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Alphonse Marie Ouédraogo, président de l’URD/MS à propos de l’offre de dialogue politique propose par Roch « Un débat franc et sincère est difficile à envisager en période préélectorale»

Publié le mercredi 17 avril 2019  |  Le Pays
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© aOuaga.com par A.O
Politique : les députés adoptent le nouveau code électoral
Mardi 7 avril 2015. Ouagadougou. Conseil national de la transition (CNT). Les députés ont voté par 75 voix pour, 10 contre et 3 abstentions le projet de loi portant modification du code électoral. Photo : Alphonse Marie Ouédraogo
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Il fait partie de ceux-là qui disent qu’ils ne font pas de la politique professionnelle, c’est-à-dire faire de la politique un métier. Pour lui, faire la politique, c’est se rendre utile à la communauté et l’idéal sankariste qu’il dit défendre, ne consiste pas, selon lui, à « glaner un strapontin çà ou là, à la première occasion ». Lui, c’est Alphonse Marie Ouédraogo, l’invité de Mardi Politique de la semaine. Conseiller municipal de la commune rurale de Bokin dans le Passoré, il est un dissident de l’UNIR/PS qui est allé créer l’Union pour la renaissance démocratique/Mouvement sankariste (URD/MS). En plus de nous parler de sa conception du sankarisme, il donne son point de vue sur la gouvernance du MPP, l’offre de dialogue politique faite par le président du Faso, la situation qui prévaut au sein du ministère de l’Economie et des finances.

« Le Pays » : Que devient Alphonse Marie Ouédraogo que l’on entend de moins en moins ?

Alphonse Marie Ouédraogo (AMO) : Permettez-moi tout d’abord de vous dire merci, merci au quotidien « Le Pays » de me donner l’opportunité de parler de mon parti, l'Union pour la renaissance démocratique/Mouvement sankariste (URD/MS) et de moi-même en ma qualité de président de ce parti.
Ce que devient Alphonse Marie Ouédraogo, c’est ce qu’il a toujours été et ce qu’il continue d’être en ce moment sur deux terrains bien distincts. En dehors du terrain politique, je suis juriste-financier, associé-gérant d’un cabinet d’études en management, intermédiation et d’assistance conseil. A titre individuel, je suis également consultant dans le domaine du droit des affaires, des finances, du développement institutionnel et en matière de planification stratégique. Sur le terrain politique, vous le savez déjà, je suis président de l’URD/MS et ce, depuis octobre 2011, date de la création de ce parti. Depuis fin 2014, nous avons, avec des camarades de deux autres partis, l’ADR (alliance des démocrates révolutionnaires) et la Convergence de l’Espoir, créé l’UREFA (Union des révolutionnaires pour le Faso) sous la bannière de laquelle nous avons pris part aux élections législatives de 2015 et municipales de juin 2016. L’UREFA a ainsi obtenu 15 conseillers dans trois circonscriptions dont 8 issus de l’URD-MS dans la commune rurale de Bokin dans le Passoré. Dire que vous entendez Alphonse Marie Ouédraogo de moins en moins, c’est rappeler ou suggérer qu’il n’y a pas très longtemps, vous m’entendiez peut-être plus. C’est vrai, à l’occasion de l’an I au pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré, j’ai eu l’opportunité de coordonner la rédaction du Mémorandum que l’opposition politique regroupée autour du Chef de file de l’opposition politique (CFOP) a eu à publier. Bien évidemment, à cette occasion, j’ai été très sollicité par divers organes de presse et c’est ce qui explique que comparativement à la période qui a suivi jusqu’à maintenant, je sois moins entendu. Mais grâce à vous, je crois que cet épisode de relatif silence est déjà un lointain souvenir.

Comment se porte l'URD/MS ? Quel est son niveau d’implantation sur le territoire national ?

Je répondrais à la première partie de cette question comme répondrait une personne physique à qui on demande comment elle se porte. A partir du moment qu’elle n’a pas une maladie déclarée et qu’elle n’est pas hospitalisée, la réponse est : « je me porte bien ». L’URD-MS se porte bien, même si en tant que président, mon engagement est pour que l’URD-MS se porte mieux en termes de vitalité de ses structures et davantage en termes de présence dans l’animation de la vie politique de notre pays.
L’URD-MS compte des militants dans l’ensemble des 13 régions et des 45 provinces de notre pays. Cela dit, le niveau d’organisation et de structuration n’est pas le même sur tout le territoire national. C’est pourquoi nous travaillons de manière continue à l’implantation et au renforcement de nos structures depuis la base comme dans les villages, les secteurs, les communes et arrondissements vers le niveau provincial et régional. A titre d’exemple, dans la commune rurale de Tema-Bokin où je suis conseiller municipal, nous nous activons pour un renouvellement complet de nos structures au niveau des 60 villages que compte la commune. Nous ne manquerons pas de vous inviter à l’assemblée générale de renouvellement de la section communale de Bokin qui marquera la rentrée politique de l’URD-MS dans le Passoré.

Aujourd’hui, l’on constate que l’UNIR/PS a le vent en poupe avec cinq députés et le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale. Avec le recul, est-ce que vous ne regrettez pas d’avoir quitté ce parti ?

C’est vous qui dites que l’UNIR/PS a le vent en poupe. De mon point de vue et au regard du potentiel que représente le mouvement sankariste révolutionnaire que nous avons tous contribué à bâtir dans ce pays, cette représentation à l’Assemblée nationale est ridiculement insignifiante. Elle traduit plutôt le manque d’ambitions et de vision de ceux-là qui se sont incrustés à la tête du mouvement non pour le servir et le faire grandir mais plutôt pour s’en servir et satisfaire leurs intérêts égoïstes. Je vous rappelle que la Convention Sankariste de mai 2015 pour laquelle l’URD-MS s’était fortement mobilisée et qui devait déboucher sur la création d’un parti sankariste unifié, tablait en toute objectivité sur un minimum de 25 députés pour les législatives à venir, tenant compte du contexte post-insurrectionnel très favorable aux idées et à la mobilisation sankaristes. Quand, au lieu de cela, le principal parti à la base de l’échec de la Convention se retrouve à l’Assemblée nationale avec cinq députés, vous comprenez qu’il n’y a pas lieu de parler de « vent en poupe». De mon point de vue et très sincèrement, premier vice-président à l’Assemblée nationale ne rime à rien pour un sankariste et un révolutionnaire si cela ne sert qu’à la visibilité et à la prospérité d’un individu, en passant par pertes et profits, toutes les valeurs qui sous-tendent la bannière «sankariste». Vous parlez de regret, si mon engagement en politique avait eu pour objectif de me servir de la lutte de mes camarades pour faire la courte échelle et glaner un strapontin çà ou là, à la première occasion, alors j’aurais pu avoir un regret. Mais de toute évidence, ce n’est pas le cas. Je ne regrette absolument pas d’avoir quitté l’UNIR/PS parce que ma conviction est qu’on n’est pas révolutionnaire en pensant d’abord à soi mais plutôt en pensant au sort du plus grand nombre. C’est la voie que le président Thomas Sankara a tracée et que nous asseyons de suivre aujourd’hui.

Quel contenu donnez-vous donc au sankarisme qui, pour certains, est devenu un fonds de commerce ?

C’est précisément parce que certains n’ont jamais voulu se donner la peine de donner un contenu politique précis au sankarisme dont ils se réclament pourtant, que tout naturellement ils en font un fonds de commerce. Tout simplement, parce qu’un contenu précis aurait constitué un «piège à imposteurs» dans la mesure où ils ne pourraient plus se mouvoir dans le sankarisme au gré de leurs intérêts. Très sérieusement, c’est la manière dont le président Thomas Sankara a conduit la révolution pendant les quatre années, du 4 août 1983 au 15 octobre 1987, et animé la vie politique, économique et sociale de ce pays, que nous appelons «sankarisme». Nous savons aujourd’hui que cette gouvernance a produit des résultats reconnus au-delà de nos frontières et, surtout, que cette gouvernance a forgé une nouvelle identité aux citoyens de ce pays qu’on appelle désormais Burkina Faso. Thomas Sankara a pratiqué une gouvernance fondée sur un discours de vérité sur l’ensemble des phénomènes socio-politiques, économiques et culturels de notre pays. Il a osé poser des actes forts pour éveiller les consciences et il a toujours donné l’exemple en s’imposant à lui-même les sacrifices qu’il jugeait nécessaires au redressement de notre pays. C’est cette gouvernance qui nous inspire aujourd’hui à l’URD-MS et c’est ce contenu que nous donnons au sankarisme. C’est autour des valeurs et des principes qui sous-tendent la gouvernance exemplaire du président Thomas Sankara, que nous construisons notre ligne politique et notre projet de société. C’est vrai que depuis 2007, à l’occasion du symposium organisé dans le cadre du 20e anniversaire de l’assassinat de Thomas, le thème de la «conceptualisation du sankarisme » avait été lancé et débattu. Quasiment 12 ans après ce symposium, la conceptualisation du sankarisme reste toujours un chantier inachevé. Gageons que ceux qui croient à la nécessité de donner un contenu clair et précis au sankarisme en politique, pourront de nouveau se remobiliser pour parachever ce chantier.

Quel commentaire faites-vous sur le nomadisme politique au Burkina ?

A priori, le nomadisme est la résultante de la liberté qui est donnée à tout individu de pouvoir adhérer et quitter librement le parti de son choix. Cette liberté-là mérite d’être préservée dans un cadre démocratique. Là où le nomadisme pose problème, c’est lorsque l’on veut l’appliquer au mandat électif âprement gagné dans le cadre d’un parti ou d’une formation politique et par la suite, le titulaire du mandat veut migrer avec celui-ci vers un autre parti ou formation politique. C’est pourquoi la loi, après les multiples remous liés à ce phénomène, a été adoptée pour encadrer les possibilités de migration. Dans le fond, une migration volontaire vers un autre parti avec un mandat acquis dans un premier parti, constitue une trahison des électeurs et de ce dernier parti. C’est une politique sans éthique dont la finalité n’est pas de servir l’intérêt des citoyens, mais plutôt de servir des intérêts personnels.

Comment voyez-vous le paysage politique à l’horizon 2020 ?

Le paysage politique à l’horizon 2020 est en pleine ébullition et recomposition. Il est un peu trop tôt pour dire à quoi ressemblera sa configuration finale. Pour sûr, des initiatives ou tentatives de regroupement de divers partis en vue de créer de nouvelles plateformes pour les élections à venir, verront le jour. L’URD-MS, depuis sa création, a toujours œuvré pour créer les conditions d’un rassemblement des forces fidèles aux idéaux et à la gouvernance de la révolution conduite par le président Thomas Sankara, et à toutes autres forces patriotiques et progressistes.

Seriez-vous candidat à la prochaine présidentielle ?

Je proposerai ma candidature à la prochaine présidentielle si j’estime que toutes les conditions sont réunies pour cette candidature. Après, ce sera à mon parti d’en décider.

Quels sont les moyens humains et financiers dont dispose l’URD/MS pour conquérir le pouvoir d’Etat ?

Comme vous le savez, les moyens humains et financiers dont dispose tout parti pour conquérir le pouvoir d’Etat, sont à la mesure de sa capacité de mobilisation et de structuration à travers l’ensemble du pays. C’est pourquoi, même les partis soi-disant « baobab » font des alliances, cherchent à ratisser large en composant très souvent avec des partis politiques de famille idéologique différente. A l’URD-MS, nous privilégions les ressources humaines. C’est du nombre et de la qualité de nos militants et sympathisants que proviennent les moyens financiers.

Comment appréciez-vous l’offre de dialogue politique proposée par le régime en place ?

Visiblement, il s’agit d’une offre tardive de dialogue politique dont les contours ne semblent pas encore très bien définis. L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et la Transition ayant conduit aux élections de 2015, avaient ouvert de réelles perspectives de dialogue politique pour régler de manière consensuelle un certain nombre de questions importantes pour ce pays. Les tenants du pouvoir actuel n’ayant pas su ou voulu saisir cette opportunité, voilà où nous en sommes aujourd’hui. Après trois années de gestion solitaire, nous constatons que ce sont les nombreux défis existentiels auxquels fait face notre pays qui obligent le régime à revenir vers un dialogue qui aurait dû être amorcé dès le départ. Gageons que l’adage qui dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire soit encore de mise dans les circonstances actuelles. Pour faire bref, je pense que les sujets qui n’ont pas besoin d’un long temps de traitement peuvent trouver des solutions consensuelles à l’issue du dialogue politique, notamment la question du référendum constitutionnel, des élections de 2020, etc. Je reste sceptique pour tous les sujets dont le traitement nécessite un temps plus long. Un débat franc et sincère est difficile à envisager dans une période préélectorale.

Alors quelle appréciation faites-vous du bilan du président Roch, à une année de la fin de son mandat ?

Pour le moment, le bilan est plus que mitigé. Je ne suis pas de ceux-là qui peignent toujours tout en noir, mais il faut reconnaître que les résultats sont encore loin des promesses qui avaient été faites, loin des attentes et des aspirations au changement auxquelles les populations pouvaient légitimement s’attendre après l’insurrection. Et comme on dit, «la politique, c’est l’art de s’adapter aux circonstances », on ne pourra pas nous servir en fin de mandat, «l’état d’insécurité du pays » comme excuse d’un bilan sans reliefs. Du reste, vous constatez avec moi le branle-bas de combat engagé par le nouveau gouvernement du Premier ministre Christophe Dabiré pour forcer le destin et produire d’ici là les résultats qui manquent encore au rendez-vous. C’est bien la preuve que jusqu’ici, le gap à combler reste très important.

Si vous aviez hérité du pouvoir dans les mêmes conditions que Roch, auriez-vous mieux fait ?

Pour sûr, nous aurions fait autrement. Comme je le disais tantôt, l’insurrection populaire et la Transition ont imprimé une dynamique qui devait être poursuivie afin de marquer une rupture suffisante avec l’ancien système de manière à créer les conditions d’une nouvelle gouvernance plus vertueuse sur la base d’un nouveau pacte social. Cela veut dire que les résultats probablement seraient différents. Pour le reste, vous savez qu’on n’écrit pas l’histoire avec des si. Il se trouve que c’est le président Roch qui a hérité du pouvoir et c’est lui qui devra répondre aux interrogations du peuple, à l’issue de son mandat.

Quelle est votre opinion sur la situation de blocage créée par des agents du MINEFID ?

Je dois dire, à titre personnel, et en dehors de toute autre considération, que l’orientation politique de mon parti fait que je ne peux pas être d’accord avec cette situation de blocage des finances de l’Etat résultant du mouvement d’humeur des travailleurs du MINEFID. Tout le monde a suivi les péripéties de cette affaire des « fonds communs » jusqu’à ce qu’elle soit recadrée par la loi de finance, gestion 2019. Je pense que cette loi est venue corriger une anomalie qui ne pouvait plus prospérer. Evidemment, s’agissant de la diminution drastique d’un avantage financier, il va de soi que cela soit difficile à accepter et surtout à vivre pour quiconque. Mais dans la logique des discussions longues qui ont précédé la mise en place de ces avantages, il faut accepter qu’après leur diminution par la loi, d’autres discussions doivent être privilégiées pour parvenir à la prise des mesures d’accompagnement prévues par la loi, en lieu et place de ce à quoi nous assistons. La situation actuelle ne peut conduire qu’à une crise grave et profonde des finances publiques dans laquelle même les salaires risquent d’être compromis. Cette position que nous adoptons n’a rien à voir avec un quelconque soutien au gouvernement ou à la majorité. Il s’agit simplement d’affirmer un principe de gouvernance prôné par le président Thomas Sankara qui veut que l’intérêt général passe avant les intérêts particuliers.

Interview réalisée par Drissa TRAORE

Carte de visite (CV)

Juriste-Financier, conseiller d’entreprise de profession, Alphonse Marie Ouédraogo est le directeur du Bureau d’études Agence MIR. Il a fait un D.E.A. Droit-Economie internationale et développement - Sujet de recherche : «Problématique de l’endettement bancaire des Pays en voie de Développement » sous la direction du Professeur Edmond JOUVE à l’Université Paris V René Descartes, Paris, France. Il a également fait un D.E.S.S. Droit Bancaire et Financier à l’Université Paris I, Panthéon-Sorbonne. Il a été analyste en audit organisationnel au ministère de la Fonction publique et de la Modernisation dans le cadre du Projet PNUD-BKF 05 «Appui à la modernisation de l’administration». Puis, directeur d’agence BIB devenue UBA. Ancien coordonnateur des services d’appui et de formation à la Fondation Entreprendre. Il a été chef de mission des études de faisabilité du CGA de Ouagadougou et du CGA de Bobo-Dioulasso ainsi que chef de mission, étude pré-diagnostique des 350 entreprises. Il a mené de nombreuses études de projet, études de faisabilité, business plan des PME/PMI. Membre du Réseau africain d’Appui à la Petite et Moyenne Entreprise (RAMPE), il est inscrit au registre des Experts ACP-CEE, Programme CDE-Proinvest et il est formateur certifié ITC pour le Programme ACCES dans la zone CEDEAO. Au plan politique, il est conseiller municipal de la commune rurale de Bokin dans le Passoré. Il a été député du CNT où il a occupé le poste de premier questeur. Il a été membre fondateur du FFS de feu Norbert Tiendrébéogo ainsi que secrétaire chargé des droits de l’Homme de la CPS de Ernest Nongma Ouédraogo. Membre du bureau exécutif de l’UNIR/MS, il a été le coordonnateur de la région du Nord du parti lors des législatives de 2002 où il était le premier suppléant de Me Sankara, élu pour la première fois député. Mais après la démission de celui-ci, il a refusé de prendre sa place à l’Assemblée nationale.
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