Procès du putsch manqué: Salifou Sawadogo affirme avoir milité pour l’inclusion et non pour le coup d’Etat
Ouagadougou, 25 Octobre 2018 (AIB)-L’ex 4e vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex parti au pouvoir) Salifou Sawadogo a encore nié mercredi devant le Tribunal militaire de Ouagadougou, tout soutien au putsch de septembre 2015 mais affirmé avoir plutôt œuvré à l’inclusion et à la sécurité des militants de son parti.
« Ce qui nous a amené à nous réunir, ce n’était pas pour soutenir le putsch que je condamne. Ce qui m’a animé, c’était la sécurité de nos militants ainsi que l’inclusion que j’ai défendue avant même le putsch», s’est de nouveau expliqué mercredi Salifou Sawadogo.
L’accusé se défendait face aux propos du parquet militaire qui a affirmé qu’il a soutenu le coup d’Etat en mobilisant les jeunes de son parti au rond-point des martyrs comme affirmé par Noel Souwerma et Conombo et il a utilisé une partie des sommes reçues pour l’alimentation de ces militants.
Dès l’annonce officielle de la prise du pouvoir par le conseil national de la démocratie (CND), le 17 septembre 2015 matin, des militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) se sont rassemblés au rond-point des martyrs pour apporter leur soutien aux nouvelles autorités.
Selon le secrétaire provincial du CDP du Kadiogo Noel Souwerma, dont les propos ont été rapportés par le parquet militaire, ils se sont rassemblés sur instruction de Salifou Sawadogo qui était le 4e vice-président du CDP.
Devant la barre du Tribunal militaire de Ouagadougou mercredi, Salifou Sawadogo ne reconnait pas avoir instruit quelqu’un pour un quelconque rassemblement au rond-point des martyrs.
Pourtant, a rappelé l’avocat de la partie civile Me Guy Hervé Kam, l’accusé et Noel Sourwerma ont échangé trois fois par téléphone dans l’après-midi et la soirée du 16 septembre 2015.
«Je ne sais plus de quoi nous avons parlé mais je n’ai pas instruit Noel pour une mobilisation», a-t-il affirmé.
«Pourquoi avez-vous choisi le rond-point des martyrs qui est excentrique de la ville pour la tenue de vos rassemblements ?», a questionné Me Guy Hervé Kam.
«Je ne saurai le dire. Il faut le demander à Noel qui a eu l’initiative du rassemblement mais j’imagine que c’est parce qu’on n’avait plus de siège (il avait été brûlé)», a répondu l’accusé.
Cette réponse n’a pas satisfait l’avocat de la partie civile Me Guy Hervé Kam qui a estimé que le choix du rond-point des martyrs est du à sa proximité de Kossyam où était basé le Régiment de sécurité présidentiel (RSP), favorable au CDP.
Salifou Sawadogo a reconnu avoir reçu respectivement les 16 et 22 septembre 2015, les sommes de 10 millions et de 20 millions des mains du 1er vice-président du CDP Achille Tapsoba.
De l’avis de l’avocat de la partie civile Me Guy Hervé Kam, les 10 millions ont servi à mobiliser les militants du CDP pour soutenir le putsch et les 20 millions ont servi à mobiliser les mêmes militants pour la seconde venue des chefs d’Etats de la CEDEAO le 24 septembre 2015 et montrer à ceux-ci que le putsch est soutenu.
Mais pour l’accusé, cette interprétation des faits n’est pas juste. Selon ses dires, il a reçu les 10 millions pour motiver les militants à sécuriser les domiciles des responsables du parti.
Quant aux 20 millions, ils ont été partagés aux militants pour leur permettre de célébrer la fête de Tabaski qui était prévue le 24 septembre 2015.
Me Guy Hervé Kam trouve curieux qu’au moment où se déroule un coup d’Etat, dans un contexte d’incertitude que la direction du CDP distribue de l’argent à ses militants pour leur permettre de célébrer la fête de Tabaski.
«Vous êtes partis sur une voie qui peut ternir votre défense » a déclaré l’avocat à l’accusé.
« Pourquoi l’argent n’a pas été remis au secrétaire à la sécurité de votre parti et non à vous qui n’étiez pas chargé de cette responsabilité ? » a demandé Me Guy Hervé Kam.
«Le rôle du secrétaire à la sécurité est de concevoir la politique sécuritaire du parti et la suivre. Ici nous avons une affaire opérationnelle et pour cela, on désigne quelqu’un pour le faire», a répondu l’accusé.
Face aux insinuations de Me Guy Hervé Kam, l’avocat de l’accusé Me Roger Yamba s’est interrogé.
«En quoi recevoir l’argent pour la sécurisation est une infraction ? D’autant plus que tous ceux qui ont reçu l’argent de sa part, n’ont pas dit qu’ils l’ont utilisé à soutenir le putsch», a-t-il affirmé.
Me Roger Yamba, a déclaré que «tout au long de la procédure, il n’a jamais été question que Salifou Sawadogo ait mené une concertation avec d’autres personnes pour changer violemment le régime».
«Mon client ne se reconnait pas dans les faits d’autant plus que les faits ne reconnaissent pas mon client en son sein»; a-t-il conclu.
Salifou Sawadogo est poursuivi pour trois chefs d’accusations à savoir complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre sur 13 personnes et coups et blessures sur 42 personnes. Il a plaidé non coupable.
Son audition devant le Tribunal militaire de Ouagadougou démarrée le mardi a pris fin ce mercredi.