Le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) a animé, hier 11 avril 2019, une conférence de presse, 101 jours après le drame de Yirgou qui a fait, selon lui, 210 morts. Face aux Hommes de médias, le collectif a déploré le fait que jusqu’à ce jour, aucune arrestation n’a encore été enregistrée alors que 130 suspects sérieux ont été identifiés.
1er janvier 2019-11 avril 2019. Cela fait 101 jours que s’est produit le drame de Yirgou. Plus de trois mois donc après ce drame qualifié de « crime de génocide », par l’avocat des familles des victimes, Me Farama, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) est indigné du fait qu’après tout ce temps, aucune arrestation n’a encore été opérée. « Le collectif constate avec amertume que jusqu’à ce jour, aucun suspect n’a été arrêté alors que certains sont connus », a regretté le secrétaire général du CISC, Dr Daouda Diallo. Selon lui, le procureur de Kaya a pourtant affirmé qu’au stade actuel de l’enquête, « 130 suspects sérieux ont été identifiés comme étant des personnes ayant participé aux massacres ». Pour les membres du collectif, c’est à ne rien y comprendre car pour des drames de moindre envergure, des personnes ont été arrêtées en un laps de temps. « Nous avons vu des drames moins importants dans d’autres localités, qui ont concerné d’autres communautés, mais les arrestations ont été immédiates… Nous avons vu ce qui s’est passé à Zabré il y a quelques années de cela, où six membres d’une communauté ont été tués, mais jusqu’aujourd’hui, les auteurs de ces crimes sont en prison. Les arrestations ont été immédiates. Par contre, dans ce drame de Yirgou, le plus horrible que nous ayons connu, dans lequel des personnes sont identifiées, malheureusement, elles ne sont pas inquiétées, plus de 100 jours après ! », a déploré Me Ambroise Farama, avocat des familles des victimes. Mais outre l’absence d’arrestation à ce jour, les conférenciers ont fustigé le fait que ces personnes identifiées continuent de circuler avec des armes, sous le regard complice ou impuissant des Forces de défense et de sécurité (FDS). « Ces personnes continuent de sillonner, de circuler librement, dans les localités, armées, devant les FDS. Même les officiers de police judiciaire qui sont sur le terrain les voient. Ils continuent de circuler librement avec leurs armes sans aucune inquiétude. Pourtant, aujourd’hui, une personne d’une autre communauté telle que la communauté peule ne peut même pas se permettre de circuler librement avec une arme.
Un débat national sur les questions du terrorisme
Même si l’on trouve aujourd’hui un membre de cette communauté avec une arme chez lui à domicile, il aura tous les problèmes », a affirmé Me Farama. Et à en croire Dr Diallo, en plus de se promener avec des armes, les suspects n’hésitent pas à menacer des déplacés. « Pire, ces milices enlèvent, torturent et tuent certains déplacés quand l’envie leur vient. Surtout quand ceux-ci repartent sur leur lieu habituel de résidence pour chercher leur bétail qui s’y trouve», a-t-il confié tout en mentionnant le cas d’un certain Sadou Dicko qui a été tué le 24 février dernier. Pour l’avocat des familles des victimes, il y a manifestement un manque de volonté politique de procéder à l’arrestation des personnes identifiées. « Est-ce parce que les Kolgwéogo sont puissants, ou parce qu’ils sont armés ou est-ce parce qu’il y a un calcul politicien en arrière qui fait qu’on ne souhaite pas les arrêter ? Ou est-ce l’échéance de 2020 qui préoccupe au point qu’on ne veuille pas avoir une situation avec un gouvernement en opposition avec les Kolgwéogo ? Ce sont autant de questions et nous pensons que cela est inquiétant », s’est interrogé Me Farama pour qui l’on est face à « une justice à double vitesse ». Les conflits communautaires survenus récemment à Arbinda ont également été abordés au cours de cette conférence de presse. Pendant que le gouvernement parle de 62 morts, le CISC, lui, avance un chiffre de plus de 100 morts, sur la base d’informations coupées. Pour les conférenciers, les populations sont victimes des exécutions sommaires et des atrocités commises par certains éléments des FDS ainsi que des groupes terroristes. Face à cette situation, ils ont lancé un appel à la responsabilité de l’Etat, tout en soulignant que « la stigmatisation d’une communauté ne saurait être une stratégie dans la lutte contre le terrorisme ». « La stigmatisation pourrait pousser certains de nos compatriotes dans les bras des terroristes qui se présentent comme leurs protecteurs contre les FDS », a dit M. Diallo.En tout état de cause, le collectif a exigé justice pour le double crime de Yirgou et Arbinda, une cessation immédiate des exécutions extrajudiciaires en cours et l’ouverture d’enquêtes indépendantes pour situer les responsabilités sur les crimes commis à Banh et dans les localités du Nord, dans le Mouhoun et à l’Est. Aussi, le CISC a recommandé un débat national sur les questions du terrorisme et des milices d’auto-défense et une tribune afin de permettre aux leaders religieux et coutumiers de s’exprimer et d’interpeller les citoyens sur les violences communautaires.