Dans un élément sonore diffusé mercredi au Tribunal militaire de Ouagadougou et attribué au général Diendéré parlant à son fils Ismaël, l’on entend, une voix pleine de déception, affirmer que les soldats de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont reçu de l’argent pour combattre, mais ils ont plutôt fui.
Les jours se suivent et se ressemblent depuis la semaine dernière au Tribunal militaire de Ouagadougou.
Les éléments sonores continuent d’être diffusés et commentés par les différentes parties (parquet militaire, avocats des parties civiles et de la défense) mais ignorés par les accusés à commencer par le premier d’entre eux, le général Gilbert Diendéré.
Ce mercredi, dans un élément sonore daté du 29 septembre 2015, attribué au général Diendéré répondant aux questions de son fils qui demande si les soldats du RSP vont se battre, l’émotion et la déception sont perceptibles.
«Les enfants là (les soldats du RSP), est-ce que tu sais qu’ils ont fui. (…) Depuis hier, ils disent qu’ils n’ont pas l’argent pour donner à leur famille, je dis ok, je vais tout faire pour leur en trouver. (…) Dès qu’ils ont eu quelque chose, ils ont pillé. (…) chacun a pris sa mobylette, s’est mis en tenue civile et ils sont partis…», entend on dans l’élément sonore attribué au général Diendéré.
Le fils qui ne semble pas comprendre la situation demande à son père selon l’élément sonore, s’il y aura une résistance dans la soirée contre les troupes loyalistes.
«Résistance pour quoi ? Y a plus de camp, le camp a été rasé, complètement pilonné avec l’artillerie lourde. Tu ne sais pas ce que c’est que l’artillerie lourde ?», répond la voix attribuée au général Diendéré.
Et la voix attribuée au fils Diendéré d’insister auprès de son père. «Il y a trois jours, on pouvait avoir l’appui de l’autre côté».
«Quel appui, l’appui de qui on pouvait avoir, on n’a l’appui de personne, tout le monde nous a lâché même la CEDEAO là. Depuis trois jours moi, je les appelle, personne ne réagit», répond le probable général Diendéré.
Dans un autre élément sonore daté également du 29 septembre 2015, et attribué au général Diendéré et son fils, l’on entend l’enfant inciter le père à faire sortir des soldats pour prendre position afin d’assurer leur sécurité.
«Papa, vous n’allez pas sortir prendre position ?» demande la voix de l’enfant.
«Y a quel élément (soldat)? Les gens (les soldats du RSP) sont en train de partir…», répond une fois de plus le père et le fils de répliquer qu’ils (les soldats) «sont en train de partir parce qu’ils n’ont pas reçu d’ordre».
Et le fils d’exprimer son inquiétude auprès du père. «Si vous ne prenez pas position, ils (les soldats loyalistes) vont venir nous prendre, (….). Faut pas les laisser venir nous prendre».
Pour le parquet militaire, ces éléments sonores contiennent des détails si précis qu’un montage même bien ficelé ne pourrait pas prendre en compte.
Il cite par exemple, le fait que le général Diendéré demande à son fils Ismaël d’aller se réfugier chez sa tante Chocola.
«Si le général Diendéré n’est pas allé au bout dans le putsch, c’est parce qu’il a été abandonné par ses éléments et cela parce qu’il y a eu des frappes sur le camp. Il n’a pas laissé tomber de lui-même» pense le parquet militaire.
Lors de son passage à la barre en novembre 2018, le général Diendéré avait reconnu avoir remis une somme de 85 millions de F CFA aux soldats de l’ex Régiment de sécurité présidentiel (RSP) mais c’était selon lui, pour honorer sa promesse de les soutenir dans leurs charges familiales.
Pour le parquet militaire, l’élément sonore, leur donne raison car eux avaient affirmé que la somme devait servir à motiver les soldats à rester au camp et se battre.
«Que le général Diendéré ait le courage de dire s’il a eu une conversation ou non avec son fils ?», a demandé le parquet militaire.
Appelé à la barre, le général Diendéré s’est contenté de sa formule habituelle depuis le début de la diffusion des éléments sonores.
«Je n’ai pas d’observations à faire après l’écoute des éléments sonores. Je reste fidèle à ma déposition».
Pour l’avocat des parties civiles, Me Séraphin Somé, plus rien ne doit surprendre le Tribunal sur l’attitude du général Diendéré. Et pour cause.
«Le général Diendéré aurait pu même renier l’entretien avec son fils à partir du moment où il estime que même les soupirs dans les éléments sonores ont été inventés», a-t-il affirmé.
D’autres éléments sonores attribués au général Diendéré échangeant avec des officiers supérieurs ivoiriens et l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirien Soro Guillaume ont également été diffusés.
Pour Me Guy Hervé Kam, des parties civiles, c’est un acte de «trahison» du général Diendéré qui, selon ses dires, «s’est mis en intelligence avec une puissance étrangère en vue de créer une crise et de commettre des dégâts» alors qu’on s’activait à sortir du putsch.
Mais pour l’avocat de la défense, Me Abdoul Latif Dabo, le crime de trahison ne s’établit pas sur l’émotion ni sur le ressenti mais sur des éléments constitués.
Et il compte démonter les éléments sonores en cours de diffusion, lors des plaidoiries.
La diffusion des éléments sonores dans le cadre du putsch de septembre 2015 se poursuit le vendredi 29 mars 2019 au Tribunal militaire de Ouagadougou.