L’armée nigériane aura frappé un grand coup dans sa lutte contre Boko Haram. En effet, les services de renseignements du pays ont affirmé que le chef de la secte islamiste qui terrorise le Nigeria, Abubakar Shekau, ainsi que son numéro 2, Momodu Bama, auraient passé l’arme à gauche à la suite d’affrontements meurtriers avec des militaires. Si cette information venait à se confirmer, ce serait un coup dur pour le mouvement extrémiste qui n’a jamais eu de cesse de troubler le sommeil des autorités nigérianes, et de constituer un véritable sujet de préoccupation pour les Occidentaux. La mort de Abubakar Shekau, cet « illuminé » qui figurait sur la liste noire antiterroriste des Etats-Unis d’Amérique et dont la tête était même mise à prix (sept millions de dollars), serait une œuvre de salubrité publique, tant les islamistes, sous sa houlette, ont mis le Nigeria à feu et à sang. Mais l’armée ferait une grave erreur si elle dormait sur ses lauriers à la suite d’un tel succès. En effet, même si les deux principales têtes de l’hydre nigériane ont été tranchées, on imagine bien que des plaies béantes, pousseront encore d’autres têtes et qui sait, encore plus ravageuses.
C’est dire si le combat contre ces islamistes continue ! En tout cas, l’enjeu reste entier si l’on a à cœur de mettre hors d’état de nuire ce mouvement qui se sera illustré par sa cruauté et sa barbarie.
A tout le moins, il importe de réduire sa capacité de nuisance et de le pousser jusque dans ses derniers retranchements. Pour ce faire, il faudra que les autorités nigérianes, qui ont visiblement décidé de durcir le ton depuis un certain temps dans la gestion de ce dossier, ne relâchent pas un seul instant la pression. Il ne faudra pas lésiner sur les voies et moyens de contrer ces islamistes qui ne se sont jamais inscrits dans une logique de dialogue, eux qui ont constamment refusé la main tendue des autorités, refusé toute amnistie en leur faveur, arguant que s’il y a quelqu’un qui devrait accorder son pardon, c’est bien eux et non le gouvernement central.
Cela dit, si on est parvenu à cette avancée notable dans la lutte contre la secte, c’est en partie grâce à la mise en place de comités d’autodéfense dans les villages, laquelle a certainement contribué à compliquer la tâche à Boko Haram et à l’affaiblir. A présent, les forces de défense et de sécurité du pays se doivent de poursuivre la traque de ces djihadistes avec méthode et ténacité. Elles ne doivent pas leur laisser le moindre répit. Mais dans l’urgence, il importe que les autorités nigérianes s’emploient à gagner la bataille de la communication en apportant, au plus vite, la preuve de la décapitation du mouvement. Une telle confirmation pourrait avoir pour effet d’affecter psychologiquement la secte, et de démobiliser, un tant soit peu, ses troupes.
Mais le combat ne doit pas se limiter à la seule question militaire. Il importe que le Nigeria fasse plus d’efforts dans sa politique de lutte contre la pauvreté. On le sait, la forte implantation de Boko Haram dans certaines régions du Nord traduit, quelque part, un échec de la gouvernance, surtout économique, de l’Etat fédéral. Cette nébuleuse trouve en effet des adeptes dans les milieux défavorisés, recrute au sein des populations misérables. Les autorités nigérianes devront donc faire davantage d’investissements au profit des populations, opérer une meilleure distribution des richesses du pays, pour couper l’herbe sous le pied de ces vendeurs d’illusions.
Dans ce combat multidimensionnel qu’il mène contre Boko Haram, le Nigeria devra pouvoir compter sur le soutien de la communauté internationale. Car, il est notoire que cet extrémisme est contagieux et que ce mouvement peut gangréner toute la sous-région, voire plus, s’il trouve davantage l’occasion de se métastaser. C’est en cela que la part contributive du Cameroun surtout est attendue dans cette traque des islamistes. En effet, le pays de Biya, considéré comme la base-arrière de cette nébuleuse, est souvent accusé de laxisme. La récente prise en otage d’une famille de touristes français en est une preuve éloquente. Le Nigeria et le Cameroun gagneraient donc à intensifier leur collaboration dans ce combat, dans tous les sens du terme. En tout cas, s’ils veulent, à défaut de l’anéantir, réduire ce mouvement terroriste à sa plus simple expression, ils ne devront pas faire l’économie d’une forte synergie d’actions, y compris sur le plan du renseignement.