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Camp d’accueil des réfugiés de Yirgou : Dans la peau des sinistrés

Publié le vendredi 1 fevrier 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par GETTY IMAGES
Les réfugiés Maliens
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Depuis mi-janvier 2016, le Burkina Faso a essuyé plusieurs attaques terroristes faisant état de centaines de pertes en vies humaines et de milliers de personnes déplacées internes. Pour faire face à ce déplacement massif de ces familles éplorées, le gouvernement burkinabè a envisagé la création des sites de cantonnement. Sidwaya est allé à la rencontre des pensionnaires du camp d’accueil de Barsalogho, province du Sanmatenga, qui espèrent retrouver leurs conditions de vie d’antan. Reportage !

Samedi 12 janvier 2019, camp d’accueil de Barsalogho (CAB), province du Sanmatenga. En ce début de journée, ce camp, qui accueille des déplacés de Yirgou suite à des tueries à caractère communautaire, grouille déjà de monde. Des groupes de personnes assises devant leurs tentes prennent un “bain” de soleil, tandis que d’autres sont occupées à faire leur toilette. Elles sont à leur troisième jour dans le CAB. Méfiantes, apeurées, les familles que nous rencontrons répondent à peine à nos salutations.

« Le choc psychologique est visible. Elles ont été profondément touchées. La plupart des enfants s’enfuient lorsque vous les approchez. Quant aux adultes, ils refusent tout simplement de parler. Tous ces éléments constituent des signes de l’impact psychologique occasionné par cette tuerie », soutient le chef de service de la cellule de psychologie du CAB, Abdoul Wahab Ouédraogo, dépêché par le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire (MFSNFAH).

Occupant la tente n°15, depuis le 8 janvier dernier, cette cellule a pour mission d’évaluer l’impact psychologique des personnes déplacées, afin d’apporter les premiers secours nécessaires. « Le manque de confiance de la part des familles éplorées constitue l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

C’est pourquoi, une meilleure prise en charge psychologique des familles éplorées est nécessaire afin d’éviter un stress post-traumatique persistant», préconise Abdoul Wahab Ouédraogo. Par l’intermédiaire de certains leaders des déplacés, nous avons pu nous entretenir avec quelques pensionnaires du CAB. La paix, la cohésion sociale et la justice sont les maîtres-mots de nos interlocuteurs.

Agée de 56 ans et mère de 10 enfants, Foureita Diallo est originaire du village de Madou, situé à une quarantaine de km du chef-lieu de la commune. Elle a perdu 10 de ses proches, lors des événements tragiques. « Chaque défunt a laissé derrière lui deux veuves et plusieurs d’orphelins. Tout ce qu’ils avaient comme richesses (bétails, vivres et maisons) sont aussi partis en fumée », raconte-elle, les yeux embués de larmes.

Depuis son arrivée, le 2 janvier à la mairie de Barsalogho, elle dit bénéficier d’une meilleure prise en charge. « On nous offre trois repas par jour. Les autorités locales nous rassurent également d’une réinstallation dans nos concessions. Mais, il faut que la paix revienne d’abord dans la zone », estime Mme Diallo.

FUSILLÉS SUR LA PLACE DU MARCHÉ

Foureita Diallo et son époux souhaitent retrouver leurs bétails et vivres intacts ou le cas échéant bénéficier d’une indemnisation. Commerçant de profession, Dramane Diallo est aussi ressortissant du campement peulh de Madou. Ce quinquagénaire est père de 7 enfants. Il est resté impuissant devant la tuerie de ses cinq frères lors des représailles, occasionnant ainsi six veuves et une quinzaine d’orphelins.

« Nous avons été chassés par le groupe d’auto-défense Kogl-wéogo, le jeudi 3 janvier dernier. Ils ont brûlé nos maisons et granges. J’ai tout perdu dans ce conflit », balbutie-t-il. A partir de ce jeudi noir, M. Diallo et ses camarades se sont cachés 72 heures durant avant de trouver refuge à la mairie de Barsalogho. « Nous avons passé trois jours dans la forêt sans manger ni boire. Tous mes fonds de commerce se sont volatilisés. Je veux une indemnisation de mes biens consumés », clame Dramane Diallo.

Après avoir raconté sa mésaventure, il nous présente les deux veuves de l’un de ses défunts frères, Hamadou Diallo, du village de Sagho, situé à cinquante km de Barsalogho. Fatimata Diallo, mère de 5 enfants et sa coépouse, Alimata Diallo, mère de 4 gamins ont vu leur mari lynché par des populations en furie. « Il était allé abreuver ses troupeaux. Et, lorsqu’il a aperçu les flammes de nos concessions, il a rebroussé chemin pour nous porter secours.

C’est là qu’il a été abattu sous nos yeux», raconte Fatimata Diallo, l’amertume dans l’âme. Les deux “malheureuses” s’interrogent désormais sur le sort réservé à leurs progénitures. « Nous sommes bien entretenus ici, mais nos cœurs saignent toujours. Nous préférons retourner chez nous et nous s’occuper de nos enfants », confie-t-elle. Autochtone de Sagho, Ouésseini Diallo est, lui aussi, une victime de cette funeste agression.

Père de trois enfants, ce trentenaire se souvient toujours de la mort de son pater. « Ils ont été regroupés au marché de Sagho et fusillés dès le 1er jour des affrontements», retrace-t-il, la gorge nouée. Il a désormais à sa charge 14 individus. « Je n’ai rien pour les soutenir. Je demande de l’aide, afin d’exercer un petit emploi », lance-t-il.

Les populations du village de Biguélé, à vingt km de Barsalogho, n’ont pas aussi été épargnées par les hostilités. Fouraitou Diallo est âgée de 45 ans et mère de quatre enfants. « J’ai perdu mon mari et un petit frère, tués dans des courses-poursuites. Tous nos vêtements ont été également incendiés, sauf ceux que nous portions ce jour-là. Plus de 200 têtes de nos troupeaux sont toujours en divagation».

Le représentant des personnes déplacées du CAB, Boureima Diallo : « Nous avons des doléances à l’endroit de nos autorités administratives. Il s’agit de la sécurisation de nos familles restées sur place ou qui errent toujours dans la nature, de la sécurisation du bétail resté dans les villages et qui meurent actuellement de soif, de la dotation des pièces d’identité. Car, toutes nos pièces sont parties en fumée ». Il ajoute : « Nous souhaitons également la reconstruction des maisons détruites et la reconstitution des stocks de céréales, une meilleure prise en charge des blessés et l’éducation des enfants déplacés sur les différents sites d’accueil, la facilitation des retours des déplacés, et l’accès à l’eau potable ».

PLUS DE 50 000 PERSONNES DÉPLACÉES

Un service de santé a été également installé au CAB afin d’apporter des soins appropriés aux déplacés souffrants. « Nous enregistrons par jour au moins une quarantaine de patients. Au troisième jour, nous sommes à une centaine de malades consultés. Et, de nombreuses personnes attendent toujours », confie l’infirmier au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Barsalogho, Pascal Dakisaga.

A ses dires, les maladies récurrentes chez les déplacés sont, entre autres, la déshydratation, le paludisme et les anomalies pulmonaires. Quant aux blessés, ils sont directement transférés au CMA de Barsalogho pour des soins approfondis. Cependant, ils sont confrontés à d’énormes difficultés.

« Etant donné qu’il s’agit d’une situation d’urgence, la prise en charge doit être prompte et efficace. Malheureusement, nous avons un manque de matériel chirurgical. Nous manquons de certaines molécules comme l’hydroxyde et le métronidazole et du personnel médical», souligne Pascal Dakisaga. Une déplacée ayant requis l’anonymat vient de bénéficier des soins après plus d’heure d’attente. « J’ai des maux de tête. Je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit. J’ai fait une forte fièvre.

Mais par la grâce de Dieu, j’ai eu des produits gratuitement », se réjoui-t-elle. Sur le site, on dénombre 965 personnes déplacées dont 547 enfants, 243 femmes et 175 hommes. Ces familles sont installées dans 70 tentes, en raison de 15 personnes par tente, selon le président du Conseil départemental de secours d’urgence et de réhabilitation (CODESUR) de Barsalogho, Hubert Hien, par ailleurs préfet dudit département. Plusieurs activités ont été menées par le ministère en charge de la Femme.

Il s’agit de l’installation de 2 forages, 20 toilettes fixes, 20 toilettes mobiles, 4 bacs à eau et de la mise à disposition de 2 citernes d’eau. Toutefois, des nombreux besoins restent à combler. « Nous avons des problèmes d’ordre matériel, logistique, sanitaire et médical. L’hygiène, l’assainissement et la structuration du camp d’accueil sont aussi des défis à relever », soutient M. Hien. Le bilan de l’assistance humanitaire aux personnes déplacées, suite aux tueries de Yirgou, du MFSNFAH, à la date du 15 janvier 2019, fait état de 12 345 personnes déplacées internes.

Les attaques et menaces terroristes qu’a connues le Burkina Faso, depuis mi-janvier 2016, ont entrainé des déplacements massifs de populations, notamment dans les régions du Sahel, du Centre-Nord et du Nord. Et, à la date du 15 janvier 2019, les démembrements du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR), avec l’appui des partenaires, ont recensé 53 151 personnes déplacées dans ces trois régions.

Emil SEGDA
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