La xve édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) se tiendra, du 26 octobre au 4 novembre 2018 dans la capitale burkinabè. Dans cette interview accordée à Sidwaya, le lundi 22 octobre 2018, le DG du salon, Dramane Tou, assure que tout est fin prêt pour accueillir les 250 acheteurs professionnels, 3500 exposants et 300 000 visiteurs attendus. Il dévoile en outre les activités au programme ainsi que les innovations introduites cette année.
Sidwaya (S): La xve édition du SIAO ouvre ses portes dans quelques heures. Est-ce que le comité d’organisation est fin prêt ?
Dramane Tou (D.T.) : Le comité d’organisation a mis les petits plats dans les grands pour présenter une xve édition du SIAO la belle plus possible. Nous sommes prêts, mais une œuvre humaine n’étant jamais parfaite, nous pensons qu’il peut y avoir quelques éléments à rattraper.
S. : Quelles sont les activités au programme ?
D.T. : En termes d’activités prévues, Il y a d’abord la cérémonie officielle d’ouverture qui se tiendra le 26 octobre 2018 sous le très haut patronage du Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Il sera accompagné de la gouverneure générale du Canada, Julie Payette, qui vient soutenir l’artisanat du continent, le développement. Cette cérémonie est placée sous le parrainage du président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé et la présidence d’honneur du président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, Mahamadi Savadogo. Pendant les dix jours du salon, il y aura des expositions-ventes dans les pavillons d’exposition, l’espace gastronomique pour tous ceux qui veulent se restaurer. Des animations-podium avec des artistes de renom aussi bien de la musique traditionnelle que moderne sont au programme. Nous aurons aussi un atelier-séminaire, qui va se tenir du 29 au 31 octobre, dans la salle de conférence du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération. En outre, il est prévu la journée du pays invité d’honneur dénommée Madagascar Day, au cours de laquelle nous allons magnifier l’artisanat et la culture malgache. Nous aurons la Nuit de l’artisan méritant (NAM) qui tient lieu de cérémonie officielle de clôture du salon, le samedi 3 novembre 2018. Les artisans, qui se seront distingués par leur talent et leur créativité aux yeux du jury international mis en place, seront récompensés à cette occasion.
S. : Le thème de cette édition est : « Artisanat africain, exigences du marché et développement technologique ». Quels sont les objectifs recherchés à travers cette thématique ?
D.T. : Nous avons constaté premièrement que si le secteur de l’artisanat progresse en Afrique, il fait face néanmoins à un certain nombre de défis notamment l’usage des Technologies de l’information et de la communication (TIC), et des nouvelles technologies de production pour être plus compétitif. Par exemple, ceux qui travaillent les cuirs et peaux à Kaya ont expliqué la pénibilité qu’ils avaient il y a dix ou quinze ans de cela pour coudre un sac et faire une ceinture. Ils faisaient la coupe et la couture à la main, ne produisant ainsi qu’une seule ceinture en un ou deux jours. Aujourd’hui, il y a des machines adaptées à cela et ces artisans peuvent produire quotidiennement une cinquantaine de ceintures. Nous avons donc choisi ce thème afin qu’ensemble, les acteurs puissent réfléchir à comment profiter de la magie qu’offrent les TIC, connaître les besoins des consommateurs à travers le monde, réduire la pénibilité du travail, et produire les quantités désirées par les acheteurs professionnels, tout en respectant les normes de qualité et les délais de commande. En effet, grâce à ces outils, les artisans peuvent présenter leurs produits au monde entier à travers des galeries virtuelles. Ils peuvent faire le e-commerce, rester chez eux, vendre un produit, l’envoyer chez le consommateur et recevoir l’argent via la monnaie électronique, sans bouger d’un iota. En plus, les TIC peuvent aider les artisans à faire des productions de qualité, afin de satisfaire les besoins des consommateurs qui sont de plus en plus exigents. Le thème va donc nous permettre de présenter les expériences réussies des pays en matière de nouvelles technologies de production. En un mot, les réflexions permettront de créer des entreprises artisanales pourvoyeuses d’emplois et de richesses pour le pays.
S. : Quelles sont les innovations du SIAO 2018 ?
D.T. : Nous mettons un point d’honneur à capitaliser les innovations qui ont marché et à en introduire de nouvelles à chaque édition. Cette année, nous avons une batterie d’innovations. Nous avons mis en place des points de vente des tickets d’entrées et de badges d’accès permanents dans plusieurs coins de la ville de Ouagadougou. Il s’agit des supers marchés, des stations-services, des box et des maisons Orange money express. Cela va permettre de réduire les files d’attentes et les embouteillages devant le SIAO. Cette innovation fait suite à l’initiative prise en 2016 de vendre des tickets à travers le mobile money. Une autre nouveauté est la création du concept: « Je m’engage pour l’artisanat africain ». Il consiste à organiser des visites guidées pour les personnalités du pays et les amis du Burkina Faso. Nous voulons que ces personnes découvrent l’artisanat dans toutes ses facettes et les 110 corps de métier du secteur. Au-delà du fait que la meilleure connaissance du secteur peut aider à prendre des politiques publiques plus adressées à l’endroit des artisans en terme de soutien et d’accompagnement, ces visites vont booster les achats car les autorités ont un pouvoir d’achat assez considérable. Le troisième avantage de cette innovation est qu’elle nous permettra de présenter des success stories, de mettre en lumière des gens qui emploient des centaines de personnes grâce à l’artisanat qui fait partie des secteurs d’activités les plus inclusifs qui créent rapidement une valeur ajoutée. Cela va donner des idées de création d’entreprises à bien de jeunes qui vont comprendre qu’il y a des alternatives parfois meilleures que le travail de bureau. Une autre innovation fondamentale est la mise en place d’un espace dénommé pool des régions du Burkina Faso. Elle a été implémentée en 2016 mais cette année, nous avons ajouté un surplus. Nous avons, sur orientation du ministre en charge du commerce, donné un stand climatisé de 9m2 à chaque région. C’est une occasion d’aider les artisans burkinabè à se familiariser avec les grandes expositions et à conquérir les foires et salons internationaux. Nous allons mettre aussi dans chaque pavillon d’exposition des « points I » où les exposants et le public auront toutes les informations qu’ils souhaiteront avec moins de perte de temps, car ils n’auront pas besoin de quitter leur pavillon pour sillonner les couloirs de l’administration. Il y a plein d’autres innovations qui ont été prises pour faciliter la tâche aux participants.
S. : Qu’est-ce qui justifie le choix de Madagascar comme pays invité d’honneur ?
D.T. : Madagascar a été choisi pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est à cause des bonnes relations diplomatiques que nous entretenons avec ce pays, que le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré l’a choisi. En plus, l’île a de très bons produits artisanaux bien finis et diversifiés. Ceux qui feront un tour dans leur stand seront ébahis. Le SIAO étant un salon qui doit continuer à grandir, à offrir à son public les meilleurs produits qui soient, le président du Faso a estimé qu’au regard de la qualité des produits artisanaux malgaches, il est intéressant que les artisans de ce pays se brassent avec ceux des autres pays. L’autre argument, Madagascar est une grande île qui relève certes de l’Afrique mais qui ne connaît pas bien le SIAO tout comme les pays qui l’entourent. Donc la communication qui sera faite dans ce pays et ici, aidera les Malgaches et leurs voisins à mieux connaître le salon. Ce qui pourrait augmenter les participations aux prochaines éditions avec des produits nouveaux.
S. : D’aucuns trouvent que les prix des stands sont exorbitants, excluant du même coup de nombreux artisans. Que leur répondez-vous ?
D.T. : Nous comprenons leurs préoccupations, car la mobilisation d’argent pour payer un bien ou un service n’est pas toujours aisé. Mais nous estimons que ce reproche est assez relatif en comparaison avec les prix exigés dans d’autres salons sur le continent n’ayant pas l’envergure du SIAO, leader mondial dans la promotion de l’artisanat africain. L’autre élément est que nous avons des foires et salons hors du continent qui ne font pas mieux en termes de possibilités de vente de produits, mais qui sont trois à quatre fois plus chers que le SIAO. Les stands de 9m2 du SIAO coûtent 300 000 F CFA quand ils sont ventilés et 700 000 F CFA pour les climatisés. Les stands sont à 1 000 000 F FCA pour les pays africains, 1 500 000 pour ceux qui sont hors du continent, et 2 000 000 F CFA pour les institutions. Objectivement, nous pensons qu’étant donné que le SIAO est une biennale, si les artisans commencent à préparer l’édition prochaine dès la fin de la précédente, ils peuvent supporter les coûts et participer sans problème au salon. Qu’à cela ne tienne, pour donner plus de possibilités à chaque région de présenter ses produits, de les vendre, d’avoir des contacts avec des acheteurs professionnels, de se faire mieux connaître, on a institué les stands des régions. En plus, le gouvernement a demandé au SIAO de développer de nouvelles initiatives à l’endroit des artisans nationaux pour qu’entre deux éditions du salon, il y ait une activité. C’est dans ce cadre, que la première édition du Salon régional de l’artisanat s’est tenue du 16 au 20 novembre 2017 à Bobo-Dioulasso. La deuxième édition aura lieu en octobre 2O19 dans une autre région du pays.
S. : Certains artisans se plaignent du fait que des professionnels se font de plus en plus rares au SIAO. Qu’est-ce qui a été fait pour remédier à cette situation ?
D.T. : Dire que les professionnels se raréfient au SIAO n’est pas juste. Les chiffres des éditions précédentes le démontrent à souhait. En 2016, nous avons enregistré plus de 300 acheteurs professionnels, un chiffre-record jamais atteint. Leur nombre était plus élevé en 2014 qu’en 2012. Toutefois, le problème posé par des acheteurs professionnels est que la création des artisans africains n’évolue pas au rythme qu’ils souhaitent. Ils peuvent découvrir un produit et cinq éditions après, ce sont pratiquement les mêmes œuvres qui sont produites, surtout en ce qui concerne la sculpture, les tableaux peints, certains modèles de coupe. Ils se disent qu’ils n’ont plus besoin de venir au salon et se contentent de passer des commandes avec des artisans déjà identifiés. Pour que les acheteurs professionnels aient envie de venir, il faut qu’ils soient rassurés d’avoir de nouvelles créations. Ils ont donc invité les artisans africains à innover. Pour cette année, c’est la crainte sécuritaire qui a été évoquée au regard du contexte national et sous régional. Face à cela, nous leur avons dit qu’il n’y a pas un lieu au monde ou quelqu’un peut être sûr d’être en sécurité à 100% vu la guerre que les barbares mènent contre les populations même dans les pays très développés. Nous invitons donc les uns et les autres à faire confiance au Burkina Faso qui a une forte capacité d’organisation des grands événements sécurisés et à faire le déplacement de Ouagadougou.
S. : Des dispositions particulières ont-elles été prises pour la sécurisation de l’évènement ?
D.T. : Le Burkina Faso a pris les dispositions nécessaires dont il a le secret pour sécuriser l’évènement. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont assuré avec maestria la sécurité du salon en 2016. Cette année, ils ont rehaussé le niveau de sécurisation du salon, et toute personne qui viendra au salon, repartira en bonne santé chez lui conformément à l’engagement pris par le chef de l’Etat. En plus, de nouvelles portes ont été ouvertes pour fluidifier les entrées et les sorties qui se feront à des endroits différents. Le SIAO 2018 sera un salon sécurisé pour tout le monde. Cela est à l’honneur des autorités. Et les artisans saluent le pari d’organiser le plus grand salon mondial de promotion de l’artisanat africain, malgré la modicité des moyens du pays.