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Grossesses précoces en milieu scolaire: Un « mal persistant » dans le Centre-Nord

Publié le jeudi 4 avril 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Grossesses précoces en milieu scolaire: Un « mal persistant » dans le Centre-Nord
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Les grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire prennent de l’ampleur. Des pesanteurs socioculturelles font que des parents et enseignants sont réservés dans la dénonciation du fléau dans la région du Centre-Nord. Ce qui plombe la réussite scolaire de la jeune fille. Et pourtant, l’application des textes en vigueur est l’une des solutions à ce mal silencieux.

F. S. est une élève de la classe de 6e résidant à Boulsa. A l’âge de 12 ans, elle entretenait déjà des relations amoureuses avec un jeune commerçant surnommé le « boss». Au fil du temps, elle tombe enceinte. Maladive, F.S. abandonne ses études en pleine année académique, vu son état. « Lorsque je l’ai fait part de la situation, il a nié catégoriquement la paternité de mon fils. Malgré les moult médiations avec la Direction provinciale de la Femme, de Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire (DPFSNFAH) du Sanmatenga, le monsieur est resté camper sur sa position.

C’est à partir de cet instant que nous avons saisi la justice pour le raisonner », relate-t-elle. Et de poursuivre : « La situation a été très difficile car, je n’avais pas l’âge de mettre au monde un enfant. L’accouchement a été très compliqué. Jusqu’à présent, je souffre toujours des séquelles de l’intervention ». Comme F.S., A.K., habitante de Kaya, a vécu le même calvaire lors de sa grossesse. Sa scolarité a été perturbée en classe de 5e.

A l’âge de 15 ans, elle sortait avec un élève de terminal du même établissement qu’elle. « C’est à l’occasion des journées culturelles que nous sommes sortis ensemble et cela s’est soldé par une grossesse. Il a refusé la paternité de ma fille, de peur de se faire ridiculiser devant ses camarades», explique-t-elle. Face à cette situation, l’infortunée ne voit qu’une seule solution : faire couler la grossesse. « Personne n’a voulu me soutenir dans la famille et j’étais prête à avorter.

Mais grâce à une association, j’ai pu supporter la grossesse», se remémore-t-elle. AK, qui rêvait de devenir, a fini par devenir couturière, par la force du destin. « Je suis restée à la maison pendant trois années, parce que je devrais exercer un métier pour s’occuper de mon enfant. Si je ne suis pas fonctionnaire aujourd’hui, c’est du à ma grossesse», regrette-t-elle, la voix tremblotante.

Grossesse à haut risque

Nos interlocutrices sont toutes unanimes que leurs grossesses ont eu des répercussions négatives sur leurs cursus scolaires. « Je demande à toutes les filles de s’abstenir ou de pratiquer la Planification familiale (PF) », exhorte A.K. Des élèves du primaire sont aussi victimes de ce « mal silencieux ». C’est le cas de S.S., élève de CM2 résidant à Kaya, dont la situation fait froid dans le dos.

Malade mentale et drépanocytaire, elle est tombée enceinte à l’âge de 12 ans suite à un viol. Malheureusement, ses parents n’ont pris connaissance de la grossesse qu’après six mois. « A l’issue des consultations prénatales, il ressort que sa grossesse était à haut risque à cause de son état de santé. Ce qui nous a obligé à la placer dans un centre d’accueil », témoigne le juge des Enfants du ressort du tribunal de grande instance (TGI) de Kaya, Patrice Segda.

Une enquête, selon lui, est actuellement en cours afin de déterminer l’auteur de cet acte criminel. S.S. est mère d’un garçonnet, suite à un accouchement par césarienne. Pour le Directeur régional des Enseignements post-primaire et secondaire (DREPS) de la région du Centre-Nord, Adama Belem, les causes de la persistance des Grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire (GPNDMS) sont multiples.

Il s’agit, entre autres, du viol, des mariages forcés/précoces, de la pauvreté, de la mise en cause de la responsabilité des parents et de la gestion difficile de l’adolescence des enfants. A cela s’ajoutent, selon M. Belem, l’absence de modules d’enseignement sur la sexualité, l’insuffisance des centres d’accueil des jeunes filles, la non-application des textes en vigueur et le manque de formation du personnel éducatif à la déontologie, la jeunesse du personnel enseignant et l’influence des médias.

Tous ces facteurs, élucide l’inspecteur de l’enseignement secondaire, exposent la jeune fille à des risques de grossesse précoce. Mais si la grossesse est mal prise en charge, selon le professeur d’Allemand, elle engendre d’autres problèmes plus graves : l’absentéisme aboutissant à l’échec scolaire, l’avortement clandestin, l’infanticide, l’exposition aux maladies comme le VIH/SIDA, le traumatisme psychologique, l’exclusion sociale et la mauvaise éducation de l’enfant.

Pour Adama Belem, l’idéal serait de mettre l’accent sur des mesures incitatives pouvant encourager la jeune fille et la maintenir à l’école. « Il faut octroyer des bourses scolaires aux filles, leurs créer des internats et rendre la cantine scolaire gratuité pour elles », préconise-t-il.

Plus de 6 700 filles enceintes

Abondant dans le même sens, le proviseur du Lycée provincial Moussa Kargougou (LPMK) de Kaya, Maxime Sissa, suggère la mise en place des clubs d’éveil des filles, des projections des films sur la sexualité dans les classes et l’introduction de modules liés à la gestion des menstrues dans le système éducatif. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 27 filles de moins de 18 ans sont mariées, chaque minute, dans le monde entier dont 1/9 concerne des filles de moins de 15 ans.

Depuis 2012, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénombre, chaque année, près de 16 millions d’adolescentes enceintes à travers le monde. Pour l’année 2013-2014, le Burkina Faso a enregistré 2 295 cas de GPNDMS dont 491 filles-mères, selon le chef de service de la Promotion de l’éducation inclusive et de l’éducation des filles et du genre (PEIEFG) de la Direction régionale de l’enseignement préscolaire, primaire, non formel et de la promotion des langues nationales (DREPPNPLN) du Centre-Nord, Daouda Ouédraogo.

Une enquête réalisée par Plan international Burkina (PIB) indique qu’entre 2012 et 2017, le pays des hommes intègre a comptabilisé 6746 filles enceintes aux lycées. En 2017, une autre étude réalisée par la Société des gynécologues et obstétriciens (SGO), en collaboration avec la mission Médecins du monde-Burkina sur les grossesses d’adolescentes de 13 à 17 ans dans 5 formations sanitaires, montre une situation déplaisante sur les grossesses précoces et ou non désirées.

Sur 23 764 admissions pour grossesses dans les maternités étudiées, 797 (3,4%) adolescentes de moins de 18 ans ont été répertoriées. En tenant compte uniquement des ‘’primipares’’, le pourcentage des moins de 18 ans était de 10,5% (797/7591). Parmi ces adolescentes 27,9% étaient des élèves.

Et, il est démontré dans une étude commandée, en 2016, par PIB et UNICEF que les commerçants sont les premiers auteurs des GPNDMS, suivis des élèves entre eux, des enseignants et des autres acteurs. Dans la région du Centre-Nord, l’année scolaire 2017-2018, aux dires de Daouda Ouédraogo, l’on a enregistré 250 cas de grossesse chez des enfants âgés entre 10 et 16 ans dans 50 établissements post-primaires et secondaires et 11 cas rapportés dans 05 écoles primaires, dont 19 cas d’enfants victimes d’agressions sexuelles. Au Burkina Faso, la loi n°025 du nouveau Code pénal, adopté en mai 2018, incrimine et réprime les GPNDMS.

Créer un code de l’enfance

La sanction est applicable à toute grossesse en milieu scolaire ou non. « L’article 533-11 dit que le viol est puni d’une peine d’emprisonnement de 11 à 20 ans et d’une amende de 1 à 3 millions de francs CFA, lorsqu’entre autres, il est commis sur un mineur âgé de 13 à 15 ans au plus », avertit Patrice Segda.

L’aggravation de la sanction est fonction de la qualité de la victime. A entendre le juge des enfants, l’emprisonnement va de 11 à 30 ans et l’amende passe de 3 à 10 millions de francs CFA, lorsqu’il s’agit d’une personne mineure de moins de 13 ans de l’un ou de l’autre sexe.

Les enseignants qui imposent une violence sexuelle à leurs apprenties tombent aussi sous le coup de la loi en son article 533-14. « Cet article dit que tout personnel de l’enseignement ou de tout système éducatif est puni d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 9 cent mille à 5 millions de francs CFA, le fait d’avoir une relation sexuelle avec un élève, apprenti ou stagiaire mineur de l’un ou de l’autre sexe », prévient Patrice Segda.

Et de poursuivre : « S’il résulte de cette relation sexuelle, la grossesse de l’élève, de l’apprentie ou de la stagiaire, la peine d’emprisonnement est de 7 à 10 ans et l’amende de 3 à 6 millions de francs ». De son l’avis du magistrat Segda, pour l’année 2018, seulement une dizaine de dossiers de violences sexuelles en milieu scolaire a été traité par le TGI de Kaya.

Ce qui confirme le règlement à l’aimable du fléau par les parents de la victime et le présumé auteur de la grossesse. « Ce règlement à l’aimable n’est pas une source de justice pour la victime. Parce que les gens ne voient que la violence purement physique, alors qu’elle est surtout psychologique à court et long terme », désapprouve M. Segda. De ce fait, il propose la sensibilisation de tous les acteurs de la société et la création d’un code spécifique de l’enfance comme celui de la femme et de la famille.
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