Dans cette interview réalisée jeudi 22 août 2013 à Ouagadougou, le capitaine du Groupement départemental de gendarmerie de Ouagadougou, Jean Bosco Sawadogo, donne la version de la gendarmerie sur les circonstances qui ont conduit à l’interpellation et au décès dans la nuit du 14 au 15 août 2013, de Moumouni Zongo.
Sidwaya (S) : Dans quelles circonstances Moumouni Zongo a-t-il été interpellé ?
Capitaine Jean Bosco Sawadogo (C.J.B.S.) : Je voudrais avant tout propos, exprimer mes condoléances à la famille éplorée pour l’incident malheureux qui est intervenu lors de l’interpellation du regretté Moumouni Zongo dit Kaboré Noswéogo alias ‘’Esprit’’. Pour revenir aux faits, il faut dire qu’un citoyen s’est présenté à deux reprises à la section de recherche de la gendarmerie de Ouagadougou pour plainte, aux motifs que sa fille a suivi, des consommateurs de drogue qui l’auraient hébergée. Sur ce, le 14 août, une équipe a été déployée sur les lieux, afin de mettre la main sur ces éventuels consommateurs de drogue. A leur arrivée sur les lieux, sur les quatre (4) personnes trouvées, une a pris la poudre d’escampette. C’est alors qu’un gendarme s’est mis à sa poursuite. Ils ont couru sur près de 800 mètres. C’est une zone réputée ‘’criminogène’’ (Ndlr : il s’agit de la zone Marcousis). Après avoir traversé les rizières, le fuyard a atteint les zones non loties. C’est alors que la population ayant cru à un voleur a porté son aide au gendarme, afin qu’il puisse mettre le grappin sur l’intéressé. C’est donc fort de l’aide de la population que feu Moumouni Zongo a été alpagué. Parmi les manifestants, un monsieur, marteau en main, menaçait d’écraser la tête de Moumouni Zongo. Le gendarme qui opérait en tenue civile, a dû se présenter, exhiber sa carte professionnelle pour l’intimer d’arrêter l’acte fatal. C’est là que le gendarme a expliqué à la foule que l’intéressé n’était pas un voleur, mais qu’il était impliqué dans une autre affaire. C’est ainsi que les populations ont conduit l’intéressé au véhicule où il devrait embarquer avec les trois (3) autres qui avaient pu être interpellés, à l’arrivée des gendarmes. Mais, il faut noter que d’ores et déjà, lorsqu’il regagnait le véhicule, il éprouvait des difficultés à marcher. Ils ont tous été embarqués, et arrivés à la section de recherche de la gendarmerie de Ouagadougou, ses camarades ont pu descendre du véhicule, tandis que lui, éprouvait des difficultés à descendre. C’est ainsi qu’il a été aidé de deux autres personnes. Quand il a rejoint le hangar, il s’est couché à plat ventre et a commencé à réclamer de l’eau. C’est là qu’un sachet d’eau lui a été donné. Mais, on a constaté que bien qu’il ait bu l’eau, il éprouvait des difficultés à respirer et haletait. Les gendarmes ont été immédiatement informés. C’est ainsi que les sapeurs-pompiers ont été appelés à la rescousse. Arrivés, ils ont tenté de le réanimer avec leurs appareillages, malheureusement, ce que nous tous nous redoutions, s’est produit. Ils nous ont annoncé la mort de Moumouni Zongo. C’est alors que le parquet a été saisi et immédiatement, il a dépêché quelqu’un pour constater de visu ce qui s’était passé. Le service d’hygiène aussi, a été interpellé, il a procédé à l’enlèvement du corps.
S. : Comment la famille du défunt a-t-elle été informée ?
C. J. B. S. : Le 15 août, nous avons convié la famille à une rencontre pour leur expliquer les circonstances du décès de feu Moumouni Zongo. Les gendarmes qui avaient procédé à l’interpellation et aussi, les trois (3) autres interpellés ont participé à cette rencontre. Les quatre (4) gendarmes ont, tour à tour, livré leur version des faits, ainsi que les trois interpellés. Et toute la latitude a été accordée à la délégation de la famille, constituée de cinq (5) personnes, afin qu’elle pose toutes les questions qu’elle jugerait opportunes pour que tout doute soit levé, parce que dans cette affaire, nous n’avons rien à nous reprocher. C’est pourquoi nous avons joué à fond la carte de la transparence.
S. : Qu’en est-il de l’autopsie et des résultats ?
C. J. B. S. : Le samedi 17 août, suite à une requête adressée par le parquet à un expert, une autopsie a été réalisée. Un représentant de la famille a participé à l’autopsie. Je pense que ce représentant de la famille a pu faire un briefing des conclusions de l’autopsie, parce que la gendarmerie n’a pas les résultats. Donc, même s’il y a des conclusions, aucune ne sera adressée à la gendarmerie ; les conclusions seront adressées au parquet, puisque c’est lui qui a fait appel aux experts.
S. : Ces experts qui ont pratiqué l’autopsie, sont-ils des Burkinabè ou des étrangers ?
C. J. B. S. : Ce sont des professeurs burkinabè qui opèrent au Burkina Faso. Ils sont connus, seulement que je ne vais pas vous dévoiler leur nom, et ce n’est pas la première fois qu’ils font un travail pareil.
S. : Est-ce que la population a porté la main sur Moumouni Zongo ?
C. J. B. S. : Selon les renseignements que j’ai en ma possession, la population n’a pas porté la main sur le défunt.
S. : D’aucuns disent qu’il (Moumouni Zongo) avait les habits déchirés après son interpellation, ce qui confirmerait qu’il aurait été battu. Que répondez-vous ?
C. J. B. S. : Il avait les habits déchirés, parce que quand les sapeurs-pompiers sont arrivés, étant donné qu’il éprouvait des difficultés à respirer, ils ont dû déchirer ses habits pour faciliter le travail, sinon en aucun moment, un gendarme n’a porté des coups sur feu Moumouni Zongo. Je voudrais encore traduire notre empathie pour ce qui est arrivé et vraiment demander à la famille et à la population de jouer la carte de l’apaisement. Car si un gendarme avait une quelconque part de responsabilité, je pense qu’il recevrait la sanction à la hauteur de son acte ; parce qu’il y a des faits passés dont il faut tirer les conséquences et en faire une leçon, donc dans cette affaire, nous n’avons rien à cacher.
S. : Le sieur Moumouni Zongo est-il connu des forces de l’ordre ou est-ce la première fois qu’il est mêlé à une telle affaire ?
C. J. B. S. : Il est bien connu de la gendarmerie. Parmi les quatre, il y a un qui venait de sortir de prison pour les mêmes raisons de consommation de drogue.
S. : Avez-vous d’autres canaux de communication, en dehors de la presse qui contribuerait à apaiser la situation ?
C. J. B. S. : Oui, il y a des personnes civiles, des autorités qui ont parlé à la famille, afin d’apaiser les esprits. En plus, la mairie centrale et celle de Sig-Noghin ont pris contact avec les populations et la famille endeuillée pour essayer de calmer la situation. Sinon, nous regrettons sincèrement ce qui est arrivé. Nous sommes tous humains et c’est très douloureux de perdre un être cher, brusquement.
Au nom de la gendarmerie, je présente à la famille éplorée, nos sincères condoléances et encore, leur demander de jouer à fond la carte de l’apaisement.
Interview réalisée par Gaspard BAYALA
et Gilbert B. BAZIE