Ses communications téléphoniques avec le général Djibrill Bassolé et des officiers militaires ivoiriens, la mobilisation des fonds au profit de soldats de l’ex-RSP. Ce sont, entre autres, points sur lesquels Fatoumata Thérèse Diawara a été interrogée le lundi 29 octobre 2018, devant le tribunal militaire.
Accusée de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et complicité de trahison, Fatoumata Thérèse Diawara a-t-elle voulu mobiliser de l’argent auprès du général Djibrill Bassolé pour inciter les éléments de l’ex-RSP à résister à l’armée loyaliste? A-t-elle été en intelligence avec des officiers de l’armée ivoirienne pour engager des troupes sur le territoire burkinabè ? Ces deux questions étaient au cœur des débats entre les différentes parties au procès du putsch, le lundi 29 octobre 2018. Pour le parquet, l’accusée a été informée par son ex-compagnon, le fils du général Gilbert Diendéré, que les ex-militaires du RSP avaient des difficultés financières et elle a, le 29 septembre 2015, contacté le général Bassolé pour qu’il leur vienne en aide. Mais l’officier n’a pas pu apporter son soutien, car arrêté une heure seulement après l’appel téléphonique. Les parquetiers sont convaincus que dans la mesure où les militaires de l’ex-RSP étaient censés rejoindre leur nouveau corps d’affectation, la mobilisation d’argent visait à les encourager à persévérer dans le putsch. Cela d’autant plus que l’accusée elle-même est confuse dans ses déclarations, parlant tantôt d’aide aux militaires tantôt d’un geste au profit de leurs familles. « Vos propos montrent que vous réfutez la réalité », a fait observer la partie poursuivante. « Les militaires allaient être attaqués. Ils ne savaient pas ce que l’avenir leur réservait. Ils ont demandé l’aide pour leur famille. », s’est expliquée dame Diawara, qui a précisé que chacune desdites familles devait recevoir 25 000 francs CFA.
La question des communications téléphoniques a aussi été débattue. Sur ce, dame Diawara, qui a déclaré qu’on lui attribue un numéro qui n’est pas le sien, a été confrontée à la qualification de « montage » qu’elle donne aux transcriptions desdites conversations. « C’est la première fois que l’accusée parle de montage, pas auparavant en instruction ni devant la chambre de contrôle. Qui a monté cela contre vous et pour quelles raisons ? », a questionné le parquet. « A vous de me dire car je ne sais pas d’où viennent les retranscriptions. Du reste, nul ne sait où ses ennemis se cachent », a laissé entendre l’accusée. A sa décharge, son conseil Me Seydou Roger Yamba a soutenu qu’entre l’audio et les transcriptions, on peut dénaturer beaucoup de choses. Par ailleurs, à ses dires, c’est en dehors de toute expertise que le parquet estime que la voix dans l’élément sonore est celle de sa cliente. Pour sa part, Me Guy Hervé Kam de la partie civile a fait comprendre que dame Diawara reconnaît avoir effectué des communications, mais refuse de dire ce qui serait faux dans la version écrite des échanges.
«Je n’étais pas dans
un bon état d’esprit»
Selon l’accusation, Diawara aurait, par ailleurs, communiqué avec le colonel Zakaria Koné, le général Bakayoko et un troisième officier, tous des militaires ivoiriens. Dans la communication, il serait question d’attaques de camps, de destructions de chars, de la prise de Conseil de l’entente et de la RTB. Sur ce point, les avocats de la défense ont estimé que leur cliente n’a aucune qualification pour faire déployer des troupes étrangères au Burkina Faso et que ses interlocuteurs ivoiriens ne sont pas les personnes pouvant autoriser une telle opération. Au cours de l’audience, il a aussi été question d’échange de SMS entre la prévenue et son partenaire d’affaires sénégalais, Malal Dia, qui aurait écrit entre temps « Rappelle-moi, je vais coordonner ton exfiltration » et plus tard « J’ai demandé au président Macky Sall de sécuriser Fatou ». A l’interrogation du parquet, dame Diawara a expliqué que M. Dia a fait une « plaisanterie de mauvais goût » et que la nommée Fatou, c’est elle-même et non l’épouse du général Diendéré.
Après elle, c’est Lamine Oumar Sidi qui a été appelé à la barre. Né en 1987 à Tombouctou au Mali, célibataire sans enfant, il est poursuivi pour incitation à la commission d’attentat à la sûreté de l’Etat. « Je ne reconnais pas les faits », a-t-il rétorqué. Mais le tribunal n’aura pas le temps de l’entendre. Ses conseils Me Zaliatou Aouba et Michel Traoré ont relevé des irrégularités dans le dossier de leur client. Me Aouba a indiqué que M. Sidi, qui est un civil, est accusé d’incitation alors qu’il est devant le tribunal pour répondre des faits de complicité d’attentat. C’est pourquoi elle a demandé au tribunal de se déclarer incompétent pour le juger. Le parquet dit ne pas comprendre que c’est à cette étape de la procédure que les avocats soulèvent cette incompétence du tribunal. Par conséquent, il demande de déclarer irrecevable cette exception soulevée. Quant aux avocats des parties civiles, ils ont demandé une suspension d’audience pour mieux examiner le mémoire de la défense. Le parquet a aussi annoncé le décès par accident de l’accusé Médanimpo Lompo et dont l’inhumation est prévue ce mardi à 15h. L’audience, elle, reprend à 9h mais sera suspendue à 13h, à cet effet.