Dans cette déclaration dite de « rentrée », l’Union générale des étudiants burkinabè (Ugeb) diagnostique les conditions d’études des étudiants dans ce contexte de reprise des activités académiques dans les universités publiques et privées du Burkina. Et selon son constat, « l’Etat s’est désengagé du secteur de l’éducation conformément aux injonctions des institutions financières internationales»
Camarades étudiantes et étudiants,
Depuis le 1er Octobre 2018, les étudiants du Burkina Faso ont repris les activités académiques. C’est le lieu pour l’UGEB de souhaiter une bonne rentrée académique à tous les étudiants des universités et instituts d’enseignement supérieur privés de notre pays. Aux étudiants des universités publiques de notre pays confrontés au chevauchement des calendriers universitaires, elle leur souhaite une bonne reprise des activités académiques. Quant aux nouveaux bacheliers qui attendent d’être orientés dans les différentes filières avant d’effectuer leur rentrée, elle leur adresse ses vives félicitations pour leur admission au BAC.
En ce début d’année universitaire 2018-2019, c’est le calvaire d’une même année académique qui se poursuit pour les étudiants inscrits dans les universités publiques. En effet, plusieurs promotions n’ont pas encore bouclé leur premier semestre de l’année académique 2017-2018. Ainsi, sans être exhaustif, nous pouvons citer les promotions de première année des Unités de Formation et de Recherche (UFR) en Sciences Exactes et Appliquées (SEA), en Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) et en Psychologie de l’Université Ouaga I Professeur Joseph KI ZERBO. C’est le 4 octobre 2018 que les étudiants de psychologie 1 ont effectué leur rentrée académique au titre de l’année académique 2017-2018, soit une année académique de retard ! A l’Université Norbert ZONGO, les étudiants de première année de Lettres Modernes, Histoire, Géographie, Psychologie et Philosophie peinent à boucler le semestre I et les évaluations se déroulent toujours.
Camarades étudiantes et étudiants,
Le chevauchement des années universitaires dans les universités publiques résulte de l’application hasardeuse du système Licence-Master-Doctorat (LMD). Notre union s’est toujours opposée à l’instauration du système LMD sans que les conditions de sa mise ne œuvre ne soient réunies. Pour notre Union, le système LMD est un système exigeant en termes d’infrastructures (amphithéâtres, salles de cours, de TD, Bibliothèques bien équipée, laboratoires...) et de personnel d’encadrement. Mais les autorités universitaires ont préféré mettre les charrues avant les bœufs avec tous ce que cela comporte comme conséquences pour les étudiants. Pire, elles tentent de faire payer leur incurie aux étudiants.
C’est ainsi que, sous le prétexte de rattraper le retard académique, occasionné par l’application hasardeuse du LMD, on assiste à une exécution cavalière des cours et évaluations dans les différentes universités publiques ; au bâclage de la formation tout simplement. C’est contre de telles programmations engendrant des échecs massifs que les étudiants résistent depuis un certain temps. En témoigne la lutte en cours à l’UFR Sciences de la Santé (SDS) de l’Université Ouaga I Professeur Joseph KI ZERBO où les promotions du département de Pharmacie sont bombardées de plusieurs évaluations par jours (au moins trois devoirs par jour). Ce fut aussi le cas à l’Université de Ouahigouya et à l’Université Nazi BONI (UNB), où l’administration a attribué des zéros collectifs respectivement aux promotions de Sciences et Technologies (ST) et de Sciences Economiques et de Gestion (SEG) alors qu’elles se battaient contre la programmation anarchique des évaluations. A cela, il faut ajouter le cafouillage dans l’organisation des délibérations, l’absence de certains curricula de formation, la réduction drastique des volumes horaires, la suspension voire la suppression pure et simple de certains travaux dirigés et pratiques ou de matières entières. A l’Université Nazi BONI par exemple, l’on a assisté à la suppression des travaux dirigés en Droit pour soit disant rattraper le retard. Ces facteurs entrainent sans nul doute des résultats médiocres et de nombreux abandons, comme ce fut le cas à l’UFR/SEA avec la promotion de 1ere année BAC 2017 qui a enregistré un taux de succès de 1,25%, soit 29 admis sur 2 304 étudiants.
Au niveau infrastructurel, le déficit de salles de cours, de bibliothèques et de laboratoires est patent. Les étudiants de l’Université Ouaga 2, plusieurs années après l’ouverture de cette Université, sont obligés de squatter les locaux inadaptés du SIAO ainsi que ceux de l’université Ouaga I. A Koudougou, c’est l’ancienne usine de Sap Olympique, et l’aumônerie catholique qui sont utilisés pour certains cours. En plus, nombreuses sont les promotions dont le nombre d’étudiants dépasse largement le nombre de places assisses.
Au niveau social, le constat est également amer. Les plats sont contingentés dans les restaurants universitaires et leur qualité laisse à désirer.
Sur le plan des libertés, on note une violation des franchises et libertés universitaires à travers les descentes musclées des forces de l’ordre sur les campus pour réprimer les étudiants. Ce fut le cas à l’Université Ouaga I Pr Joseph KI ZERBO pendant la lutte pour la levée de la sanction infligée à l’étudiant BAHAN Yenilo et à l’Université Nazi BONI où les forces policières sont intervenues pour contraindre les étudiants de SEG 1 à composer alors qu’ils ne réclamaient que la reprise des évaluations dans lesquelles l’administration leur avait attribués des zéros collectifs.
Dans les universités et instituts d’enseignement supérieur privés qui pullulent dans notre pays, la situation des étudiants n’est guère reluisante. On assiste à un bâclage de la formation (non-respect des volumes horaires ; recrutement d’enseignants non qualifiés ; programmes de formation inadaptés ; locaux inadaptés ; absence de TP et de TD dans des matières fondamentales...) alors que les frais de scolarité déjà hors de portée des revenus modestes ne font que grimper d’année en année. C’est la preuve que la qualité de la formation importe peu aux promoteurs des universités et instituts d’enseignement supérieur privés. Ce qui compte, c’est la recherche effrénée du profit.
Tous ces faits démontrent si bien en était encore que l’Etat s’est désengagé du secteur de l’éducation conformément aux injonctions des institutions financières internationales (Banque mondiale et fonds monétaire international). C’est l’application mécanique et sans état d’âme de cette politique criminelle de désengagement de l’Etat des secteurs sociaux telle que l’éducation qui est à l’origine de la privatisation accélérée de l’enseignement dans notre pays. L’une des conséquences la plus évidente est sans nul doute l’exclusion des enfants du peuple du bénéfice de l’enseignement supérieur.
Face à cette situation, les étudiants s’organisent pour se battre et défendre leurs intérêts matériels et moraux (exemples des luttes des étudiants de l’UFR/SDS de l’université Ouaga I Professeur Joseph KI ZERBO contre la programmation anarchique des évaluations ; des résidents des cités universitaires pour la réduction des coûts de l’abonnement mensuel au bus ; des étudiants de l’UNZ contre le zéro collectif infligé aux étudiant de SEG I...). En réponse, les autorités universitaires et ministérielles opposent la répression en violation des franchises universitaires.
Camarades étudiantes et étudiants,
La situation n’est pas rose pour les étudiants burkinabè à l’étranger. Si la bourse est déjà insignifiante, il faut ajouter que le retard dans son paiement pose de nombreux soucis. Cette situation a amené les étudiants burkinabè au Sénégal, au Maghreb et en France à s’organiser et exiger le paiement de leurs bourses. Au Sénégal et au Niger, l’épineuse question du logement se pose avec acuité. Dans ces deux pays, il n’y a pas de cités pour les étudiants burkinabè (maison de l’étudiant burkinabè). Pour le cas de Dakar, les étudiants burkinabè avec une bourse mensuelle de 55 110 F devront louer des pièces uniques communément appelées « entrer-coucher » entre 50 000 et 80 000 CFA. L’aide au logement annuelle de 240 000f est largement en deçà des besoins des étudiants burkinabè. En France, un étudiant boursier de l’Etat burkinabè perçoit environ 600 euros par mois. Pour trouver un logement décent dans une ville comme Paris, il faut compter au minimum 400 euros (source: journal L’Etudiant). La maison de l’étudiant burkinabè (Cité Fessart) dont l’accès aurait pu permettre aux étudiants d’économiser une bonne partie des coûts de logement n’accueille pourtant plus les nouveaux arrivants. Le bâtiment est par ailleurs dans un état de délabrement et les autorités nourrissent l’envie de le fermer. A cette difficulté s’ajoute l’accès à l’emploi au pays. En effet, après l'obtention de leurs diplômes, un mécanisme d’intégration dans la fonction publique burkinabè n’est pas prévu. Ce sont ainsi des centaines de personnes dont certains ont étudié grâce à l’argent du contribuable qui se résignent à rester en Europe pour travailler alors que notre pays a sans doute plus besoin de leurs compétences.
Face à toutes ces difficultés, l’UGEB appelle :
− les sections à s’organiser davantage pour défendre les intérêts matériels et moraux des étudiants ;
− les étudiants à se mobiliser autour de ses sections pour préserver les acquis déjà engrangé et à conquérir d’autres.
Non à la violation des franchises et libertés universitaires !!
En avant pour la prise en compte de nos préoccupations !!!