouveau possible ; le couvert végétal s’y reconstitue.

Les membres de Nongtaaba appliquent les différentes technologies dans leurs exploitations. Le champ de Mme Valéa, est un exemple de reforestation et de récupération des terres arides. En trois ans, grâce aux demi-lunes et à la RNA, plusieurs dizaines de jeunes plantes jonchent son lopin d’environ un hectare. Marie Valéa, formatrice communautaire, partage son expertise aux femmes du village. Awa Ouédraogo et ses deux coépouses font des zaï, demi-lunes et RNA dans leurs exploitations, grâce aux enseignements de Mme Valéa. «Face à la faiblesse des rendements agricoles, nous sommes obligés de nous engager dans ces techniques culturales. En même temps, nous sommes heureux de contribuer à la lutte contre la désertification», argue Mme Ouédraogo.

Bébé au dos, sous le soleil ardent, Celine Konkobo s’empresse d’ensemencer sa centaine de demi-lunes qu’elle «a bavé» pour creuser pendant la saison sèche. Elle ne tarit pas d’éloges à l’égard de ces techniques de régénération des terres et d’adaptation à la variabilité climatique qui accroissent les rendements et les produits forestiers non ligneux.

Conscientes des avantages de la récupération des terres pauvres, ces amazones rurales, n’envisagent pas s’en départir de sitôt, en dépit de la pénibilité du travail. «Creuser ce sol dur est très pénible. Mais que faire quand tu as huit enfants à nourrir, à scolariser?», s’interroge, Lizèta Ouédraogo. Pour Aminata Simporé, le travail est harassant, mais les retombées des zaï, sont plus importantes que les souffrances qu’elle endure.

Des femmes engagées
Dans cette partie du pays, les femmes se sont engagées à vaincre l’aridité des sols. En trois ans, elles ont principalement contribué à réaliser 302 ha de zai et 141 ha de demi-lunes dans les deux bourgades. «L’implication des femmes dans la maîtrise et la diffusion de ces techniques est d’une grande portée. Nous sommes dans un milieu où les hommes sont peu sensibles à la dégradation des terres», analyse Kafando Boureima, le facilitateur du projet Drylands Development (DRYDEV) qui accompagne le groupement dans la récupération des terres. Selon l’agent d’agriculture de Arbollé, Bibata Kinda, les femmes n’ont pas souvent accès aux bonnes terres, ni ne disposent de moyens modernes de production. Ainsi, ces techniques culturales constituent une alternative pour elles d’accroitre leurs rendements agricoles et améliorer leurs conditions de vie

Sur la même parcelle, Ratnéré Sawadogo récolte aujourd’hui au moins deux charretées de sorgho, contre une auparavant. «L’accroissement des productions de l’ordre de 60 à 100 %, selon les spéculations, permettent de couvrir les besoins céréaliers des ménages. Les femmes utilisent les surplus pour mener des activités génératrices de revenus. Elles assurent les charges sanitaires et la scolarisation des enfants », soutient M. Kafando.

Au regard des avantages de ces techniques, le chef du Canton de Ramessoum, de son trône, appelle à leur appropriation massive. «Dans le contexte de rareté des pluies, il n’y a pas d’alternatives que de se lancer dans la récupération des terres dégradées, si l’on vise la sécurité alimentaire », conseille Naba Koom.

Cependant, le manque d’équipements adéquats (pioches, pelles, brouettes, triangles à pente) constitue un handicap pour ces femmes déterminées à redonner vie aux terres « mortes« .
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