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SONABHY : ’’Ce qu’il faut éviter, c’est le blocage ’’, dixit le DG Hilaire Kaboré

Publié le mardi 6 novembre 2018  |  Sidwaya
SONABHY
© Autre presse par DR
SONABHY : ``Ce qu’il faut éviter, c’est le blocage ``, dixit le DG Hilaire Kaboré
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Le directeur général de la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY), Hilaire Kaboré, a accordé une interview à Sidwaya, le lundi 5 novembre 2018. Il a été essentiellement question de la situation financière difficile de l’entreprise et de l’approvisionnement du Burkina en produits pétroliers.

Sidwaya (S) : Comment se porte la SONABHY aujourd’hui ?
Hilaire Kaboré (HK) : Comme toute société, nous avons des défis et des enjeux. C’est notre raison d’être et nous devons poursuivre la réalisation des objectifs. Globalement, il y a certes des difficultés, mais elle se porte bien.

S : En quoi la hausse des cours du baril de pétrole sur le marché mondial impacte-t-elle la situation financière de l’entreprise ?

H K : Cette situation a des impacts sur la santé financière de la SONABHY. Au regard des différents mécanismes en place, c’est une hausse qui aurait pu être sans effet pour la société. Il est utile de rappeler certaines dispositions qui régissent la distribution des produits pétroliers dans notre pays, notamment celle relative à la tarification.

Les prix des produits pétroliers comme c’est le cas dans la plupart des pays, et dans la quasi-totalité des Etats de la sous-région, sont administrés, c’est-à-dire que les prix sont fixés par l’Etat au regard de l’importance du produit sur la vie socio-économique du pays et peut-être même plus. Au Burkina, les prix sont déterminés par un comité interministériel de détermination des prix des hydrocarbures (CIDPH) qui, chaque mois procède au calcul des prix applicables pour l’ensemble des acteurs dont la SONABHY est la plus impactée.

Le mécanisme des prix dans notre pays s’est fixé un certain nombre d’objectifs. Déjà, une révision périodique pour rester en phase avec l’évolution du marché pétrolier. C’est un mécanisme qui détache le prix d’importation de la facture d’achat de la SONABHY, une disposition essentielle pour mettre le consommateur à l’abri de tout abus de monopole. Donc les prix sont déterminés sur un ensemble de coûts qui sont fixés par le comité avec des éléments fournis par les différents acteurs du secteur.

Le plus important est que le poste d’entrée reste le poste d’importation. C’est sur la base des cours du marché que le prix est calculé. Donc la nature de l’importateur n’impacte pas le prix consenti au consommateur. Pour le cas du Burkina, depuis le premier trimestre 2017, les prix sont restés les mêmes à la pompe. Pendant ce temps, le mécanisme fonctionne et chaque mois, il est déterminé le prix qui devrait être appliqué.

Comme il s’agit de prix administrés, il appartient à l’Etat de décider du changement des prix ou pas. Le mécanisme d’ajustement opéré actuellement, c’est que quand l’Etat décide de ne pas impacter tout de suite les prix, il se dégage deux situations possibles. Si les prix de vente se trouvent plus hauts qu’ils devraient l’être, il y a des surplus qui sont générés et dans ce cas de figure, la SONABHY devrait les reverser à l’Etat.

Si les prix pratiqués se trouvent en dessous de ce qu’ils devraient être, là il se dégage des manques à gagner que l’Etat devrait reverser à la SONABHY. Il y a aussi des produits qui sont subventionnés et plus les cours sont hauts, plus les subventions accordées à ces produits sont élevées. En particulier, il s’agit des produits destinés à la production de l’électricité pour garder le kilowattheure à un niveau de prix acceptable pour le consommateur.

L’Etat décide d’un prix de cession que la SONABHY doit appliquer à la SONABEL. Par rapport au prix réel, il se dégage un écart qui constitue la subvention prise en charge par l’Etat. Sur le gaz, c’est le même mécanisme parce que vous constatez que le prix ne change pas même quand il évolue sur le marché. Dans le cas du prix à la pompe également, quand l’Etat décide de bloquer, il y a un écart qui est pris en charge.

De ce fait, normalement il n’y a pas d’impact sur la SONABHY. Mais il se trouve que l’Etat dans le même temps a aussi d’autres obligations qui font que le payement n’est pas toujours immédiat. Dans le cas présent, on a la situation sécuritaire, la mauvaise saison hivernale passée, les problèmes d’éducation,… Des investissements qui font que cet argent peut ne pas être payé à bonne date.

Quand c’est le cas, il y a un impact sur la trésorerie de la société puisque dans le même temps nous devrions continuer d’importer des produits pour assurer l’approvisionnement du marché. Quand les prix montent sur le marché mondial et que ce n’est pas accompagné d’une augmentation des prix à l’intérieur, la SONABHY doit trouver le moyen de gérer le gap en entendant que l’Etat soit en mesure d’exécuter le remboursement des subventions accordées.

S : Quels sont les scénaris envisagés pour améliorer la situation de la trésorerie, surtout que la tendance à la hausse des cours du pétrole pourrait se maintenir.

HK : Les perspectives ne sont pas très heureuses à la lecture des différentes analyses. La question de la hausse des coûts des produits pétroliers est d’actualité. Actuellement, le débat a court en France. En Afrique de l’Ouest, sur un produit comme le gasoil, le Burkina est le pays qui offre les prix les plus bas.

Mais pour combien de temps ? Est-ce que c’est soutenable ? Ce sont des questions, qui commencent à apparaitre surtout que la perspective d’une nouvelle baisse n’est pas encore très évidente.

C’est vrai que ça peut aller vite dans tous les sens, en fonction des évènements mondiaux, mais pour l’instant toutes les analyses tendent à dire que les cours pourraient continuer d’augmenter. Nous étions en 2016 à une moyenne d’environ 43 dollars le baril. Nous en sommes aujourd’hui à peu près à 80 dollars.

Donc du simple au double et bien entendu, les coûts des produits raffinés suivent ceux du baril, dans la mesure où ce sont des produits extraits du pétrole. Quelles sont les mécanismes envisagés ? Cela va se faire selon la capacité des Etats. La réalité est que le Burkina est un pays importateur de produits pétroliers, et que nous ne pourrons pas importer les produits hors du prix du marché.

On va avoir des coûts d’importation qui vont éventuellement se renchérir. Qu’est-ce qu’on fait pour acheter cher et vendre moins cher ? C’est la question à laquelle, on doit faire face. Il y a beaucoup de techniques, mais qui ne peuvent pas faire des effets immédiats. On peut imaginer des mécanismes de stabilisation pouvant être des fonds abondés pendant les baisses et qui pourront servir en période de hausse.

On peut aussi trouver les moyens de soutenir les consommateurs, mais cela est beaucoup plus invraisemblable, dans la mesure où les moyens des Etats sont limités. C’est vrai que les produits pétroliers sont des produits de grande consommation qui impactent la vie socioéconomique des Etats, mais ce ne sont pas les seuls produits. Il y a aussi d’autres besoins à couvrir, qui font qu’on se demande jusqu’où peuvent aller les Etats en matière de protection des prix.

Ce sont des questions d’intérêt. Dans les années antérieures, il y a eu des mécanismes de péréquation, qui n’ont pas prospérer, mais peut-être que la façon de faire peut être réexaminé pour voir si on peut avoir un coussin qui permette de répercuter partiellement les hausses. Mais cela dépend des Etats.

La plupart des Etats administrent les prix des produits pétroliers pour se donner les moyens de bâtir les systèmes qui les conviennent. Sans oublier que les impacts sur les autres produits sont souvent assez rapides. Même si ce n’est pas toujours compréhensible. Dans le cas du Burkina, les cours des produits ont été assez hauts jusqu’en 2014. Le litre du gasoil est monté jusqu’à 656 francs CFA.

Quand ça arrive à la hausse, en général le transport s’ajuste. Et avec la répercussion sur les autres circuits commerciaux. Mais quand les prix ont baissé, on n’a pas observé cette même tendance. Quand les prix vont repartir à leur niveau antérieur, si on n’y prend garde, on peut encore constater des tentations de remontée, qui ne sont certainement pas justifiées du point de vue d’une évaluation solide, mais qui font partie des réflexes des consommateurs. Ce qui fait, que la question de la stabilisation est une question centrale en matière des prix des produits pétroliers.

S : Quelles sont les dispositions prises pour assurer l’approvisionnement du pays en produits pétroliers ?

H K : Dans la situation présente, nous avons des besoins de trésorerie. Je remercie le secteur bancaire au Burkina qui fait confiance à la société pour soutenir ses importations pendant qu’elle attend de se consolider à nouveau. Aujourd’hui, c’est principalement au moyen des recours bancaires que nous assurons l’importation.

S : Quelle est l’évolution des volumes importés au Burkina ?

HK : Les importations, ces dernières années, sont à la hausse. 2017 en comparaison à 2016, c’est une augmentation globale de l’ordre de 18%. Nos efforts ces derniers mois dans le cadre de la lutte contre la fraude a aussi pu booster un tant soit peu la consommation. De 2017 à 2018, la situation en fin septembre est de l’ordre de 11%.

Un peu moins que 2017 parce que les effets de la lutte contre la fraude ont été constatés en 2017. Mais, comme ce n’est pas un mécanisme qui se duplique, l’on peut comprendre que la progression soit un peu moins forte. Mais à 10%, nous pensons que c’est une très forte augmentation. Les taux courants que nous connaissions dans la sous-région se situent autour de 6 à 8%.

S : En quoi le monopole de l’importation des produits pétroliers permet-il à l’Etat d’avoir une meilleure prévision de recettes ?

H K : La SONABHY bénéficie d’un régime particulier au niveau des secteurs des douanes qui fait que les produits ne sont pas dédouanés à l’arrivée, mais à la vente. Du coup, nos dépôts sont considérés comme des magasins sous douane.

Donc, toutes les importations qui arrivent sont déclarées en entrée par la SONABHY et viennent s’ajouter à nos stocks. Toutes les ventes sont aussi déclarées par la SONABHY par tous les secteurs de distribution, c’est-à-dire, les 70 ou 80 sociétés de distribution. C’est à la SONABHY, qu’il revient de déclarer à la douane tous les 10 jours, les quantités achetés par chacun de ces sociétés et les montants de droits que ces sociétés doivent payer à l’Etat.

Il y a deux cas de figure. Nous avons des sociétés de distribution qui achètent à la SONABHY en toutes taxes, et c’est à la SONABHY de payer à la douane, les droits et taxes des ventes de ces sociétés. Il y a des sociétés qui sont reconnues par la douane et ont mis en place des mécanismes de sécurisation nécessaire au niveau de la douane.

Lorsque, nous déclarons, les services de douane éditent des bulletins de liquidation pour ces opérateurs qui font face à leurs factures. Comme, c’est la SONABHY qui déclare tous les mouvements de produits, l’administration des douanes est totalement sécurisée sur la totalité des sommes qui lui sont dues.

Il y a une tenue de gestion des stocks entre la SONABHY et la douane qui permet de s’assurer que toutes les ventes ont été déclarées. Mieux, le système a été renforcé. La douane est présente dans nos dépôts. Elle suit avec nous, toutes les livraisons à destination du marché. Lorsqu’une société de distribution vient se faire servir, elle nous apporte un bon de commande. Nous lui établissons un document de chargement.

Mais avant que nos services acceptent de charger le produit dans le camion, le document doit être visé par la douane, qui a l’opportunité d’enregistrer l’opération en cours de réalisation. Ainsi, en fin de période, elle a tous les moyens de s’assurer que les produits pétroliers mis sur le marché ont fait l’objet de déclaration en douane. Cela permet une sécurisation de la collecte des recettes.

S : Quelle est la situation de la qualité des produits proposés sur le marché burkinabè ?
H K : La qualité, c’est l’autre volet que la centralisation des importations permet d’assurer. Nos importations arrivent dans les ports côtiers.

Et, il y a dans nos principes d’achat et dans nos contrats un contrôle de qualité assuré par un inspecteur indépendant. Et, les charges sont totalement imputables à la SONABHY ou repartie entre la SONABHY et son fournisseur. S’il y a des écarts ou des suspicions d’écarts, l’analyse sera approfondie.

Mais s’il n’y a pas d’écarts ou de suspicions d’écarts, le produit est déchargé. Maintenant, le produit qui est dans nos bacs et constitue nos stocks fait l’objet de contrôle régulier. Et tous les dépôts de la SONABHY disposent de laboratoires en leurs seins où l’on fait des contrôles plus approfondis.

Tous les corps de contrôle au Burkina peuvent disposer de la qualité des produits que la SONABHY sert. Ce qui leur permet, au dernier contrôle effectué par les sociétés ou les corps de contrôle, de s’assurer que les produits servis à la station restent conformes à ceux livrés par les dépôts de la SONABHY. Sur toute la chaine, il y a un contrôle permanent de la qualité des produits.

Cela permet de réduire les problèmes de qualité des produits mis à la consommation. Nous pouvons affirmer que nous ne rencontrons pas de grandes difficultés en matière de qualité des produits. Il faut distinguer très clairement cet aspect de la qualité, du processus de suivi de la qualité de l’aspect spécification.

Celle-ci renvoie plutôt à un référentiel : le niveau de qualité que l’on décide de faire. A ce niveau c’est beaucoup plus complexe. Car nous importons à travers d’autres pays. Cela peut nous imposer des niveaux de qualité que nous ne pouvons pas franchir. Si nous le faisons, nous allons importer des produits de très bonne qualité qui seront dilués dans des produits de moindre qualité.

Cela constitue un surcoût pour le consommateur qui n’est pas justifié, puisqu’au final c’est le produit mélangé qui sera servi. Au niveau spécification, il y a un besoin d’une certaine harmonisation avec les pays par lesquels nous importons. Mais une fois que le référentiel est défini, son application est rigoureusement suivie.

S : En termes d’investissements quel est votre plan aujourd’hui pour adapter vos infrastructures aux besoins du marché ?

HK : C’est une question importante pour la SONABHY. Ces derniers temps, le marché pétrolier n’a pas été favorable aux pays importateurs comme le Burkina. Cela a induit des difficultés financières pour la SONABHY comme nous venons d’en parler. Et de ce fait, beaucoup d’investissements nécessaires ont été différés à tel point que nous sommes engagés aujourd’hui dans un programme d’investissements d’urgence qui se chiffre à environ 100 milliards de francs CFA.

La première étape, l’adaptation des dépôts existant à la consommation du pays. Récemment, nous avons mis en exploitation une ligne d’emplissage de bouteilles de gaz. Nous allons engager incessamment l’extension du dépôt de Bingo pour porter sa capacité à 2,5 fois de sa capacité actuelle.

Au niveau du gaz, nous pensons faire la même extension, dans les mêmes proportions. Nous allons ajouter autant que nous en avons actuellement, sinon un peu plus. Nous allons poursuivre également le renforcement des lignes d’emplissage de bouteilles de gaz. Du côté de l’Ouest, nous avons inauguré un nouveau dépôt qui ne comporte que la partie gaz butane. Nous sommes en pleine étude, les cabinets d’ingénierie ont déjà été commis pour désigner un nouveau dépôt de produits liquides.

Les activités du dépôt de Bobo seront totalement transférés sur ce nouveau site qui sera beaucoup plus agrandi, plus en sécurité parce que l’emplacement actuel du site de Bobo n’est pas très approprié. Nous sommes dans la zone industrielle avec pour voisin des activités qui ne sont pas compatibles avec l’exploitation des produits pétroliers.

Dans une seconde phase, et cela est hors du programme d’urgence, nous envisageons une certaine déconcentration de nos installations pour rapprocher nos produits des zones de consommation pour certains cas. Pour ce qui concerne le gaz, nous ferons en sorte que les bouteilles voyagent moins, que nous puissions amener le gaz vers les consommateurs à l’intérieur du pays.

(S): La situation de la trésorerie de la SONABHY est-elle tenable, notamment avec la hausse du prix du baril et des subventions de l’Etat sur les produits pétroliers ?

H.K : La situation n’est pas tenable, dans la mesure où les écarts entre les prix et les subventions, connus pour le gaz et la SONABEL, font un stock important si bien que nous avons recours aux banques pour le financement de nos importations. Mais la confiance que les institutions bancaires nous ont accordée a certainement ses limites.

Ce qu’il faut éviter, c’est le blocage. Parce que dès lors que les banques ne pourront pas ou ne voudront plus nous accompagner pour nos importations, il va se poser le problème de la poursuite de l’importation. Toutefois, il ne faut surtout pas donner l’alerte sur le marché qu’il y a un défaut de paiement du fournisseur ou de retards de paiement au-delà des impacts directs sur la qualité d’importateur que nous sommes.

Ce qui pourrait avoir des impacts directs sur nos conditions d’achats, sur les prix auxquels nous importons et in fine l’on peut craindre de ne plus pouvoir importer. Des pays pas loin du Burkina Faso connaissent déjà des difficultés d’approvisionnement. Certains ont des ruptures de produits pétroliers en ce moment, qu’il s’agisse des pays libéralisés ou sous monopole dans l’importation.

Du reste, les problèmes d’approvisionnement arrivent plus vite dans un pays à système libéralisé parce que le secteur privé ne peut supporter aussi longuement des tensions de trésorerie, car elles sont couteuses.

Ce que l’on peut craindre de la situation actuelle, que la SONABHY puisse maintenir sa capacité à continuer d’approvisionner le marché. Or, sa mission est celle sur laquelle, il ne faudrait pas faire défaut.

Entretien réalisé par
Joseph HARO
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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