Cette fin du mois d’août 2013 marque le quatrième anniversaire du parti politique dénommé Convention nationale pour le progrès du Burkina (CNPB). A cette occasion, le président du Bureau exécutif permanent de ce parti publie la déclaration ci-dessous dans laquelle il retrace le chemin parcouru en quatre ans d’existence et se prononce, actualité oblige, sur la mise en place controversée du Sénat.
Le 29 août 2013, nous célébrons le quatrième (4e) anniversaire de notre parti, la Convention Nationale pour le Progrès du Burkina (CNPB). Cet anniversaire, nous aurions voulu le célébrer avec faste et grand bruit, en fêtant au passage notre grande victoire aux dernières élections couplées du 2 décembre 2012 où malgré l’ostracisme ambiant et les tricheries de tous ordres, notre parti a réussi à se tailler une place à l’Assemblée Nationale en se classant parmi les huit premiers partis, en importance, sur l’échiquier politique national, sur plus de cent soixante partis qui composent le paysage politique de notre pays. Nous aurions voulu crier notre joie et notre fierté en cette date anniversaire.
Mais c’eût été de l’indécence devant les affres et les tourmentes qui jalonnent, comme de façon prémonitoire, l’avenir de notre pays dont les observateurs avisés semblent déceler des signes d’incertitudes et d’inquiétudes. (Cf. Rapport de International Crisis Group, la Lettre pastorale des évêques du Burkina, etc.)
En effet, comment faire la fête quand une portion de plus en plus grande de la population s’enlise progressivement dans la pauvreté et même la misère et le désespoir ?
Comment faire la fête devant la détresse de nos enfants, de nos frères et sœurs jetés dans la rue sans ménagement, après la fermeture des cités et restaurants universitaires ?
Comment faire la fête devant le manque criard de soins de qualité, devant la décrépitude de notre système éducatif, devant les questionnements sur le sens même d’une vie polluée par
la corruption, le népotisme et l’injustice qui ont engendré l’incivisme, détruit les fondements
mêmes de nos valeurs ancestrales et fait perdre tout repère à la jeunesse burkinabè ?
Ce que la décence nous commande, et c’est ce que nous faisons ici même, c’est de féliciter tous nos militants et sympathisants ainsi que toutes les bonnes volontés qui nous soutiennent
et leur dire tout simplement :
Joyeux anniversaire à tous et à toutes !
Que Dieu Tout Puissant et Miséricordieux vous bénisse toutes et tous !
Qu’IL bénisse la CNPB !
Qu’IL bénisse notre cher pays, le Burkina Faso !
Mais tout compte fait, comment en sommes-nous arrivés là où nous sommes, c’est-à-dire dans cette situation de quasi-blocage du pays qui laisse les honnêtes gens perplexes et dans une peur justifiée par les menaces qui pèsent sur la stabilité et la paix auxquelles nous tenons tous ?Pour le savoir, il n’est pas superflu de remonter le temps, jusque dans les années 2008.
Du CCRP au Sénat ou le tort d’avoir eu raison trop tôt.
En 2008, alors que le combat des « refondateurs du CDP » devenait public, le Burkina traversait une crise grave, celle de « la vie chère » qui avait fait éclater des manifestations violentes à Bobo-Dioulasso et Ouahigouya d’abord, puis plus tard, à Ouagadougou avec encore plus de violence. Nous étions bel et bien dans une crise grave et la gouvernance semblait en être la principale cause.
C’est, du reste, pour cette raison que nous avons dénoncé, à l’époque, les maux qui minaient le CDP et qui pour une raison évidente, se transposaient avec plus d’acuité au plan de l’Etat. C’est dans ce contexte politique où la refondation des Institutions de la République apparaissait comme une nécessité incontournable que le Président du Faso, après l’élection présidentielle calamiteuse de novembre 2010, s’est vu contraint de lancer son appel de Ouahigouya au mois de décembre, pour inviter les burkinabè à réfléchir sur des réformes politiques à même de mieux enraciner notre démocratie. Malheureusement, le pouvoir a voulu jouer au plus malin, en créant un Ministère des Réformes politiques et un Conseil consultatif pour les Réformes politiques, (CCRP) inféodé au Ministère des Réformes politiques dont le titulaire était désigné comme président du CCRP.
C’est pour cette raison que notre parti a été un des premiers à réagir à la création du CCRP et à la nomination de son président que nous avions récusé dès le 1er mars 2011. Et le droit de réponse du Président du parti in Journal l’Observateur Paalga du 14 mai 2011 le témoigne. En rappel, voici les positions de la CNPB à l’époque :
1- « Compte tenu de la situation qui prévaut, le Ministre chargé des réformes ne peut pas être juge et parti ; en clair il ne peut pas piloter les réformes surtout que la crise est profonde. Pour nous, il est nécessaire de mettre en place une commission neutre comme ce qui a été fait lors de la crise née de l’assassinat de Norbert Zongo.
2- Pour le Sénat nous craignons que cela soit comme la 2e Chambre que nous avons connue il y a quelque temps et qui a montré ses limites. Il faut éviter les institutions budgétivores qui n’apportent rien à la démocratie. »
Notre position a été une fois de plus réaffirmée avec force détails sur les motifs de notre boycott du CCRP dans le journal Le Pays N°4929 du 17 août 2011. Entre autres motifs nous citions :
- « C’est que nous connaissions son président qui, même s’il le voulait, ne pouvait être autre chose que « la voix de son maître ». La qualité de Ministre d’Etat ne l’affranchit pas de la tutelle de son chef. De surcroit, colonel de l’armée, il sait mieux que quiconque ce qu’est la hiérarchie. »
- Enfin, c’est un monsieur dont nous avons eu l’occasion d’apprécier la vision et la compréhension de la démocratie (qui ne peut être qu’une « démocrature », c’est-à-dire une dictature avec des apparats de la démocratie ), à la commission constitutionnelle de 1990 où il a pu développer à volonté les limites de sa conception de la démocratie.
- Nous avions alors exigé, comme préalable à notre participation, un accord sur le cadre, le contenu et le mode opératoire du CCRP.
Comme nos préoccupations n’ont pas été prises en compte, alors, nous avons décidé de ne pas prendre part aux travaux du CCRP. C’est le lieu de rappeler que le CCRP a été boycotté par une partie importante des partis politiques de l’opposition et une majorité des organisations de la société civile, au motif du flou qui entourait le CCRP. Il est clair aujourd’hui que c’est ce flou savamment et sciemment entretenu qui a engendré le Sénat qui se révèle maintenant comme l’élément cristallisant de tous ceux qui s’opposent à la mal Gouvernance de notre pays.
Mais il faut le reconnaître, le vers était déjà dans le fruit à la création du CCRP. Et comme le constat peut être fait aujourd’hui, la tournure des évènements et le blocage sur la mise en œuvre du sénat nous donnent amplement raison. En effet, la plupart de ceux qui sont allés au CCRP de bonne foi, en comptant sur la bonne foi réciproque du pouvoir, se sentent aujourd’hui comme « roulés dans la farine ». Outre les évêques de l’Eglise Catholique et certains pasteurs éminents des Eglises Evangéliques du Burkina Faso, des organisations de la société civile regroupées au sein du « Front de résistance citoyenne », des artistes engagés regroupés au sein du « Balai Citoyen », d’éminentes personnalités comme le Général Tiemoko Marc Garango, jugent, comme nous et l’ensemble des partis de l’opposition regroupés au sein du CFOP, que le sénat , dans le contexte actuel, est inopportun, inutile, budgétivore et nuisible pour le Burkina Faso.
Du Sénat au blocage (constitutionnel)
Un dicton bien de chez nous enseigne qu’il ne faut pas regarder là où on est tombé, mais plutôt là où on a trébuché. Qu’on ne nous reproche pas d’avoir vu juste et invité à regarder là on allait trébucher. Maintenant que le pouvoir dans son entêtement a amené tout le pays à trébucher, que faire pour ne pas tomber dans le gouffre ?
Les débats, aussi bien au plan politique que juridique, tentent d’apporter de la lumière et d’aider le pouvoir à décider en bonne connaissance de cause, mais surtout à éviter de prendre des décisions qui pourraient faire basculer notre paisible pays dans les turbulences ou le chaos d’où notre Président, en tant que facilitateur et promoteur de dialogue essaie de faire sortir des pays voisins où le dialogue social et politique a fait défaut à un moment crucial de leur histoire.
Nous attendons de voir si le Médiateur et Facilitateur de l’UEMOA et de la CDEAO, Faiseur de paix dans la sous-région saura anticiper, pour ne pas devoir lui-même recourir à un médiateur-facilitateur, pour enfin instaurer un vrai dialogue entre lui, les acteurs politiques et la société civile burkinabè. Mais Comme l’a dit son Premier Ministre : « Wait and see ».
En d’autres termes, est-ce le consensus ou la dictature d’une minorité, le CCRP, qui va s’imposer à la majorité qui n’a pas pris part au CCRP ? En effet, le CCRP n’ayant pas été consensuel, comment peut-on parler de décisions consensuelles du CCRP ?
Pour la CNPB, quand bien même le pouvoir aurait fait l’économie du Sénat, il ne saurait faire l’économie d’un véritable dialogue national que les tous les burkinabè de bonne foi et de bonne volonté appellent de leurs vœux. Dans la littérature ambiante que véhiculent les médias burkinabè, de nombreuses formules ou types de cadres de concertations sont proposés :
Constituante, Etats Généraux de la Nation, Dialogue National Inclusif, Forum National des Forces Vives de la Nation, etc.
Ce qui est sûr, le CCRP doit être mis sur la touche puisqu’ayant fait la preuve de son incapacité congénitale à proposer de véritables pistes de sortie de crise.
La CNPB, pour sa part, souhaite que « la balle à terre » du Président soit une opportunité pour le pouvoir de reprendre l’initiative pour un vrai dialogue inclusif, afin de préserver la stabilité et la paix, les seules richesses qu’il n’a pas encore dilapidées.
La CNPB se réjouit de la mise en liberté provisoire des étudiants par la Cour d’Appel de Ouagadougou, mais espère que cette mise en liberté provisoire va se muer en liberté totale de tous les étudiants concernés.
En attendant la remise du Rapport d’étape du Comité de suivi du CCRP sur la mise en œuvre du sénat et la décision du Président du Faso, la position de la CNPB demeure inchangée :
NON au Sénat !
NON à la modification de l’article 37 !
NON à la vie chère !
NON à la mal gouvernance !
HALTE à la patrimonialisation de l’Etat !
HALTE à la monarchisation du pouvoir !
NON à la mauvaise utilisation des ressources nationales !