Le décès, le 16 août 2013 dans un hôpital parisien à l’âge de 74 ans, de El Hadj Salif Déré Ouédraogo a plongé ses proches dans la tristesse. Les Burkinabè ont été frappés par la mort de celui, qui, parti de rien, a amassé une fortune estimée en termes de milliards. Ses obsèques, organisées vendredi dernier, ont connu une ferveur émotionnelle. Au cimetière de Gounghin où il repose désormais, la mobilisation populaire était monstre. Tout le monde, ou presque, y était.
Venus de toutes les contrées du pays, les Burkinabè, de tout sexe, de tout âge et de tout rang, ont exprimé, le 23 août 2013 à leur façon, un ultime hommage à leur illustre compatriote, Salif Déré Ouédraogo, décédé une semaine plus tôt. Cet opérateur économique de haut rang a marqué l’histoire du pays. En France où il s’est éteint, plusieurs autorités nationales et étrangères sont allées s’incliner devant sa dépouille. On cite, entre autres, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Alain B. Yoda, le ministre Yacouba Barry de l’Habitat, le ministre Lamoussa Kaboré des Mines, l’ambassadeur du Burkina Faso en France.
Le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara (ami du défunt), a, dès l’annonce de la triste nouvelle, présenté ses condoléances par voie téléphonique à la famille éplorée. Le corps arrivé à l’aéroport de Ouaga, dans la nuit du jeudi 22 août, a été accueilli par une foule immense jusqu’au quartier Larlé où est situé le domicile du défunt. En cette matinée
pluvieuse du vendredi 23 août, des foules, constituées d’hommes et de femmes, de jeunes et de vieux qui, par centaines, ont convergé vers le domicile funèbre. Beaucoup ont dû faire face aux barrières de sécurité pour accéder à la résidence de Salif Déré. Les forces de l’ordre, fortement mobilisées, filtraient les entrées. Autour de 8h, et après le recueillement, la prière religieuse dite du mort et les honneurs militaires, la dépouille est portée par des proches. Comme plongés dans une grande méditation, les musulmans sont restés pendant longtemps silencieux.
L’émotion était à son comble, lorsque la dépouille mortelle fut placée sur un véhicule, direction cimetière de Gounghin. C’est une marée humaine qui forme le cortège funèbre. Pour qui connaissait Salif Déré sait qu’il n’aimait guère les bains de foules. Mais en cette matinée du 23 août, il s’en est offert un, à titre posthume. Signe que le défunt occupait une place à part dans le cœur et l’esprit de beaucoup de Burkinabè. De Larlé jusqu’au cimetière, les gens se levaient pour lui rendre un dernier hommage. Dans la foule compacte, on distinguait des personnalités prestigieuses issues du monde politique, économique, militaire, diplomatique, coutumier, religieux… Terre natale du défunt, le Yatenga était représenté en nombre. Beaucoup sont venus de Ouahigouya, d’autres des 44 autres provinces.
Présence remarquée également du milieu des affaires, à l’image de Alizèta Ouédraogo, présidente de la Chambre de commerce du Burkina Faso, de Mamounata Venegda. Amadé Bangrin Ouédraogo, lui, n’a pas souhaité se rendre au cimetière. Il avait des relations étroites avec le disparu et avait préféré rester à la maison en vue de donner les directives des obsèques. C’est aux alentours de 9h que le très discret richissime homme a été inhumé à Gounghin, loin de ses deux épouses qui l’ont précédé dans l’au-delà.
Singulier destin que celui de Salif Déré. Après avoir perdu son père très tôt, Salif Déré fit des études coraniques. Il débuta le commerce à Ouahigouya avant de s’installer définitivement à Ouaga en 1974. L’aînée de ses enfants, Mme Fatimata Traoré/Ouédraogo s’en souvient : « J’ai débuté mes études au centre filles de Ouahigouya où j’ai obtenu mon certificat en 1974. A la rentrée scolaire 1974-1975, j’ai fait la 6e à Ouagadougou ». Fati Kidga, comme on l’appelle affectueusement, garde beaucoup de choses de son défunt père. Et elle le témoigne en ces termes : « Je reconnais que Dieu a donné la richesse à mon père, mais il s’est toujours effacé. Il aimait trois choses : le travail, l’honnêteté et la générosité. Il détestait aussi trois vices : le mensonge, la paresse et la méchanceté. De son vivant, il pouvait remettre une forte somme d’argent à quelqu’un en public sans que personne ne le sache. Il recommandait aussi à ceux auxquels il rendait service de ne jamais en parler. Chaque fois, il nous conseillait d’être humbles, car l’humilité est une force. Il nous demandait de vivre cachés ».
Autre témoignage, venant de Ahmed Ouédraogo, l’un des 21 enfants du défunt : « Notre père nous a tout donné sur cette terre : conseils. Ce que je retiens aussi de lui, c’est qu’il aimait beaucoup la religion musulmane. Même quand il était gravement malade, il était couché et écoutait des prêches. Parfois, j’étais obligé d’arrêter la radio, croyant que le bruit le dérangeait. Mais il m’intimait l’ordre de remettre la radio en marche ». Quant à Madelaine Nomtondo Ouédraogo, fille du défunt Naaba Koom du Yatenga, Salif Déré était quelqu’un de très bien : « J’ai connu Salif Déré et Amadé Bangrin au moment où vivait encore mon père. Ces deux personnes venaient chez le Naaba Koom pour solliciter des conseils. Donc, j’ai connu Salif Déré quand j’étais petite. Même après la mort du roi, j’ai continué à fréquenter les deux personnalités au regard des liens qu’elles avaient avec la famille royale ».
Pour sa part, Cheick Massour Ouédraogo dit avoir rencontré Salif Déré trois fois : « La première fois, c’est l’un de ses fils qui est venu me voir pour que j’aille lui présenter ses excuses, parce qu’il a posé un acte qui ne plaisait pas à son père. Quand je me suis présenté à lui, il a accepté le pardon et autorisé son fils en question à intégrer la famille. La deuxième fois, c’est quand il avait perdu l’une de ses épouses. La dernière fois, c’est quand des fidèles musulmans de mon village m’ont envoyé chez lui pour solliciter une mosquée. Salif Déré nous a remis de l’argent tout en nous demandant de ne jamais évoquer son nom dans la construction de cette mosquée ».
Il faut préciser que le doua du 7e jour a eu lieu dans la soirée en présence d’une foule nombreuse dont François Compaoré, conseiller à la présidence du Faso ; Ernest Paramanga Yonli, président du CES ; et de plusieurs membres du gouvernement.