Des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer les exactions présumées des Forces de Défense et de Sécurité à Kain dans le Nord du pays, lors des opérations de sécurisation menées dans la nuit du 03 au 04 Mars dernier. Il aura fallu le rapport accablant du Mouvement Burkinabè des droits de l’Homme et des Peuples, le MBDHP, pour refroidir l’élan triomphaliste des nouvelles autorités gouvernementales et interpeller l’opinion publique sur le drame qui se vit dans le Septentrion du Faso après la mort de 146 présumés terroristes.
Roch Marc KABORE, otage de ses extrémistes
Asphyxié par la fronde déclenché par les attaques terroristes qui ébranlent son régime depuis le 15 Janvier 2016, soit deux semaines après son accession au pouvoir d’État, le Président Roch Marc Christian KABORE s’est finalement résolu à plier devant les velléités des va-t-en-guerre de son camp, pour s’engager dans une voie dont il ignore visiblement l’issue. À défaut d’être capable de mettre en place une stratégie efficace pour neutraliser les terroristes, le nouveau commandement militaire semble opter pour une battue à l’aveuglette contre tous ceux qui sont soupçonnés de pactiser avec les agresseurs. Composantes à part entière de la Nation, les Peulhs, on le sait, sont accusés par une partie de leurs compatriotes de connivence avec les djihadistes. En cela, le Burkina Faso ne fait pas exception, puisqu’au Mali voisin , les mêmes accusations ont fini par accentuer le clivage social entre les groupes ethniques de l’ancien Soudan Français. Cette stigmatisation , savamment entretenu par des intérêts obscurs, aura réussi, en quelques années, à braquer la quasi-totalité des peuplades du Faso contre leurs frères du Nord. C’est à peine si les tueries abjectes survenues à Yirgou en début du mois de Janvier, n’ont pas été applaudis par les ouvriers de la division , qui voyaient en ces massacres, le premier coup de vengeance contre les terroristes. Les condamnations à demi-mot laissaient s’échapper la puanteur de la haine aveugle. Une haine surtout suicidaire, qui si l’on n’y prend garde risque de défigurer la patrie de Maurice YAMEOGO.
Le spectre d’une crise armée à l’Ivoirienne plane
»Trop de frustrations entraîne la révolution », chantaient il y’a de cela plus de vingt ans, la célèbre formation zouglou, » Les salopards ». Pour la suite du morceau, ces artistes conseillaient : » Faisons attention aux actes que nous posons ». Ces paroles devraient résonner très fort dans les esprits des Burkinabè, en particulier de ceux qui se réclament de l’idéologie Sankariste, car qui, mieux que le prédécesseur de Blaise COMPAORÉ, a le plus incarné l’idéal marxiste, de défense des droits des masses ? La Côte d’Ivoire a payé très cherement le prix du jusqu’au boutisme. À force de stigmatiser les populations du Nord, taxés en son temps de pro-Ouattara et de pro-Burkinabe, la révolte a fini par emballer tout le monde, même ceux des Nordistes à l’instar de Guillaume SORO qui n’avaient a priori, aucune raison d’épouser la cause du leader du RDR, Alassane OUATTARA. En reniant son appartenance à la communauté Nationale, les extrémistes ont vite fait d’assimiler tous les Nordistes à des pro-Ouattara, donc pro-Burkinabe. A l’époque, les conflits fonciers faisaient rage et le sentiment de nationalisme exacerbé avait eu raison de la raison. Voilà la cause de la crise armée , survenue en 2002. Et sans tirer de leçons de toutes ces expériences enseignées par l’histoire, les » super-patriotes » Burkinabè sont en train de reproduire la même bêtise , en prenant même en otage leur Président, qui déterminé à rempiler en 2020, accepte cette situation de fait, à l’issue hypothétique.
Attention au risque d’amalgame
L’amalgame s’est toujours montré contre-productive dans l’histoire et elle a constamment été la meilleure recette pour rapprocher des adversaires , de fait. Cette manière de tirer trop sur la corde, pourrait rapidement anoblir la lutte de ces intégristes qui n’hésiteront pas à exploiter les bavures pour rallier les populations opprimés à leur cause, au nom d’une crise identitaire factice. En attendant que la lumière soit faite sur ces incidents malheureux, il revient assurément aux gouvernants de repenser leurs stratégies de riposte, sinon l’irréparable n’est pas loin de se produire.