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Mahamadi Kouanda: « Si le CDP doit éclater pour que Eddie ne soit pas candidat, il éclatera »

Publié le mercredi 26 juin 2019  |  NetAfrique.Net
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© Autre presse par D.R
Une mission de la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) a échangé avec une délégation du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir) le 17 juin 2015 à Ouagadougou. Photo : Eddie Komboïgo, président du CDP
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Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) traverse une des plus graves crises de son histoire. Deux camps s’affrontent depuis quelque temps quant à la désignation du candidat du parti à la présidentielle de 2020 au Burkina Faso, alors que le parti lui-même est en porte-à-faux avec ses propres textes sur plusieurs points. Parmi les meneurs de la contestation anti-Eddie Komboïgo, président du parti, il y a Mahamadi Kouanda, membre du Secrétariat exécutif et du Bureau politique du CDP. C’est lui l’invité de « Mardi Politique » de ce jour.

« Le Pays » : La Justice française a donné son accord pour l’extradition de François Compaoré au Burkina Faso. Quelle est votre réaction sur le sujet ?

Mahamadi Kouanda : Je suis très gêné. On ne peut pas être un homme qui veut la paix et être content du sort de François Compaoré. On ne peut pas non plus être humain et ne pas dire que justice soit faite pour Norbert Zongo. A tort ou à raison, François est suspecté selon la majorité des Burkinabè. Si François doit venir et si c’est Roch Marc Christian Kaboré qui est toujours président du Faso, je le pleure. Car, pendant longtemps, il a été collaborateur de François. Et en plus, pour ceux qui ne le savent pas, il y a des liens de famille entre François Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré. La sœur cadette de François a donné sa fille en mariage au benjamin des Roch. Vous voyez que ce n’est pas facile. Dans tous les cas, si François doit venir, que Dieu l’amène dans la dignité et que ses droits soient respectés ici au Burkina Faso.

Des responsables du CDP estiment que l’extradition de François Compaoré est l’expression d’une « justice vengeresse » menée contre lui. Qu’en dites-vous ?

Je pense que ceux qui parlent au nom du CDP n’ont pas été mandatés par le parti. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il y a des one man show qui font ce qu’ils veulent dans le parti et qui parlent au hasard. Je pense que certains militants de notre parti confondent leur posture personnelle avec celle du parti. Je veux vous dire une chose : ceux qui gesticulent en disant qu’ils soutiennent François, l’insultent, en réalité, en privé. Ce sont des hypocrites.

Le 30 mai dernier, vous et certains camarades avez claqué la porte d’une réunion du Secrétariat exécutif national (SEN) du CDP. Que s’est-il passé ce jour-là?

Ce qui s’est passé le 30 mai dernier est très grave en politique. A la réunion, nous étions moins de 53 personnes. C’est dire qu’on s’est réuni hors quorum. Je veux dire simplement que les 2/3 n’étaient pas atteints. Quand on a annoncé l’ordre du jour, j’ai été le premier à m’inscrire. Cet ordre disait : préparation du congrès du 16 juin et lecture du contenu d’une lettre du président d’honneur, Blaise Compaoré. Il était question également de se pencher sur la question du Bureau politique national dont le nombre de membres dépasse très largement 600 ; ce qui est en contradiction avec les statuts du parti. J’ai pris la parole pour demander au président s’il ne connaissait pas les règles relatives à la convocation des réunions du parti.

Sinon, il aurait dû se référer à ses adjoints, Achille Tapsoba notamment. J’ai proposé un amendement de l’ordre du jour. 1er point, j’ai proposé la vie du parti ; 2e point, la gouvernance de Eddie Komboïgo. S’il avait accepté ces deux premiers points, on allait corriger les listes arbitraires au niveau du Bureau exécutif, du Secrétariat permanent et du Comité exécutif. Tant que ces problèmes n’étaient pas réglés, je n’étais pas intéressé par un congrès. J’ai été honnête avec eux. Et s’ils forçaient, il allait y avoir deux congrès car j’étais prêt à convoquer un congrès et ce, pour plusieurs raisons. Je suis co-fondateur du CDP.

Le CDP a été officiellement créé en février 1996 mais le CDP n’est pas autre chose que l’ODP qui a été créée le 15 avril 1989 à mon domicile. C’est important pour vous et pour l’histoire. Je ne voudrais pas tout détailler ici, mais je voudrais dire que le CDP a une histoire. J’ai été partie prenante de toute l’évolution qui a donné naissance au CDP. Pensez-vous que moi je puisse sacrifier tant d’années d’engagement politique au profit d’un monsieur comme Eddie ? Quelqu’un qui confond la politique avec sa poche ? Qui n’a aucune parole ? Non ! Malheureusement aujourd’hui, il y a des gens qui n’honorent pas la politique et qui se trouvent aujourd’hui à la tête du CDP. Toute leur vie politique est basée sur la volonté et les largesses de Eddie Komboïgo. J’ai claqué la porte à cette réunion, pour me résumer, pour dénoncer la pagaille actuelle au sein du CDP. A titre d’exemple, j’ai vu des photos où des jeunes ont porté des tee-shirts CDP pour aller piller le matériel de Canal +. Ce sont des choses inacceptables. Plus de 180 travailleurs iront au chômage à cause d’un individu assoiffé de pouvoir, d’argent et prêt à tout pour être président du Faso.

« Je suis prêt à soutenir d’autres candidatures. J’ai ma candidate qui est Juliette Bonkoungou »
Pensez-vous que Eddie Komboïgo ne peut pas être président du Faso sous la bannière du CDP ?

Eddie peut être président du Faso mais ce sera sans le CDP. Si Dieu existe et que la terre du Burkina appartient à des Burkinabè honnêtes, Eddie Komboïgo ne sera pas candidat du CDP pour aller à la présidence. Toute ma vie a été CDP et je vais utiliser tous les moyens légaux, sociaux et humains possibles pour empêcher Eddie d’utiliser le sigle CDP pour chercher le pouvoir dans ce pays. On ne peut pas venir au CDP en 2012 comme Eddie l’a fait et vouloir emmerder les gens. Il a osé interpeller le député Daniel Sawadogo lors de la réunion dont vous parlez : « Toi, toi Daniel ! Tant que je serai président du CDP, tu n’auras pas la parole ; tu n’es rien ; tu n’as qu’un certificat d’études». Vous imaginez de tels propos ? Daniel n’est pas son enfant. S’il s’adressait à moi de la sorte, la réunion allait déraper. On ne pas dire des choses pareilles.

D’aucuns estiment que votre génération est dépassée !

Notre génération est dépassée signifie quoi ? Donnez-moi les noms de ceux qui tiennent des propos pareils et je vous répondrai.

Ne craignez-vous pas un éclatement du parti ?

Si le CDP doit éclater pour que Eddie ne soit pas candidat, il éclatera. Ma position est très claire. Je suis prêt à soutenir d’autres candidatures. J’ai ma candidate qui est Juliette Bonkoungou. Je dis au passage que je ne suis pas contre Kadré. S’il arrive à battre Juliette aux primaires, je le soutiendrai. Nous voulons d’un congrès où tous les candidats auront la même chance. Or, le congrès que le camp de Eddie tentait d’organiser, était anti-démocratique parce que les textes fondamentaux du CDP ont été bafoués.

Quelle est la position du président d’honneur, Blaise Compaoré, sur cette crise au CDP ?

Je suis désolé de vous le dire. Cette fois-ci, je n’ai pas reconnu Blaise Compaoré quand sa lettre a été lue. Je n’ai pas reconnu le leader qu’il a été. Blaise Compaoré a toujours été le meilleur de nous tous mais le contenu de sa lettre ne reflète pas l’homme que j’ai connu. J’ai été touché le 30 mai dernier quand sa lettre nous a été lue.

« Kadré a abandonné le CDP au moment où le parti avait besoin de lui »
Que disait la lettre ?

Je résume en trois points : moi, Blaise Compaoré, président à vie du CDP, je me suis donné le temps de concerter par rapport à la tenue du congrès extraordinaire ; j’ai eu le temps de réfléchir et je vous donne mon accord pour aller organiser le congrès sans délai. Je soutiens Eddie. Je précise qu’il ne l’a pas dit ouvertement mais certains mots laissent penser cela sans dire que je soutiens Eddie. En fait, il y a des parties, dans la lettre, qui éliminent plusieurs candidats. Si ce qui est dit dans la lettre est vrai, je pense que Blaise a été trompé. Moi, j’ai beaucoup travaillé pour Blaise ; je me suis battu pour lui et il sait ce que j’ai fait pour lui et le CDP. Blaise avait prévu de rencontrer les camps : Kadré- Léonce Koné, Kouanda- Juliette et Eddie- Achille. On devrait se voir à six à Abidjan avec d’autres camarades, pour tenter de résoudre la crise. Je me suis déplacé personnellement à Paris pour voir François Compaoré et j’attendais la date. J’étais préparé pour ça. Je ne comprends pas alors pourquoi il a écrit la lettre sans cette concertation.

Il se dit que Blaise Compaoré veut revenir au pays. Est-ce une bonne idée ?

Malgré ma déception, je souhaite que Blaise puisse revenir au pays dans la dignité et le respect de la part de nous tous.

Pourquoi Juliette Bonkoungou et non Kadré?

Rappelez-vous, en 2015, j’ai été le premier à dire que Kadré était le plan B pour faire face à Roch. En son temps, les Eddie et Fatou s’y étaient opposés. A cette période, Kadré était le meilleur. Malheureusement, je ne vais pas le juger, mais Kadré a abandonné le CDP au moment où le parti avait besoin de lui. J’ai soutenu la candidature de Jérôme Bougouma en 2015 pour la tête du CDP, pour l’homme de consensus qu’il est et à cause de ses qualités humaines et intellectuelles. Pour la candidature à l’élection prochaine, j’ai choisi de soutenir Juliette Bonkoungou pour son expérience. Elle a été constante dans sa position.

La Justice vous a donné raison en suspendant la tenue du congrès extraordinaire alors programmé pour le 16 juin dernier. Quel sentiment vous anime ?

J’ai de la fierté d’être Burkinabè. La Justice burkinabè mérite tout mon respect. J’ai toujours dit qu’il faut faire confiance à la Justice, quelle que soit sa décision à notre égard. Je vais vous dire que c’est à mon corps défendant que j’ai saisi la Justice. Au ministère de l’Administration territoriale où je me suis rendu, on m’a dit que l’administration ne pouvait agir qu’après le congrès. J’ai dû saisir la Justice. On n’avait pas le choix ; on a tout fait pour résoudre la crise mais Eddie et son clan ne voulaient pas nous écouter. Ils passaient leur temps à nous insulter. J’ai même été entendu par la Commission de contrôle où Eddie avait déposé une plainte pour demander une sanction contre moi. J’ai eu raison car la commission a conclu que je n’avais rien fait contre les principes du parti. Elle a même demandé une rencontre de réconciliation entre Eddie et moi, mais il a refusé. Lui, tenait coûte que coûte à me faire sanctionner.

Quelle sera la suite de votre combat ?

Eddie doit être sanctionné au prochain congrès. Tous ceux qui ont été impliqués dans la manipulation des textes du parti ou qui en ont été les bénéficiaires, doivent être sanctionnés. Dans tous les cas, je suis prêt pour le compromis, mais pas à n’importe quel prix.
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