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Lutte antiterroriste au Burkina Faso: Au-delà des succès et des exactions, la stratégie pose problème

Publié le vendredi 5 avril 2019  |  netafrique.net
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© Autre presse par dr
Lutte antiterroriste au Burkina Faso: Au-delà des succès et des exactions, la stratégie pose problème
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Quand une Grande muette se met subitement à brandir bruyamment ses exploits, il faut s’attendre à juste titre au revers de la médaille. Au-delà de la polémique autour des éventuelles exactions suites aux rapports des organisations de défense des droits de l’homme, la méthode utilisée dans ce combat contre l’hydre djihadiste ne semble pas faire l’unanimité au sein des forces de défense et de sécurité (FDS).

L’armée burkinabè est en guerre ouverte contre des ennemis invisibles, depuis le 16 janvier 2016, date des attentats terroristes contre l’hôtel Splendid et le Cappuchino à Ouagadougou. Cette date sonne comme une entrée dans une spirale meurtrière qui a fini par s’étendre à l’ensemble des régions du pays. Asymétrique ou pas, le pays des « Hommes intègres » se trouve désormais dans la même situation que le Mali et le Niger, ses voisins qui connaissent depuis longtemps les affres de ces crimes inqualifiables. Comme il fallait s’y attendre, le nouveau régime de Roch Marc Christian Kaboré a jeté son va-tout dans la bataille. Toutes les Forces de défense et de sécurité (FDS) sont sur le qui-vive. Mais à la vérité, cette épreuve intervient au moment où la Grande muette a été elle-même secouée par des contradictions et des bouleversements dus à la chute inattendue de Blaise Compaoré, sa place et son rôle sous la tumultueuse Transition, le putsch du 16 septembre et le procès des présumés auteurs de ce coup de force. Ces différents facteurs ont impacté et continuent d’impacter négativement la cohésion au sein des militaires. Entre recherche de boucs émissaires, accusations fallacieuses, fuites en avant et déclaration à l’emporte-pièce indigne d’homme d’Etat, l’hydre terroriste s’abat sur des populations désemparées.

Même si le fils d’un « Général intègre et rompu aux métiers des armes » n’est pas toujours un bon connaisseur des questions militaires, les changements opérés, ces derniers temps, à la tête du ministère de la Défense et l’Etat-Major Général des Armées, semblent avoir entrainé un regain de confiance. En effet, Moumina Chériff Sy et le Général Moïse Miningou ont respectivement succédé à Jean Claude Bouda et au Général Oumarou Sadou. Depuis lors, l’étau s’est resserré autour des ennemis terroristes. La Grande muette s’est mise subitement à brandir un trophée de guerre constitué de cent-quarante-six (146) Maccabées, des terroristes neutralisés, en grande partie, dans les régions du Nord et du Sahel. Ces chiffres, correspondant miraculeusement au nombre de terroristes activement recherchés, ont redonné un réel espoir. Ce réveil, pour prendre le dessus sur l’hydre terroriste, a été salué de toute part. Mais l’énormité du butin ne va pas tarder à susciter des interrogations. Tout en louant le leadership managérial des nouveaux responsables du département de la Défense et le courage des soldats, nombreux sont des Burkinabè qui n’ont pas caché leur scepticisme face à cette victoire trop large et trop grande. Des voix moins autorisées vont aussitôt décrier la méthode employée pour neutraliser les terroristes avant des organisations de défense des droits de l’homme ne saisissent le dossier. Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) dénonce des exécutions sommaires tandis que Human Right Watch pointent du doigt des exactions flagrantes et criantes.

Cette remise en cause d’une partie de la victoire a conduit certains hauts responsables de la Défense à mettre à nue une méthode produisant certes des effets mais au mépris des principes militaires en matière de respect de la vie humaine. Dès leur prise de commandement, Moumina Chériff Sy et Moïse Miningou ont annoncé les couleurs. Ils ont, d’emblée, accepté ce que Jean Claude Bouda et Oumarou Sadou ont refusé tout en appelant à faire preuve de prudence et de précaution dans la lutte malgré le caractère asymétrique. Assoiffés de résultats pour donner des preuves palpables aux populations que quelque chose est faite sur le terrain, le ministre de la Défense va peaufiner sa propre stratégie, celle d’un « politicien rouge » qui consiste à contourner les canaux officiels pour s’imposer. La même méthode qu’il a utilisée pour opposer les jeunes officiers à leurs supérieurs ayant mis en mal, jusque-là la chaine de commandement et le strict respect dans la hiérarchie militaire. Moumina Cheriff Sy va annoncer les couleurs en lançant à la face du haut commandement de l’Armée sa vision pour éradiquer le mal : cette guerre étant asymétrique, il est impossible de distinguer les djihadistes du reste de la population ; donc à la guerre comme à la guerre.

En effet, l’opération qui a consisté à neutraliser cent-quarante-six (146) terroristes a été élaborée et exécutée à l’insu du Chef d’Etat-Major général des armées. Celui-ci a été mis devant les faits. Dans ses habitudes troubles, le ministre de la Défense a coupé l’herbe sous le pied de la hiérarchie militaire en mobilisant de jeunes officiers pour cette besogne. C’est ainsi que des groupes hétéroclites ont été créés au sein des forces armées et placés sous la conduite de gendarmes commandés par le prétendu tombeur du Général Gilbert Diendéré de l’Unité spéciale d’intervention de la Gendarmerie nationale (USIGN). Si l’enquête de la Justice militaire, promise par le gouvernement, aboutit, les héros d’hier au moment du putsch vont se révéler des zéros. Si l’on n’y prend garde, la Gendarmerie, qui file du mauvais coton depuis l’avènement de la Transition et la suppression du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), risque de mettre en mal la solidarité de corps et la synergie d’actions, si nécessaires en pareilles circonstances. Ces neutralisations à grande échelle et à l’emporte-pièce, sur un fond de populisme et de démagogie, créent une réelle psychose au sein de la population.

Au moment où l’on appelle à une collaboration entre les FDS et les citoyens, c’est l’effet contraire qui risque de se produire. En témoigne, la désolation incompréhensible causée à Kain et Gomboro. Des terroristes tués, il y en a eu et c’est louable. Des innocents tués, il y en a eu aussi et c’est déplorable. Le ministre Sy doit se rendre à l’évidence qu’il y a des zones du territoire national où l’Etat, présidé par Roch Marc Christian Kaboré, a totalement démissionné. Leurs habitants sont laissés à eux-mêmes et contraints à obéir aux désidérata des terroristes. S’il est vrai qu’il y a des collaborateurs et complices avérés de ces forces du mal, il est aussi avéré que des familles sont prises en otages et leurs membres obligés d’être à leur merci dans la servitude en termes d’approvisionnement et d’information. Un retour dans l’histoire, notamment la seconde Guerre mondiale ou la Guerre d’Algérie, permet d’appréhender avec lucidité ces cas de « collabos forcés ». Malgré la noblesse de la lutte contre le terrorisme, il est malheureux de se cacher sous un fallacieux rapport des renseignements collectés à la hâte pour se présenter nuitamment dans des concessions pour exécuter de prétendus complices ou collaborateurs désarmés. Ils auraient pu être interpelés et jugés sur les faits à eux reprochés. Après l’épreuve de Kain et de Gomboro, le holà de la hiérarchie militaire aurait permis de recadrer le tir. D’où l’unanimité ressentie autour de l’opération «Otapuanu».

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