La Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE) est mécontente et même très mécontente. En effet, 11 mois après la signature du protocole d’accord signé entre elle et le gouvernement burkinabè le 27 janvier 2018, elle dit constater que de nombreux et importants engagements du gouvernement sont, soit non mis en œuvre, soit exécutés de façon parcellaire. Ce lundi 3 décembre, elle a haussé le ton à travers une conférence de presse et annonce la suspension de toute forme d’évaluation pour compter de ce lundi 3 décembre à 24 heures.
En rappel, le premier engagement du gouvernement porte sur l’adoption d’un statut valorisant des personnels de l’éducation et de la recherche. «En attendant l’aboutissement de ce processus, le gouvernement s’engage à octroyer une bonification d’un échelon à tout le personnel du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation pour compter du 1er janvier 2018, avec constatation de l’effet financier à partir du 30 septembre 2018 ; créer les emplois des administrateurs d’établissement et des personnels de laboratoire dans un délai de trois mois à compter de la date de signature du protocole.»
«A la date d’aujourd’hui, aucun de ces engagements n’est mis en œuvre. Le gouvernement affirme d’ailleurs qu’il n’y a pas de base légale pour octroyer la bonification d’échelon aux personnels de l’éducation et de la recherche. En ce qui concerne le statut valorisant sur lequel les travailleurs de l’éducation nourrissent un grand espoir, les travaux de son élaboration ont été suspendus après deux sessions de discussion à Koudougou à la demande de la partie gouvernementale pour, dit-elle, rendre compte au gouvernement. Les blocages sur la question se rapportent à la nomenclature des emplois à disposer pour les différents ordres de l’éducation ; la prise en compte de l’ensemble des personnels déjà existant sur le terrain dans le nouveau statut ; le relèvement du niveau de recrutement pour tous les ordres d’enseignement», fait remarquer Bonaventure Belem, coordonnateur national de la CNSE.
Sur cette question spécifique, la CNSE s’étonne de ce que le gouvernement dévoile le 30 novembre dernier, le contenu de ses réponses relatives aux préoccupations ayant conduit au blocage des discussions de Koudougou alors même que la CNSE s’apprêtait à analyser ces nouvelles propositions. «Une telle attitude aux antipodes des principes de base de négociation, est l’expression du peu de crédit que le gouvernement accorde au dialogue social qu’il chante pourtant à longueur de journée. Si l’objectif était de créer les bases d’une diversion ou d’un discrédit de la partie syndicale, ceux qui ont fait cette option peuvent être convaincus qu’ils se sont lourdement trompés. Ils porteront l’entièreté des conséquences d’un tel acte», avertit M. Belem.
Effectif pléthorique dans les classes
Du deuxième et troisième point de la plateforme portant sur l’amélioration de l’accès à l’éducation et l’amélioration des conditions de travail pour une efficacité du système éducatif, la CNSE fait remarquer que la situation est tout aussi préoccupante. «En effet, le kit pédagogique qui constitue un intrant capital pour l’implémentation de la qualité de l’éducation n’est toujours pas une réalité», indique Bonaventure Belem. Toujours dans cette rubrique, la CNSE indique que le respect des effectifs dans les classes demeure un «serpent de mer». «Ils sont nombreux les établissements où les effectifs ont franchi la barre de 100 élèves par classe même à Ouagadougou à cette rentrée», martèle le syndicaliste.
A cela s’ajoute une pratique insidieuse développée dans le post-primaire et le secondaire en particulier. En effet, explique M. Belem, pour rendre caduque la mesure consistant à aller vers une gratuité réelle de l’éducation à travers une diminution progressive des frais de scolarité, des administratifs «véreux», avec la complicité de bureaux APE, ont institué des cotisations spéciales qui sont en passe de devenir une norme dans presque tous les établissements.
Aussi, la CNSE note que la distribution des manuels scolaires sur laquelle le gouvernement a organisé une campagne médiatique aux objectifs «douteux» se révèle aujourd’hui une «opération de duperie» des populations qu’autre chose. «Les classes qui ont été les mieux dotées disposent d’une dizaine de livres. Ainsi, dans une école primaire de Ouagadougou, sur un effectif de 476 élèves, cette école n’a reçu en tout et pour tout, que 101 livres toutes disciplines confondues», révèle M. Belem. Pour la dotation en vivres, la coordination note qu’en plus de la qualité «impropre» à la consommation relevée dans de nombreuses localités, les écoles ont été servies dans un désordre incroyable au point qu’au mois de novembre 2018, des directeurs d’écoles sont convoqués pour enlever, qui trois sacs de riz, qui dix sacs sans aucun autre élément d’accompagnement et cela en complément de vivres de l’année scolaire écoulée.
En conséquence, la CNSE informe les travailleurs de la tenue d'assemblées générales dans les régions du Centre le 5 décembre 2018, les Hauts-Bassins, le Nord, le Sahel, la Boucle du Mouhoun, l’Est, le Sud-Ouest, le Centre-Ouest le samedi 8 décembre 2018 pour donner sa position sur la mise du protocole et dégager les perspectives. Elle appelle par ailleurs, les travailleurs de l'éducation et de la recherche, en attendant la fin de ces AG, à suspendre toute forme d'évaluation pour compter du lundi 3 décembre 2018 à 24 heures. Elle fait remarquer que cette suspension des évaluations n'est qu'une mesure conservatoire en attendant d'autres actions fortes.