L’interrogatoire du général de brigade, Gilbert Diendéré, a pris fin, le mardi 18 décembre 2018 devant le tribunal militaire de Ouagadougou. Pendant près de deux semaines, celui qui est accusé d’être le « cerveau » du coup d’Etat de 2015 est resté campé sur sa position en réfutant tous les faits à lui reprochés. Avant de quitter la barre, celui-ci a réitéré sa demande de pardon au peuple burkinabè.
A l’audience du mardi 18 décembre 2018, Me Pierre Yanogo de la partie civile est parti de sa logique pour trouver un géniteur au putsch de septembre 2015. « Dans la nuit du 16 septembre 2015, après avoir échoué à faire libérer les autorités, la hiérarchie militaire avait demandé à ceux qui avaient commencé le coup, de gérer la vacance de pouvoir. Si vous vous êtes assumés, c’est que vous faites partie de ceux qui l’ont commencé », a soutenu l’avocat. Au sujet de l’accusation de Me Jean Degli, un des conseils de l’accusé, selon laquelle la partie civile se met à la place du parquet, Me Séraphin Somé a expliqué que la défense veut dénier au camp adverse, le droit de contribuer à la manifestation de la vérité. « On nous accuse de nous tromper de procès, de trouver en Diendéré le raccourci pour juger Blaise Compaoré. Non ! Le général n’est pas ici à la barre par procuration, mais pour répondre de faits précis », a-t-il argumenté.
Il a, du reste, relevé que dans l’histoire politico-militaire du Burkina Faso, les grands font tout pour se mettre à l’abri et ce sont les petits qui casquent. Dans le cas d’espèce, M. Somé a indiqué que le général s’est débiné très tôt, dénonçant des militaires tels que l’adjudant-chef Moussa Nébié, l’adjudant Jean Florent Nion et des civils dont l’ancien bâtonnier, Me Mamadou Traoré, le journaliste Adama Ouédraogo, Léonce Koné et Me Hermann Yaméogo, entre autres. Concernant la responsabilité de la hiérarchie militaire dans le putsch, Me Séraphin Somé s’en est pris aux déclarations du général Diendéré selon lesquelles on ne cherche pas la vérité, on l’occulte en n’inculpant pas les patrons de l’armée. « Si la partie civile avait la possibilité de donner les noms des personnes suspectes dans cette affaire, la liste serait différente de celle actuelle », a opiné le conseil de la partie civile, citant au passage le fils de l’accusé, Ismaël Diendéré et les deux militaires ivoirien et togolais dont la « participation au coup de force est plus qu’évidente » et qui devraient être dans le box des accusés. « Ce n’est pas à moi de les faire venir ici. Si le parquet le voulait, il avait tous les moyens pour cela », a fait observer Gilbert Diendéré. Au sujet de l’infraction de trahison, Me Somé a tablé sur la recherche par Gilbert Diendéré de moyens auprès de ses soutiens étrangers pour déstabiliser le Burkina Faso.
Les infractions de meurtre, coups et blessures volontaires ont aussi été évoquées. En conclusion, Me Séraphin a dit avoir été désillusionné face au général parce qu’il pensait que ce dernier allait expliquer son geste et demander d’excuser les « petits » qu’il a entraînés dans son aventure. Du côté de la défense, Me Dieudonné Bonkoungou a dénoncé le défaut d’études et de constat d’usage de la gendarmerie au moment des évènements. Il s’est aussi insurgé contre des investigations orientées qui violent les droits de la défense. Sa compréhension du procès est que le jugement évolue dans une « logique inachevée, partisane, un raisonnement affabulatoire » et qu’il s’agit d’une justice à deux vitesses dans laquelle il y a des intouchables comme la hiérarchie militaire qui a pourtant accompagné le général dans le putsch. Pour sa part, Me Yérim Thiam a expliqué que la trahison n’est pas constituée car, Gilbert Diendéré n’a pas fourni de moyens à une puissance étrangère pour qu’elle attaque le Burkina Faso et qu’au contraire, il en a reçu.
« Il nous a plongé dans la souffrance »
Les conseils du général ont soutenu à l’unanimité que le parquet militaire et la partie civile sont venus au procès avec des idées préconçues pour accabler leur client. A entendre Me Latif Dabo, les médiateurs, notamment l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Yemboado Ouédraogo, sont allés dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015 au camp Naba Koom II mais n’ont pas manifesté l’intention de voir les otages pour s’assurer qu’ils vont bien. Par conséquent, il a déduit que les médiateurs sont aussi les planificateurs de l’arrestation des autorités de la Transition. Son confrère, Me Mathieu Somé, lui, a indiqué que le parquet est en mission, celle de faire croire que leur client est responsable du putsch. « Jusqu’à nos jours, nous avons constaté que le parquet n’arrive pas à prouver que c’est le général qui a fait le coup d’Etat et nous allons tirer toutes les conséquences », a opiné l’avocat. Me Somé a aussi dressé un réquisitoire contre les conseils des parties civiles à qui il reproche de vouloir se substituer au parquet militaire. « Je n’ai pas vu leur déclaration de constitution de partie civile.
Ces personnes qui, légalement ne sont pas connues de nous, viennent à la rescousse du parquet pour dire ce qu’il n’a pas pu dire », a-t-il clamé. Quant à Me Olivier Yelkouni, il a souhaité qu’à la fin du procès, leur client soit simplement acquitté, sans peine ni dépens. Pour son mot de fin d’audition, le général Diendéré a réitéré sa demande de pardon au peuple burkinabè, aux parents des victimes et aux blessés. « Le 23 septembre 2015, j’ai déclaré devant la presse nationale et internationale que je regrettais les morts, les blessés et les dégâts matériels. Je continue de regretter cela », a-t-il laissé entendre. Il a souligné que devant la Chambre de contrôle, il avait souhaité aller au procès pour dire sa part de vérité et les 13 jours passés devant la barre lui ont permis d’atteindre son objectif. « Bien évidemment, je ne peux pas convaincre tout le monde car, certains sont venus avec des idées arrêtées », a relevé le prévenu.
Il dit souhaiter que le Burkina Faso puisse tourner la page de « cette sombre affaire ». Selon sa conviction, cette situation est survenue à la suite de la volonté d’un « homme qui croyait que son heure était arrivée ». « Il nous a plongé dans la souffrance et il est allé se mettre dans le froid canadien », a relaté le général Diendéré en référence à Yacouba Isaac Zida. Avant de rejoindre sa place, il a présenté ses excuses à tous ceux qui ont été offensés par ses propos tout au long du procès.
Les conseils de Djibrill Bassolet, eux, ont souhaité que l’audition de leur client soit repoussée en janvier 2019 parce que tous ses avocats, notamment ceux de l’étranger ne seraient pas encore disponibles. Cette requête, selon le président du tribunal, sera examinée ce mercredi 19 décembre, à la reprise de l’audience à 9h.