Le jeudi 1er août 2013, les cités universitaires de la Patte d’Oie, de Kossodo et de Gounghin ont été le théâtre d’affrontements violents entre les étudiants qui y résident et les forces dites de l’ordre [Gendarmerie Nationale, Brigade Anti-Criminalité (BAC), Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS)...]. Tout est parti de rumeurs faisant état de la fermeture des cités universitaires et de la suspension d’autres œuvres universitaires (restauration, soins de santé...) durant les mois d’août et septembre sous prétexte que ce serait les vacances universitaires. Comme il fallait s’y attendre, ces rumeurs n’ont pas laissé les étudiants indifférents. Ainsi, dès le 30 juillet 2013, de façon spontanée, les étudiants ont manifesté leur mécontentement, en occupant certaines artères de la ville de Ouagadougou puis en arrêtant et en réquisitionnant des véhicules appartement à l’Etat (fon rouge), qu’ils ont pris le soin d’immobiliser et sécuriser au sein des cités.
Le lendemain 31 juillet, le Directeur général du CENOU, Monsieur André Batiana, reçu au journal télévisé de 20 h de la télévision nationale, confirmera les rumeurs en enjoignant les étudiants de déguerpir les cités au plus tard le dimanche 4 août. Contre toute attente et sans même qu’il y ait une note de service officielle demandant aux étudiants de libérer les cités, le jeudi 1er août, les forces de répression ont pris d’assaut les cités universitaires pour déloger les étudiants de force. Comme à leur habitude, elles ont réprimé les étudiants à coups de gaz lacrymogènes, de matraque... Les véhicules immobilisés depuis le 30 juillet ont été vandalisés ou incendiés suite à cette répression. On dénombre également une dizaine de blessés parmi les étudiants et plus d’une quarantaine d’entre eux ont été arrêtés puis entendus par le procureur du Faso avant d’être déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
De tels agissements dignes d’un Etat d’exception témoignent de l’irresponsabilité et du peu d’intérêt que nos autorités accordent à la question de l’éducation dans notre pays. Sinon, comment comprendre que des étudiants qui pour la plupart, sont issus de la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire, n’ayant pas de parents à Ouagadougou, puissent être jetés dans la rue manu militari. ? Contrairement à ce qu’affirme le DG du CENOU, les cours sont loin d’être achevés à l’Université de Ouagadougou et de Ouaga II qui triment depuis un certain temps pour sortir du bourbier dans lequel elles sont empêtrées du fait du chevauchement des calendriers universitaires. Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreux étudiants ont des évaluations dès la reprise des cours au mois d’octobre, l’on ne saurait accepter la fermeture des cités universitaires à moins de vouloir qu’ils préparent leurs examens dans la rue. L’argument consistant donc à dire que le bénéfice des œuvres universitaires serait lié à l’existence d’activités académiques ne saurait tenir d’autant plus que de par le passé, les étudiants en ont toujours bénéficié pendant la période des vacances.
Qui plus est, cette descente des forces dites de l’ordre dans les résidences universitaires qui sont partie intégrante des enceintes universitaires constituent une violation grave et inadmissible des franchises et libertés académiques telles que proclamées par les déclarations de Kampala et de Dar Es Salam qui doivent servir de modèle à nos universités modernes. A titre illustratif, la déclaration de Kampala du 29 novembre 1990 sur la liberté intellectuelle et la responsabilité sociale des universités dispose à son article 13 que " l’Etat doit se faire l’obligation de prendre des mesures promptes et appropriées, contre toute violation des droits et libertés dans les universités.... ". A l’article 14, il est dit ceci :"l’Etat ne doit déployer aucune force militaire, paramilitaire, ni aucun service de sécurité et de renseignement, ni toute force similaire à l’intérieur des locaux ou domaines réservés aux établissements d’enseignement... " à moins qu’il y ait " un danger visible, présent et imminent qui menace la vie et la propriété...". Le fait de revendiquer le maintien des œuvres universitaires pendant la période des vacances peut-il être assimilé à un danger visible, présent et imminent ? Assurément non. Visiblement, les autorités universitaires ont foulé au pied les franchises et libertés académiques comme elles en ont d’ailleurs l’habitude à chaque fois que les étudiants se mobilisent pour revendiquer de meilleures conditions de vie et d’études. Et le comité MBDHP des universités publiques de Ouagadougou, fidèle à sa triple mission de promotion, de protection et de défense des droits de l’homme sur le campus ne saurait accepter de telles violations répétées des franchises et libertés académiques. C’est pourquoi, il :
- condamne la répression barbare des étudiants ;
- exige la libération sans condition et sans délai des étudiants arrêtés et la prise en charge par les autorités ;
- exige la reprise des œuvres universitaires ;
- exprime sa solidarité aux étudiants déguerpis des cités universitaires.
- tient les autorités universitaires pour responsables de la dégradation du climat social et des dégâts matériels qui ont suivi la répression.
Aux étudiants blessés, le comité leur souhaite prompte rétablissement. Enfin, le comité MBDHP lance un appel à toutes les bonnes volontés à se solidariser avec les étudiants en difficultés.
MBDHP = rigueur et constance dans la promotion, la protection et la défense des Droits de l’Homme !