« Yaaba », c’est ainsi qu’on l’appelle, vu son âge avancé et son amour pour les bébés. Elle, c’est Agnès Thiombiano. Elle s’occupe de la consultation externe du service néonatologie à l’Hôpital saint Camille de Ouagadougou (HOSCO). Dans cette interview qu’elle nous a accordée lors de la Journée mondiale du prématuré le 17 novembre dernier, « Yaaba » parle des soins que le service néonatologie de l’HOSCO offre aux nouveau-nés et en même temps, elle montre comment les mamans doivent prendre soin des nouveau-nés.
« Le Pays » : Quelles sont vos tâches dans le service de la consultation externe ?
Agnès Thiombiano : Les nouveau-nés sont fragiles et vulnérables, ils doivent avoir une attention particulière. Dans ce service, nous surveillons la santé du nouveau-né après sa sortie de la néonatologie, notamment son alimentation, sa croissance et aussi la santé de la mère. Cette surveillance se fait de manière régulière sur des rendez-vous que nous donnons aux parents des nouveau-nés.
Y a-t-il une particularité d’enfants que vous recevez ?
En plus des nourrissons qui viennent de l’hospitalisation du service de néonatologie, nous recevons aussi des bébés venant d’ailleurs sans être orientés. Les mamans, souvent, pour des cas de maladie de nouveau-nés ou pour recevoir des conseils, nous consultent.
Depuis combien de temps êtes-vous à ce poste ?
Cela fait 43 ans que je suis au service de consultation externe de néonatologie de Saint Camille. J’ai été admise à la retraite en 2012, mais je continue d’exercer pour aider les mamans à bien prendre soin de leurs nouveau-nés.
D’où tirez-vous cette énergie, car vous êtes toujours au chevet des nourrissons malgré votre âge avancé?
C’est la vocation, car j’aime beaucoup les enfants et surtout les nouveau-nés et les prématurés. Je suis celle qui a créé l’unité de néonatologie en 1977 à l’hôpital Saint Camille, qui était d’ailleurs le seul service en son temps à Ouagadougou.
Y a-t-il un problème particulier de santé qui fait l’objet de consultation chez des enfants qui vous parviennent ?
Le problème de la néonatologie, c’est surtout au niveau de la croissance des nourrissons. Nous sommes chargés de voir le développement exact des bébés. Mais pour ceux qui viennent de l’extérieur, nous enregistrons de petites maladies telles que l’insuffisance de lait chez la nouvelle maman. Parfois, ce manque de lait chez la mère est lié à plusieurs fonctions, notamment le stress et le manque d’alimentation adéquate. Face à cela, nous prodiguons des conseils aux nouvelles mamans, surtout sur la manière de tenir le bébé et de s’asseoir pour que le lait vienne.
De nouvelles mères ainsi que vos collègues vous apprécient quant aux différentes qualités de soins que vous donnez aux nourrissons. Avez-vous un secret particulier dans ce sens?
Le secret, c’est l’amour du travail. Il faut convaincre les mamans à aimer leurs enfants et prendre soin d’eux. Les mamans sont parfois animées d’un manque d’attention et de communication envers leurs bébés. Or, ce sont des êtres avec qui il faut beaucoup communiquer. Il arrive que je parle à ces bébés qui me répondent avec des signes et gestes et cela étonne leurs mamans. Les nourrissons entendent ce que je leur dit et savent aussi que je les aime. Donc, voilà pourquoi quand ils viennent en consultation, ils recouvrent vite la santé. Il y a plusieurs manières de tenir et de dorloter un nouveau-né, mais si le bébé n’a pas la manière qu’il veut, il va toujours se plaindre. Donc, il faut toujours le comprendre, car l’enfant ne communique que par ses pleurs et gestes. Même au niveau de l’habillement, cela compte beaucoup pour les nourrissons. Il y a des mamans qui exagèrent dans l’habillement de leur enfant en leur portant trop d’habits lourds et cela les fait souvent transpirer et leur donne la fièvre.
Quelle est la tranche d’âge des enfants que vous recevez ?
C’est une tranche d’âge comprise entre 0 et 28 jours et au-delà, c’est la pédiatrie qui s’en occupe.
Comment se fait la consultation à votre niveau ?
Le service est ouvert tous les jours ouvrables, mais seulement les matins et la consultation des nourrissons fait 200F CFA et avec le carnet aussi qui coûte 200F CFA. C’est une somme minime que la direction de l’hôpital a fixée pour que tout le monde puisse avoir accès à la consultation. Mais il arrive que des femmes ne puissent pas payer ces frais de consultation et nous les prenons en charge.
Quel commentaire faites-vous de la célébration de la Journée internationale du prématuré ?
C’est une journée qui est la bienvenue, parce que le prématuré n‘était pas considéré parmi les autres enfants. Car il était effacé de la liste des enfants. Pour beaucoup même, c’est un enfant qui n’était pas viable. Des parents abandonnaient leurs bébés prématurés dans nos mains, parce que pour eux, ces bébés n’allaient pas survivre. Or, beaucoup de prématurés ont pu survivre et sont devenus des cadres et des pères et mères de famille.
Quel est l’état des lieux de la prématurité au niveau de votre hôpital ?
Ces derniers temps, il y a beaucoup de naissances prématurées. Mais compte tenu de la présence des services néonatologie dans d’autres centres, le besoin a un peu diminué. Sinon, il y a quelques années où Saint Camille était le seul hôpital qui en disposait et la demande était trop forte, des prématurés nous parvenaient parfois même de la sous-région.
Quelles sont les causes de la prématurité ?
Il faut noter les infections, la constitution de la femme, c’est-à-dire si le bassin de la femme est étroit et aussi si la femme enceinte fait des travaux pénibles. A côté de cela, il faut aussi ajouter les maladies telles que le paludisme.
Qu’est-ce qu’un enfant prématuré ?
C’est un enfant qui est né avant terme, c’est-à-dire avant 37 semaines. Dans ce cas, les organes de l’enfant ne sont pas encore matures et cela cause des problèmes notamment respiratoires.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Souvent, c’est la mise en pratique des conseils que nous donnons qui ne sont pas bien suivi par les mamans et souvent, c’est une difficulté à laquelle nous faisons face. Certaines mamans aussi ne disposent pas de lait pour leur nouveau-né et nous sommes aussi censés les aider avec des astuces.
Quel comportement doit-on avoir à l’égard d’un enfant prématuré ?
La mère d’un enfant prématuré ne doit pas être anxieuse. Il faut aussi que cette mère ait une bonne alimentation pour pouvoir disposer de lait maternel pour son bébé. Et toujours demander l’avis des services des agents de santé, face à tout problème.
Quelles sont les maladies auxquelles un enfant prématuré est exposé ?
Ces maladies sont souvent le rhume, les maladies respiratoires, les coliques, les infections urinaires et aussi le paludisme.
Un enfant prématuré a-t-il les mêmes chances de survie qu’un enfant normal ?
Bien sûr, car c’est un enfant comme tout autre. Un enfant prématuré peut vivre plus longtemps que celui normal. Et ce que les gens ne comprennent pas, c’est que le prématuré vaut mieux qu’un réanimé, car ce dernier à des séquelles par rapport au prématuré.
Un appel à lancer pour une meilleure prise en charge des enfants prématurés ?
Nous souhaitons que le personnel soit augmenté. Aussi faut-il des séances de sensibilisation et d’information à l’endroit des mamans, pour qu’elles prennent conscience de la prise en charge des nourrissons qui sortent de la néonatologie et nous invitons les mamans à donner le lait maternel suffisamment aux bébés.
Vous avez souligné plus haut que dans quelques jours vous irez en repos. Est-ce que vous n’allez pas avoir la nostalgie des bébés ? Et qu’est-ce que vous comptez faire durant ce temps de repos ?
Bien sûr que ces tout-petits vont me manquer. Mais j’ai un projet de création de centre de tout-petits où je m’occuperai de ces nourrissons pendant les heures de travail de leurs mamans et aussi ce sera un cadre de conseils aux nouvelles mamans pour la prise en charge de leurs nouveau-nés.
Autre commentaire à faire ?
Je vous remercie pour tout ce que votre journal fait comme traitement d’information dans le domaine de la santé. Ce que j’allais souhaiter, c’est que la prise en charge des nouveau-nés soit améliorée pour éviter les décès lors des naissances.