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Cheick Modibo Diarra, Premier ministre du Mali : Une sortie médiatique ni politique ni diplomatique.
Publié le samedi 6 octobre 2012   |  Autre presse


Cheick
© aOuaga.com par DR
Cheick Modibo Diarra, Premier ministre malien


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Cheick Modibo Diarra ambitionnait, voici quelques mois, avant que le Mali ne sombre dans le pire des chaos, de devenir président de la République. Dans cette perspective, il avait fondé, le 6 mars 2011, le Rassemblement pour le développement du Mali (RPDM) et avait fait acte officiel de candidature à la présidentielle 2012. Sans autre expérience politique que celle de… sa famille et avec une « pratique » malienne plus que limitée.

Promu du fait de la « crise malo-malienne » au poste de premier ministre, j’avais écrit alors que c’était « une bonne chose pour tous ceux qui ne supportent plus de voir des militaires sans charisme et sans programme, et passablement ignares, s’ériger en chefs d’Etat africains parce qu’ils ont la clé de l’armurerie ». Et pour paraphraser Michel Audiard, j’avais espéré qu’un intellectuel qui marche irait plus loin qu’un con qui reste assis. J’avais conclu de tout cela que « c’est, dit-on, au pied du mur que l’on juge le maçon. Voilà Modibo Diarra, contre toute attente, en posture – dans un contexte particulièrement délicat – de mettre en action des décennies de réflexion » (cf. LDD Mali 030/Jeudi 19 avril 2012). J’ai aujourd’hui l’impression, près de six mois plus tard (Diarra a été nommé le 17 avril 2012), que le maçon éprouve quelques difficultés à manier la truelle.

Dans le quotidien Le Monde de ce week-end, daté « Dimanche 30 septembre - Lundi 1er octobre 2012 », Christophe Châtelot s’est entretenu avec Diarra. C’est à ma connaissance le premier entretien qu’il accorde à un journal international depuis sa prise de fonction. Dans un contexte qui s’est radicalisé sur le terrain tandis que la confusion la plus totale règne à l’international entre les « va-t-en guerre » et ceux qui s’efforcent (de plus en plus difficilement) de promouvoir le dialogue et la négociation avec les « rebelles » du Nord-Mali. Diarra appartient aux « va-t-en guerre ». Et le titre en « une » du quotidien français est explicite : « Déloger les narcotrafiquants et les terroristes du Mali » ; le sous-titre précise : « Un entretien avec le premier ministre malien ».

Voilà donc que, d’emblée, Diarra évacue toute dimension politique à la situation que connaît actuellement le Mali : au Nord, il n’y aurait que des « narcotrafiquants » et des « terroristes » qui n’ont rien à y faire et qu’il convient donc de « déloger ». « Il ne faut pas se tromper, explique Diarra, ce n’est pas un problème entre Maliens mais un problème avec des terroristes, des narcotrafiquants, des preneurs d’otages, des bandits de toutes sortes ». On peut comprendre cette volonté de Diarra de dégager en touche toute implication malienne dans la situation du Nord du Mali. Le vendredi 28 septembre 2012, jour de l’entretien, Diarra débarquait de New York ; où il avait plaidé pour une intervention militaire internationale au titre du chapitre VII de la charte de l’ONU.

Mais réduire le problème malien à une opération de police contre des voyous, ce n’est pas poser la bonne équation permettant sa résolution. Quid de la situation qui prévalait à Bamako avant le déclenchement des événements du 17 janvier 2012 (la « guerre » décidée par le MNLA), du 22 mars 2012 (chute du régime d’Amadou Toumani Touré et conquête du pouvoir par les militaires), du 6 avril 2012 (engagement de la junte à remettre le pouvoir aux civils dans le cadre d’un accord avec la Cédéao et de la médiation confiée au président du Faso) ? Sans ces événements, Dioncounda Traoré ne serait pas aujourd’hui président intérimaire et Diarra ne serait pas son premier ministre.

C’est d’ailleurs l’existence d’une « crise malo-malienne » qui explique que Diarra soit allé quémander une aide internationale à New York. Car l’opération de police pour virer les voyous du Nord, Bamako est incapable de la mettre en place. C’est pourquoi Diarra veut l’intervention de la Cédéao mais aussi de l’Algérie et de la Mauritanie « dont la participation est incontournable », des « amis comme le Maroc ou le Tchad » avant que « la communauté internationale – France, Etats-Unis, Grande-Bretagne notamment – prépare sa force d’intervention pour faire un travail propre et rapide ». Rien de moins. Il affirme même sans rire « que la communauté internationale doit se soulever ». Pourquoi pas, pour faire « propre et rapide », balancer une bombe atomique sur le Nord-Mali et en finir définitivement ? Et pourquoi faudrait-il que la « communauté internationale » se « soulève » alors que les responsables politiques maliens ont bien du mal à lever le petit doigt dans cette affaire « malo-malienne » ?

Dans le dégagement en touche de toute responsabilité malienne, Diarra va même plus loin. « Au regard, dit-il, de l’insistance avec laquelle cette organisation [la Cédéao] nous a demandé de faire une requête d’intervention internationale, j’imagine que cela veut dire qu’il existe une telle force quelque part ». On ne peut pas être plus désobligeant à l’égard de la Cédéao (sans laquelle Diarra ne serait pas là où il est et dont la prise de position – même si elle était une nécessité urgente pour la région – a sans doute empêché que le Mali ne succombe, une fois encore, au charme d’un pouvoir militaire sans retenue agrémenté cette fois d’une partition du pays). L’incohérence de son propos s’exprime pleinement lorsque, par ailleurs, il souligne que « depuis le début de la transition, l’armée se ressoude et renforce sa chaîne de commandement » ; ce qui laisse penser qu’il y avait une fracture au sein de l’armée et une totale impéritie de ses chefs.

Plus dramatique encore, les deux têtes de l’exécutif ne seraient pas sur la même longueur d’onde et Diarra n’hésite pas à exprimer, publiquement, à l’étranger, son désaccord avec le chef de l’Etat. A la question : « Le président malien Dioncounda Traoré a proposé de négocier avec le Nord, êtes-vous d’accord ? », Diarra ne fait pas dans la nuance : « Avec qui négocier ? répond-il. Et pourquoi ne l’a-t-on pas fait jusqu’à présent ? Cela fait plus de huit mois que dure la crise et je n’ai pas vu apparaître de solution non militaire ». La coordination entre Traoré et Diarra est manifestement à revoir. Et on se demande quel est, dès lors, le rôle de la médiation confiée au Burkina Faso.

On pourrait rétorquer à Diarra que s’il n’y a pas d’autre solution que militaire pourquoi faut-il attendre si longtemps pour qu’elle soit mise en œuvre. Le dialogue demande du temps (d’autant plus de temps que Bamako était le cadre d’une crise politique majeure qui n’était pas moins qu’un coup d’Etat militaire), c’est vrai ; mais la guerre aussi ! Et ce n’est pas demain que la « stratégie en cinq points » qu’expose Diarra dans son entretien pourra être mise en place. 1 – « Sécuriser les grandes villes du Mali » pour éviter toute « infiltration, ni multiplication de cellules dormantes ». 2 – « Solliciter formellement » l’aide de la Cédéao, de l’Union africaine, de l’Union européenne, « et de nos amis comme la France et les Etats-Unis » et « transmettre au Conseil de sécurité notre requête d’intervention militaire internationale ». 3 – « Structurer et solidifier l’armée malienne qui doit être l’élément fondamental de cette affaire ». 4 – « Reconquérir le Nord ». 5 – « Sécuriser les régions libérées de façon durable ». A l’âge qui est le mien et celui de Diarra nous serons sans doute morts avant que l’armée malienne « structurée et solidifiée » ait été « l’élément fondamental » de la reconquête du Nord. La meilleure preuve en est, là encore, que Diarra ne manque pas d’affirmer en conclusion de cet édifiant entretien : « On polémique avant même de connaître la stratégie, les moyens et les pays qui nous aiderons à la reconquête ». Ah bon… !

Nous en sommes là aujourd’hui. Comme le dit Diarra : « On verra ». Il dit aussi au sujet des « terroristes qui occupent le Nord du Mali » que « ce sont des gens qui dès que vous les contrariez, commettent des actes de violences dans des zones peuplées ». Peut-être faudrait-il éviter de les « contrarier ». Cela résoudrait le problème et Bamako pourrait continuer à s’occuper de ses petites affaires ordinaires. Ce que je dis là est idiot car c’est exactement ce que font, actuellement, les politiques maliens : s’occuper de leurs petites affaires ordinaires.

Jean-Pierre BEJOT

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