En visite au Burkina, le député français M’Jid El Guerrab a profité pour craquer des sujets tels les Français établis hors de France, le mode de scrutin d’un député de la diaspora, et le vote de nos «pawéto» en 2020.
Monsieur le député, quel est l’objet de votre visite au Burkina Faso ?
Je suis député français de la 9e circonscription des Français établis hors de France. Celle-ci comprend seize pays, du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, parmi lesquels figure le Burkina Faso, où je me suis déjà rendu à de nombreuses reprises. Je dois dire que je retrouve ce pays avec un plaisir sans cesse renouvelé. A Ouagadougou, je me sens un peu chez moi.
En tant que député des Français établis hors de France, j’ai à cœur de me rendre régulièrement dans les pays de ma circonscription, où je viens rencontrer mes compatriotes, échanger avec eux et les écouter. Ils me font part des préoccupations qui sont les leurs.
C’est dans cette optique que je suis venu du 1er au 3 décembre dernier à Ouagadougou. Comme à chacun de mes déplacements, j’ai tenu à rencontrer nos représentants institutionnels, économiques et associatifs français, ainsi que les représentants étatiques burkinabè, avec qui j’ai pu m’entretenir de la coopération entre la France et leur pays.
J’ai eu le plaisir d’échanger avec les conseillers du commerce extérieur français au Burkina, représentants de grandes sociétés telles qu’Air France, Vinci et bien d’autres.Avec le conseiller économique de l’ambassade de France, nous avons fait un large tour d’horizon sur la politique française de soutien à nos entreprises à travers le monde.
J’ai par ailleurs découvert avec un grand intérêt La Fabrique, un incubateur créé par des Français qui suit et développe une vingtaine d’entreprises sociales et écologiques locales. Plus qu’un lieu, on y construit un véritable état d’esprit ! J’ai été là aussi surpris par le dynamisme de la jeune équipe qui autour d’Alice Petetin cherche avant tout le développement social et durable. Les jeunes Français sont une communauté extraordinaire à l’étranger…
J’ai également eu l’honneur de visiter La Ruche. Dépendante de l’Institut français, elle regroupe quatre opérateurs français : Campus France, France Volontaires, CFI Médias et le pôle innovation de l’IRD, qui anime un tiers lieu, consacré aux jeunes et à l’innovation, dans de superbes locaux, au cœur de Ouagadougou.
J’ai par ailleurs tenu une permanence parlementaire au Consulat général de France, à l’occasion de laquelle j’ai reçu des Français, avec qui j’ai eu plaisir d’échanger longuement sur leur situation, et leur quotidien. Je me suis entretenu par la suite avec notre ambassadeur au Burkina-Faso, Xavier Lapeyre de Cabanes, et nos conseillers consulaires, aux côtés desquels j’ai rencontré des représentants du ministère de l’intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur.
Comme je le fais à chacune de mes visites, j’ai également visité un établissement scolaire. Cette fois-ci, je me suis rendu augroupe scolaire « Les Lauréats »,dirigé par Romain Gautier, un jeune Français dynamique et plein de projets d’excellence pour ses élèves. J’ai pu expliquer à ces derniers ce qu’était un député représentant les Français de l’étranger et j’ai eu à répondre à de très nombreuses questions !
Vous êtes député de la 9e circonscription des Français établis hors de France. Concrètement quel est le rôle d’un député des Français hors de France ?
Un député Français est, avant toute chose, un député de la Nation. Il a donc les mêmes prérogatives que n’importe quel autre député : le vote de la loi et le contrôle de l’action du gouvernement.
La fonction particulière du parlementaire représentant les Français de l’étranger revêt, en outre, une composante diplomatique plus forte. Je rencontre régulièrement mes homologues de l’étranger, avec qui j’échange sur la coopération entre nos pays respectifs. C’est très enrichissant !
Le député est un médiateur, qui doit faire remonter au niveau national les problématiques du terrain. C’est pour cela que je me déplace chaque semaine dans ma circonscription.
Qui est considéré comme «citoyen de la diaspora ?»
Les 3 540 Français inscrits au consulatde Ouagadougouen septembre 2018représentent les citoyens Français de la diaspora. C’est une population qui se fixe pour des périodes longues, puisque 69 % des Français sont inscrits depuis plus de 5 ans. La grande majorité des citoyens Français, vivant au Burkina Faso, résident à Ouagadougou, puis à Bobo-Dioulasso (environ 400 personnes).A ceux-ci s’ajoutent les nombreux binationaux, 34,5 % de nos compatriotes sont franco-burkinabè.
Comment se fait l’élection d’un tel «député de la diaspora»
Suite à la réforme de la Constitution française de juillet 2008, des circonscriptions législatives ont été créées à l’étranger pour permettre aux Français établis hors de France d’élire des députés à l’Assemblée nationale. Nous sommes 11 députés, élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Pour gagner une telle élection, j’ai souhaité pour ma part mener une véritable campagne de terrain. Nous avons, avec une petite équipe, fait une grande tournée africaine, de Casablanca à Tunis, d’Alger à Ouagadougou, d’Abidjan à Bamako.
L’objectif de cette initiative était de montrer que partout dans le monde, et notamment sur le continent africain, les Français étaient portés par une envie de modernité, d’innovation et une réelle volonté de voir la France rayonner à travers le monde.
Cela m’a permis d’écouter les problèmes quotidiens que rencontrent les Français en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, de recueillir les idées et les solutions pour les porter au niveau national.
La présente Assemblée nationale a vu l’entrée de nombreux députés de la minorité visible ? Qu’est ce qui explique cela ?
Pendant longtemps, les partis politiques traditionnels nous interdisaient le fait même d’être candidat, parce que «Madame Michu ne votera jamais pour toi Mustapha», nous disaient-ils ! En juin 2017, Mounir, Naïma, Nadia, Mustapha, Mohamed, Saïd, Belkhir, Amélia, M’jid, etc., sont devenus députés !
Et là, je rends hommage au Président de la République, Emmanuel Macron, qui a permis de balayer en quelques semaines ce blocage politique qui durait depuis 40 ans. Nicolas Sarkozy avait déjà fait un grand geste en nommant Rachida Dati à la tête d’un ministère régalien. En France, on peut le dire, même si la marche est encore longue, nous sommes, peu à peu, pas à pas, en train de remporter ce long combat pour l’émancipation et pour la reconnaissance.
Finalement, la gauche qui était censée être avant-gardiste et progressiste s’est retrouvée balayée par ce vent nouveau, cette nouvelle génération.
Comment se fait le vote à distance de la diaspora ?
En juin 2017, les Français de l’étranger n’ont pas pu accéder au vote électronique, alors qu’il avait été mis en place en 2012 pour les élections législatives, puis pour les élections consulaires en 2014, pour des raisons liées à la sécurité des données qui pouvaient nuire à la légitimité du vote. Des bureaux de vote ont donc été installés pour leur permettre de voter, en personne.
Pour l’avenir, l’idée est de développer le recours au vote en ligne, c’est indispensable compte tenu de la situation particulière de nos compatriotes à l’étranger. Je me souviens que certains électeurs ont dû parfois parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre jusqu’au bureau de vote.
Le Conseil d’État lui-même a considéré, en 2010, que le vote par voie électronique pouvait apparaître, dans nombre de cas, comme le seul moyen pour les Français résidant hors de France d’exercer effectivement leur droit qu’ils tiennent désormais de la Constitution.
Quels sont les objectifs de vos tournées parlementaires ?au Maroc, en Algérie, en Tunisie… et dans les pays d’Afrique de l’Ouest ?
Comme je l’ai précédemment évoqué, l’objectif principal est de nourrir mon travail parlementaire, grâce à une proximité due à une présence régulière, une écoute et de nombreux échanges avec les Français résidant dans ma circonscription.
Le contact direct, sans le parasitage de tous les biais qui polluent la relation, est toujours à privilégier quand on est un élu de proximité.
Le Burkina Faso expérimentera, le vote de la diaspora à la présidentielle de 2020. Quels conseils avez-vous à donner pour réussir cette opération ?
Sur une population totale de 18 millions de personnes, vous comptez 7 millions de Burkinabè de l’extérieur. Leur permettre de voter à la prochaine élection présidentielle de 2020 est, selon moi, primordial, ce sera un grand moment démocratique. Pour réussir une telle opération, il faut parvenir à faire cohabiter une strate d’élus nationaux, les députés, et une strate d’élus locaux, les conseillers consulaires.
La France est prête à accompagner cet exercice démocratique. L’ambassadeur de France est prêt à mobiliser notre administration. Ilme l’a confirmé lors de notre entrevue. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec des conseillers du ministre de l’intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur.
Je suis, de même, à la disposition du BurkinaFaso pour l’accompagner ; et pour éviter au pays des hommes intègres les erreurs que d’autres pays plus avancés sur ce point, comme la France, ont pu commettre.