La Coalition contre la vie chère (CCVC) a battu le pavé le 29 novembre 2018, pour exprimer sa colère suite, entre autres, à l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Dans sa plateforme revendicative en sept (7) points, remise au gouvernement, la CCVC demande un audit indépendant de la SONABEL (Société nationale burkinabè d’électricité) et de la SONABHY (Société nationale burkinabè d’hydrocarbures). Le moins que l’on puisse dire, c’est que la CCVC a été bien inspirée d’associer l’épithète « indépendant » à l’audit qu’elle demande.
En effet, ce ne sont pas les audits qui manquent au Burkina. Leur limite, c’est que ce sont toujours des structures gouvernementales qui les conduisent avec tout ce que cela implique. Non seulement ces audits courent le risque d’être entachés de subjectivité, mais aussi ils se mènent dans une opacité totale. A cela, il faut ajouter le fait que les conclusions auxquelles sont parvenus ces fameux audits finissent invariablement dans les tiroirs du gouvernement. De ce point de vue, la mise en place d’audits indépendants pourrait contribuer véritablement à tirer la gouvernance des institutions de la République vers le haut. Mais la grande question est de savoir si le gouvernement va donner une suite favorable à la requête de la CCVC.
L’on peut en douter, pour deux raisons essentielles. La première est qu’un audit indépendant de ces « deux boites à sous » peut aboutir à des révélations qui auront l’effet d’un séisme pour la République. En effet, la SONABHY et dans une certaine mesure la SONABEL cons ti tuen t de véri tables cavernes d’Ali Baba. C’est pour cette raison, peut-on dire, que les hommes politiques se battent comme des chiffonniers pour se hisser à leur tête. Et quand on remonte l’histoire, l’on peut se rendre bien compte que la gestion de ces deux structures a toujours été confiée à des hommes très proches du président du Faso.
Les audits indépendants de nos sociétés d’Etat pourraient s’avérer intéressants
Chacun peut s’essayer à faire le répertoire des directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de ces deux structures pour éclairer sa lanterne par rapport à cette réalité. Et il n’est pas exagéré de dire que tous ceux qui ont eu à piloter ces sociétés d’Etat, sont à l’abri du besoin. En tout état de cause, on a rarement fait appel à des techniciens du domaine de l’énergie et des hydrocarbures pour les prendre en charge. Par contre, et en dehors de quelques rares exceptions, l’on peut faire le constat que les hommes qui ont l’honneur de les diriger se rejoignent tous par le fait qu’ils sont de « grands militants » du parti au pouvoir. Cette pratique a eu ses lettres de noblesse au Burkina depuis que la politique s’est muée au point de devenir un marchepied vers l’accumulation sans modération des richesses. Et pour jouir tranquillement du fruit de leurs prédations, ces messieurs indélicats ont trouvé la parade qu’il faut : la carte du parti au pouvoir.
Et en contrepartie, ils sont d’une générosité sans limite lorsqu’il s’agit de cracher au bassinet pour financer les activités du parti grâce auquel la clef de la caverne d’Ali Baba leur a été confiée. C’est d’ailleurs pour cette raison essentielle que ces sortes de nominations sont faites. Et ces postes sont tellement juteux que certains les préfèrent aux postes de ministre ou encore au titre de députés à l’Assemblée nationale. Et l’histoire politique de ce pays est là pour confirmer cela. L’autre raison pour laquelle le gouvernement peut difficilement accéder à la requête de la CCVC est qu’il ne voudrait pas donner l’impression que c’est la rue qui lui dicte la manière dont il doit gouverner la cité. L’ont peut le comprendre, car la rue n’a pas toujours raison. Mais dans le cas d’espèce, le gouvernement gagnerait à prêter une oreille attentive à la demande de la CCVC pour autant qu’il veuille faire dans la rupture. L’autre avantage qu’il peut en tirer est que cela peut contribuer à apaiser le font social.
Car au rythme où vont les bras de fer récurrents entre le pouvoir et les partenaires sociaux, le pays court le risque d’aller droit dans le mur. Pour éviter ce scénario-catastrophe, le pouvoir MPP serait bien inspiré, en tout cas, de faire tout dans la transparence parce que cela, non seulement participe de la promotion de la bonne gouvernance, mais aussi répond à une attente forte du Burkina post-insurrection. Et puis, de façon générale, les audits indépendants de nos sociétés d’Etat pourraient s’avérer intéressants pour le peuple burkinabè et pour le progrès social de ce dernier.