En se déclarant candidat au poste de président du PDCI-RDA, Alphonse Djédjé Mady ose donc défier son président, l’indéboulonnable Henri Konan Bédié. La crise au sein du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, fondé par le père de l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny, prend une autre dimension. Car avant cette décision de taille du secrétaire général du parti, on croyait que le climat de guérilla entretenu par le trublion Kouadio Konan Bertin (KKB) n’était qu’un épiphénomène. En effet, l’activisme du président de la jeunesse du PDCI, qui est un peu le Julius Malema ivoirien, pour détrôner le vieux Bédié, ressemblait à une vaine lutte, tant les forces étaient inégales. On le prenait donc pour un plaisantin. Mais avec l’apparition, aux côtés des francs-tireurs et des dissidents, d’une personnalité de la trempe de Alphonse Djédjé Mady, de surcroit SG du parti, l’affaire devient corsée. La question est maintenant de savoir si ce dernier pourra ébranler la force tranquille que représente Bédié, déjà assuré d’être reconduit à son poste. Il n’est un secret pour personne qu’en dépit de son âge avancé et de sa longévité à la tête du parti, il a toutes les cartes de sa réélection en mains. Il a la confiance du vote baoulé qui constitue l’ossature du parti, et le soutien de son allié Alassane Ouattara du RDR, dans le cadre du RHDP. Et, c’est lui qui tient en définitive d’une main de fer les rênes parti.
Les apparences d’un parti démocratique où les candidatures sont ouvertes, sont donc trompeuses car le système est verrouillé de l’intérieur. La candidature annoncée de M. Mady est-elle pour autant un dérisoire coup d’épée sur l’épaisse cuirasse du vieil éléphant ? Le parti ne sortira-t-il pas fragilisé de cette énième crise ? Il est en tout cas quasiment certain qu’après un tel affront, il n’y ait plus de la place pour Djédjé Mady au sein du PDCI-RDA. Sauf s’il accepte de faire son mea-culpa dans une mise en scène humiliante ou s’il consent à ruminer sa disgrâce en tant qu’obscur militant. Mais provoquer un tel coup d’éclat, un tel séisme politique, pour ensuite se morfondre dans l’anonymat, cela n’a pas de sens. Même si faire ainsi profil bas peut être une stratégie comme une autre, en attendant tranquillement son heure, dans son petit coin. En tout état de cause, elle n’est pas forcément la meilleure, car l’homme du changement dont il se proclame court plutôt le risque de se faire reléguer dans les profondeurs de la marginalisation et de l’oubli. Djédjé Mady pourrait donc faire l’option de la combativité, en ramassant ses clics et ses clacs pour d’autres horizons. Un nouveau parti dissident du PDCI-RDA, comme le fut le RDR de Alassane Ouattara, n’est pas à exclure.
En attendant de voir quelle option fera Djédjé Mady (mener le combat de l’intérieur ou voler vers d’autres cieux) sa candidature pose aussi le problème de l’implantation régionale, sinon ethnique du PDCI. Djédjé Mady se présente en effet en candidat d’un parti qui doit transcender ces clivages. En clair, lui le Bété, veut faire du PDCI, non pas un parti des Baoulés, mais une formation à envergure nationale. Il le dit avec des mots à peine voilés dans Jeune Afrique : « Ce qui est important, c’est qu’il faut donner une envergure nationale au PDCI et ne pas contenir son influence dans une région. Lors des dernières élections, il y a eu des régions où le PDCI n’a pas présenté de candidat. Il faut rectifier tout cela et il y aura des gens avec moi pour le faire ». Le PDCI doit donc, selon le courant qu’on pourrait qualifier de rénovateur, opérer une mue sur deux fronts, celui du rajeunissement de ses cadres et celui de l’élargissement de sa sphère d’influence. Beau programme peut-être, mais qui restera pour le moment dans les placards. Le départ de Bédié n’est pas pour demain. La tradition au PDCI semble être le pouvoir à vie.
La Rédaction