Les déchets de l’exploration minière du groupe Endeavour mining dans la commune de Houndé, déversés à ciel ouvert inquiètent les populations. Celles-ci s’interrogent sur les effets néfastes de ces déchets sur le plan sanitaire et environnemental. Sidwaya a enquêté.
A Kari, village situé à une quinzaine de kilomètres de la commune de Houndé, sous un soleil de plomb, des ouvriers de l’entreprise Endeavour mining munis de gants et de chaussures de sécurité sont à la manœuvre, ce mardi 21 mai, dans le cadre d’une exploration minière. Ils manient des sacs remplis de tas de terre censés contenir des traces d’or. Entreposés à l’air libre, sur une surface d’environ un hectare et demi, ces sacs attirent l’attention. Sur les lieux, les vrombissements d’un camion rempli des mêmes résidus se font entendre. Le conducteur vide le contenu. Ces «ordures» inquiètent les populations qui s’interrogent sur les conséquences de ces déchets sur l’environnement et leur santé. Endeavour mining rassure qu’il s’agit du sable pulvérisé non toxique même si, elle ne dévoile pas les produits utilisés dans le traitement du contenu des sacs. Toutefois, un ouvrier de l’entreprise ayant requis l’anonymat affirme que les résidus occasionnent des brûlures à la main. «Une fine odeur se dégage des sacs. Nous l’aspirons chaque jour. Nous soupçonnons que ces éléments sont néfastes pour la santé. Vu que nous n’avons pas d’autres travaux, nous sommes obligés de subir pour ne pas être dans la rue», martèle-t-il.
Incinérer les déchets
Le paysan Mohamed Traoré, un quarantenaire qui a son champ à proximité du lieu de stockage des sacs, avoue ne pas avoir l’esprit tranquille. «Je me sens impuissant face à tout cela. Les déchets sont déposés près d’une colline et les ruissellements d’eau se dirigent vers les bas-fonds où nous nous approvisionnons en eau et abreuvons nos animaux», dit-il. Pour lui, ces dépôts pourraient contenir du cyanure et autres produits toxiques. Même son de cloche chez Abdramane Gnanta, un fermier qui dit avoir peur de contracter des maladies dues à ces déchets. «Les enfants trainent sur les lieux et nous craignons pour leur sécurité», se plaint-il.
Selon le chef de terre de Houndé, Kalifa Bognana, les déchets ne doivent pas être exposés à l’air libre, car cela peut appauvrir la terre et diminuer ainsi sa productivité. Pour lui, la société minière pouvait les incinérer ou au cas échéant, creuser un grand trou pour les stocker. Le Secrétaire général (SG) du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) de la section provinciale de Tuy, Pierre Somé, lui, également estime que la structure doit mettre en place une procédure de destruction de déchets.
«Elle devrait avoir dans ses programmations un procédé d’incinération. Des mesures doivent être prises afin de ramasser ces déchets et suivre la procédure de destruction», conseille-t-il. Pour lui, aucun déchet ne doit être à la surface de la terre. «Le déchet au sens connoté renvoie à ce qui n’est pas bien. Sur le plan sanitaire, toxique ou pas, tout déchet est un élément pouvant favoriser certaines pathologies cutanées ou respiratoires dues à la poussière», explique le spécialiste de santé.
En plus, argue M. Traoré, l’air contrarié, l’entreprise mène des activités de recherches dans les champs en creusant des forages .«Après, les terres restent inexploitables», soupire-t-il. Dans la même veine, M. Gnanta pense que les terres se dégradent de jour en jour. Interrogé sur le problème des déchets et l’exploitation des champs, le SG de la mairie de Houndé, Maxime Bako, trouve ahurissant la quantité de déchets produits.
Des échantillons prélevés pour analyse
A ses dires, les responsables de l’exploration minière ont été interpellés, mais rien n’y fit. Il rappelle que l’entreprise avait déguerpi des orpailleurs en mars dernier, pour avoir accès à son périmètre autorisé par l’Etat. «Cela a même fait l’objet d’une question du député maire de la commune de Houndé, Boureima Dissan Gnoumou, à l’Assemblée nationale», se souvient-il. De l’avis du SG, la police municipale a été sur les lieux. Il y a eu, à l’entendre, un bras de fer qui n’a toutefois pas produit de changement. Pouvez-vous certifier que les éléments sont toxiques ? En réponse à cette question, M. Bako assure que la mairie ne dispose pas de service compétent pour de telles analyses. Joint au téléphone, le directeur régional de l’environnement, Sami Dabiré, soutient que des échantillons ont été prélevés pour analyse au laboratoire. «Je ne peux pas me prononcer sur la dangerosité des déchets sans le rapport d’analyse. Nous attendons les résultats», indique-t-il. A en croire également M. Bako, la mairie a été déjà interpellée par les populations pour une probable contamination d’un puits à Kari. En effet, elles ont constaté une substance huileuse sur la surface de l’eau les empêchant de boire. Endeavour mining a alors rejeté toute hypothèse de contamination, en affirmant qu’une analyse faite au laboratoire du centre à Ouagadougou atteste que l’eau du puits n’est pas contaminée.
L’appui des autorités demandé
Pour l’entreprise, il y avait seulement un corps étranger. En tous les cas, poursuit le SG, le liquide précieux n’était plus consommable. «Des voix plus autorisées doivent se saisir de la question pour la protection de l’environnement», préconise-t-il. En ce qui concerne l’exploitation des terres, le SG trouve qu’en milieu rural, l’activité principale étant l’agriculture, la recherche doit se mener tout en permettant aux producteurs de cultiver leur champ. Cependant, dit-il, ce qui n’est pas tolérable c’est de gêner l’autre dans ses activités. Et au paysan, Mohamed Traoré, de revenir à la charge en insistant qu’il s’agit d’une exploitation anarchique des terres. Il affirme d’ailleurs ne pas comprendre pourquoi la recherche se poursuit dans son champ après maints recours auprès des autorités de la région.
Au début, raconte le jeune agriculteur, mine serrée, la société a proposé une contrepartie de 100 000 F CFA à l’hectare afin de faire des recherches dans les champs. «Après mon opposition, elle a augmenté à 200 000 F CFA. Somme que je n’ai pas voulue, car par hectare je peux récolter 60 sacs de maïs. Des onze propriétaires terriens que nous formions, dix ont accepté les 200 000 F CFA. Des forces de l’ordre ont donc été envoyées chez mon père pour me dissuader. Je me suis toujours opposé et finalement la société a proposé 300 000 F CFA l’hectare. Vu la pression, j’ai fini par accepter», se remémore-t-il. Selon lui, il sort toujours perdant après calcul. En plus, déclare-t-il, le champ n’est plus cultivable, en témoignent les multiples trous et les zones dallées. Sourcils froncés, il affirme laisser le champ en l’état pour que cela serve de témoignage un jour.
A l’en croire, certains chefs de terre et conseillers ont été corrompus. «La société a argumenté que dans le Code minier, il n’y a pas de réparation de terre. On lui a alors suggéré de se référer au Code civil», a témoigné M. Traoré. D’un air nostalgique, il fait savoir qu’avant l’exploitation de la terre, les productions agricoles étaient meilleures. Il estime qu’avec son champ qui fait onze hectares, il pouvait récolter 560 à 570 sacs. Cette année, avec l’occupation de six hectares et demi de terre par la société minière, il a eu 205 sacs.
«Nous perdons 3200 hectares de terre»
«J’avais pour habitude de me procurer une parcelle après chaque récolte. Malheureusement, cette année, il m’est impossible de le faire. Nous perdons 3200 hectares de terres cultivables à Kari. Houndé n’est plus une zone de référence dans la production du coton. J’interpelle encore les autorités pour un changement de système», suggère-t-il. Le maire rappelle aussi que sur le mode de déguerpissement, la mairie a reçu des plaintes, surtout venant des fermiers. «Ces derniers entretenaient une parfaite relation avec les orpailleurs qui ont été chassés sans préavis», dit-il. A ce niveau, Ousséni Ouédraogo, ex-orpailleur expulsé de la zone, fait savoir qu’il est au chômage depuis le déguerpissement. «Nous étions plus de 3000 ouvriers à travailler sur le site.
Ce qui est alarmant en plus du déguerpissement, nous ne pouvons pas exploiter nos champs à cause des fouilles qui s’y font. Comment allons-nous vivre avec nos multiples familles», se questionne-t-il. Et d’ajouter que si l’on prive un homme du minimum pour vivre, c’est que l’on veut le tuer et il y va de son honneur de lutter pour ne pas périr. Le chef de terre confie que lors d’une réunion, les responsables miniers avaient promis que ceux qui seront dans leur périmètre seraient dédommagés. «Les propriétaires des terres ont été trompés. Normalement, ils devraient évaluer la production des paysans par an avant de les rémunérer, et ce, pendant cinq ans. Ce qui n’a pas été fait. Avant l’installation de la mine, ils nous avaient promis que nos fils seront prioritaires en matière d’embauche, mais nous avons été leurrés», précise-t-il. Le chef de Houndé, Kako Bognana, lui, affiche une volonté d’apaiser les cœurs. «Je souhaite que la population et la société minière travaillent de commun accord pour le rayonnement du village», plaide-t-il.