Il n’y a plus l’ombre d’un doute. Le Burkina Faso s’installe dans la guerre terroriste qu’il a achetée auprès d’ennemis déterminés. Comment ne pas le penser et l’affirmer gravement et fortement devant l’intensification, la généralisation, la densification territoriale et la récurrence des attaques terroristes plus meurtrières les unes que les autres. Le temps des euphémismes pleurnichards et infantiles est à jamais révolu. L’intégrité territoriale malmenée de notre pays annonce le champ du cygne et l’effondrement de l’Etat dont la sphère de présence et d’influence s’atrophie progressivement, telle une peau de chagrin.
L’heure est grave. La patrie est menacée dans son existence. L’indépendance acquise par nos braves aînés est piégée par ce tripalium (instrument d’immobilisation et de torture au moyen âge) terroriste dont l’étreinte cloue l’espoir et brave le courage des hommes intègres.
Des questions nous viennent à l’esprit.
Nos dirigeants élus et responsabilisés par le peuple et qui ont juré de défendre et de préserver l’intégrité de notre territoire, de notre Etat et de ses institutions, prennent-ils la juste et stricte mesure de la situation ?
Notre stratégie de riposte est-elle à la hauteur de la gravité de la réalité, et de l’implacable rudesse de la menace qui nous propose un avenir sombre de meurtrissures ?
Nos dirigeants ont-ils la force d’apporter des réponses appropriées pour garantir à tous les burkinabè et habitants de notre pays, l’indispensable BIEN VITAL qu’est la sécurité dont les expressions sont la liberté d’aller et de venir, la paix de l’âme et de l’initiative créatrice de progrès, la confiance partagée positive et entraînante pour le développement socioéconomique.
De toute évidence, ces questions corrélées appellent une ligne de réponses intelligemment structurée. A l’instar du médecin qui pose le bon diagnostic avant de proposer une thérapie efficace, l’on ne pourra pas faire les bons choix stratégiques sans un diagnostic agile et rigoureux de cette crise sécuritaire. Et si les choix opérés sont inadaptés, les résultats des actions seront pire que l’absence d’action.
Le premier écueil à éviter est le courtermisme et la myopie analytiques. Malheureusement, force est de constater que nos dirigeants actuels et leurs relais propagandistes se perdent dans des jugements subjectifs mesquins et inspirés du non sens parfait, en inventant des mobiles à la situation actuelle qu’ils mettent sur le compte du pouvoir d’hier et de l’opposition d’aujourd’hui. Cette attitude d’auto déresponsabilisation par effet de transfert de leurs responsabilités à leurs prédécesseurs les délivre de l’obligation de résultats si lourde pour les épaules frêles. Cette posture qui sert leurs ambitions de préservation du pouvoir dans l’optique de l’échéance électorale de 2020, dessert la prise en charge du très grave sujet de sécurité nationale qui est devant nous. Au lieu de poser un examen critique et d’autocritique sur les déterminants réels de la mutation soudaine du fait terroriste, ils grelottent sous la hantise de perdre leur pouvoir chaque fois qu’un IED explose.
Ils doivent d’abord reconnaître qu’avant eux, les burkinabé voyageaient en tout lieu, en tout temps, par tous les supports de mobilité sans la moindre inquiétude. Notre pays était un havre de paix et proposait aux autres pays sa science de la paix. Les tentatives de minimisation de cette performance sécuritaire par le moyen de dénonciations des accointances supposées entre le pouvoir d’hier et des groupes insurgés, ne suffisent pas à gommer nos mérites passés et regrettés reconnus par la communauté des spécialistes des questions sécuritaires. Ces mérites passés prennent de l’embonpoint car grossis par les échecs si patents d’aujourd’hui.
La vérité est que nos gouvernants n’ont pas pris la juste mesure de cette situation dramatique. Cela se lit dans les profils de compétence et de capacité des ministres de la défense et de la sécurité qui occupent les stations de responsabilité porteuses des très sensibles et exigeantes questions de la Défense et de la Sécurité. Le Ministre de la défense aurait lui-même fait son aveu d’incompétence quand il ébranla son auditoire d’un jour en prenant l’infanterie pour « l’enfanterie ». Son collègue de la sécurité n’a rien de rassurant tant il manque d’énergie affirmée indispensable à sa crédibilité spontanée de premier de cordée dans la quête de la sécurité. La majorité des burkinabé est lassée de pointer ces graves insuffisances devant la détermination du Président du Faso à exclure de ces postes stratégiques des spécialistes militaires. Dans l’entendement de nos dirigeants actuels, l’insécurité qui frappe le Burkina est une arme-opportunité politique pour fragiliser leurs concurrents politiques insidieusement présentés comme des traitres à la patrie. Le cynisme est à son paroxysme !
Examinant de près la question sécuritaire actuelle, il n’est point besoin de se gratter la tête pour en connaître les causes.
Le Président Kaboré est l’importateur de la guerre terroriste
Dès son avènement, le pouvoir actuel a opéré un changement stratégique majeur dans l’approche de l’équation sécuritaire. Il opéra un pivotage stratégique en changeant le positionnement de notre pays par rapport à un conflit dont l’expression se matérialisait au Mali et au Niger. Le Burkina sous la Présidence de Blaise Compaoré avait adopté une position de médiateur et d’équidistance. Des acquis diplomatiques majeurs furent engrangés contre la logique de guerre terroriste. La libération des otages et la tenue de la première élection apaisée du Président IBK furent unanimement salués. En criminalisant cette position et en la remplaçant par celle de partie prenante directe et active dans les hostilités à travers notamment son adhésion au G5 Sahel, le Président Kaboré a acheté à très bon prix, le prix de l’inculture stratégique, la guerre terroriste pour son pays. En termes clairs c ‘est de l’importation de guerre.
Il recentre et replace ainsi notre pays au cœur du conflit en en faisant l’épicentre. La conséquence logique de cette dérive stratégique est le déversement des combattants terroristes sur la quasi totalité de notre territoire aujourd’hui horizontalement infesté. Pire, l’appel à l’ancienne puissance coloniale qu’est la France et qui s’est traduit par des bombardements aériens anti terroristes sur notre territoire, plus qu’une erreur, est une faute professionnelle stratégique. Elle renforce la centralité de notre pays dans la ligne de mire de la communauté terroriste mondiale. Il est à craindre des représailles encore plus dures que les attaques que nous connaissons en ce moment. Il n’est donc pas à exclure que nos intérêts nationaux tels que les infrastructures et activités économiques, les représentations diplomatiques soient ciblées à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Les conséquences de cet approfondissement de la présente dérive stratégique pourraient être dévastatrices.
Les pirouettes intellectuelles sous des accents moralistes tendant à dénoncer la stratégie du Président Blaise Compaoré ne prospèrent plus chez les gens informés. Le Président Compaoré n’a pas acheté la paix auprès des terroristes. C’est son charisme personnel du fait de son épaisseur historique, sa lucidité dans l’appréhension de la délicate question de la sécurité qui l’on conduit à adopter le positionnement de pays médiateur. La complexité de la question sécuritaire appelait une réponse complexe. Le choix de la COOPETION (mix compétition et coopération) qui est le modèle stratégique dominant des services d’intelligences des nations militairement fortes, n’est pas accessible à l’esprit du simple d’esprit et possiblement de bonne foi qui assimile primairement le positionnement de médiation à celui de partisan des groupes rebelles. Le martèlement à haute voix du mensonge abstrait, non documenté fait de simplismes délirants ne suffit pas à le transformer en vérité.
Notre pays affublé du qualificatif dégradant de ventre mou sécuritaire du Sahel, en est à présent le ventre creux et la risée du monde entier. Nos dirigeants actuels n’en sont pas du tout affligés, eux qui poussent l’incurie dangereuse à demander des soutiens aériens aux pays voisins et à la France. Notre armée pourtant réputée efficace est aujourd’hui frappée dans son cœur stratégique dans l’attaque de son Etat Major, déshabillée et humiliée. En transférant la défense de notre peuple et de son territoire à des forces étrangères, le pouvoir actuel crée un inédit grave et sape la raison d’être, la fierté et la grandeur d’âme de notre armée.
Les annonces pompeuses de ripostes, l’invention d’opérations militaires fictives, les manipulations des cyber-aboyeurs, les appels cafouillés à la mobilisation populaire, la délocalisation des enterrements de nos braves soldats, les sorties politiciennes de certains chefs traditionnels et religieux et les appels au secours à voix très basse auprès de la France et de nos voisins démontrent l’incapacité de nos dirigeants à relever le défi sécuritaire.
L’appel au jeûne et à la prière de certains chefs traditionnels et religieux interroge, tant il paraît gravissime. Cet appel ne peut pas tromper les esprits intelligents. Le communiqué porteur de cet appel insinue que l’opposition n’est pas responsable et patriote. Nul besoin d’être un génie pour tracer le regard de ses auteurs qui épousent ainsi la posture du pouvoir qui se défausse sur l’opposition au lieu d’assumer ses responsabilités. Cette attitude de ces sages est partisane, clivante et constitue un facteur aggravant des contradictions qui déchirent notre pays. Ces chefs et religieux si silencieux, devant le piétinement de la constitution dans le processus insurrection-coup d’Etat, si muets devant l’exclusion politique, si aphones devant une justice devenue arme de guerre politique au service du pouvoir, retrouvent soudain du tonus pour appeler à l’union sacrée. Chacun appréciera !
Très humblement, nous pensons qu’il n’y a pas de solution exclusivement militaire à la guerre terroriste actuelle.
La vraie bonne réponse, sans doute la variable pivot à challenger, est LA COHÉSION NATIONALE dont le coût est indéniablement moindre par rapport au coût des règlements de comptes politico-judiciaires actuels. Sur le chemin de la cohésion se trouve l’impérieuse nécessité d’abandonner les machiavélismes grotesques et de poser un regard lucide sur l’histoire politique de notre pays afin d’envisager son futur avec une lucidité symétrique.
Les habitants de notre pays, où la violence politique est la règle et la non violence l’exception se sont nourris au biberon du coup d’Etat. Aucun segment de la société ne peut nier la consommation de ce lait de la violence qui a connu des niveaux de légitimation, de théâtralisation, de magnification et d’adoration extraordinaires. L’armée, les syndicats, la société civile, les chefs traditionnels, les chefs religieux (pas seulement le cardinal Zoungrana), les organisations de la société civile constituent les parties prenantes majeures de l’écosystème de la violence politique dans notre pays. Beaucoup tirent leurs carrières administrative, économique et financière de la chaîne de valeur de ces coups d’Etat. Qui peut vraiment juger qui sur le sujet de la violence politique dans ce pays ? Si l’on devrait faire le procès des coups de forces tentés, réussis et supposés, du Général Lamizana au Colonel Barry et dame Lopez, en passant par Zida et Kam, il faudrait construire des villes-prisons pour héberger les locataires. Il y a un temps où il faut savoir arrêter l’arnaque ordinaire.
Comment ne pas lire dans la posture actuelle de Maître Hervé Kam ce type d’arnaque CONSTITUCIDE. Après avoir finalisé l’insurrection-coup d’Etat d’Octobre 2014 en complicité avec le Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) sous la houlette du Lieutenant Colonel Isaac Zida, il se retrouve dans la partie civile pour accuser et juger les acteurs du même RSP pour fait de coup d’Etat.
L’obstacle majeur à la réconciliation nationale dans notre pays est la bataille pour la légitimité politique. La légalité actuelle est perçue comme étant bricolée en finition d’une insurrection putschiste ayant aboutit au départ de Blaise Compaoré et la destruction de la constitution que l’insurrection prétendait défendre. Placée au cœur de ce complot, le pouvoir actuel a une phobie de l’ancien régime dont il est sûr de la soif de vengeance. Cette crise de légitimité encastrée dans le jeu politique est le cancer qui empoisonne la vie politique nationale. Il n’y a aucune chance de rémission de ce cancer, tant que les parties en conflit n’auront pas le courage de s’asseoir autour d’une table et de se parler en donnant du cœur à leurs cœurs ! Si cette médiation n’est pas opérée, il est à parier que cette guerre continuera jusqu’à ce que l’extinction d’une partie advienne.
Pire que le coup d’Etat, la culture insurrectionnelle et incivique permanente actuelle prônée par des insurgés permanents et des politiciens et OSCistes opportunistes, déchire notre pays et sa société dans tous ses segments. Il n’y a pas un seul segment de la société burkinabé qui échappe à cette ligne de fracture. L’armée, l’administration, les religieux et coutumiers, les OSC, les syndicats, la magistrature et la justice, la politique, l’économie et bien d’autres segments sont secoués par cet antagonisme que nous avons eu le mauvais génie d’inventer.
Tel le lion qui voit l’opportunité de capturer facilement une proie blessée, les terroristes voient l’état de fragilité et de déliquescence actuelle que les burkinabé infligent à leur pays.
A l’instar de ce que la science économique décrit, nous devons fonder notre choix sur l’appréciation du coût d’opportunité. Pouvons-nous raisonnablement renoncer à la cohésion nationale pour nous installer dans l’idéologie et la pratique divisionnistes qui veulent qu’il y’ait des bons burkinabé d’un côté et des mauvais de l’autre, des héros d’un côté et des zéros de l’autre, des casseurs d’un côté et des cassés de l’autre, des propriétaires du pays avec titre foncier légitimant d’un côté et des locataires sans droit de l’autre, des bénis d’un côté et des maudits de l’autre ?
Notre première arme contre le terrorisme n’est ni une kalachnikov, ni un hélicoptère Mi 24. Notre première arme c’est l’armement de nos cœurs pour nous accepter à défaut de nous aimer. Unis et mobilisés, nous sauront dissuader, combattre, et vaincre tous nos ennemis d’où qu’ils viennent.
Cette cohésion nationale donnera de la force et de la sagesse à nos dirigeants actuels et élèvera leur clairvoyance stratégique dans le combat pour le retour de la sécurité si utile pour le bien être, le bien vivre et travailler pour le développement de notre cher pays.
Si la cohésion nationale est acquise à travers une réconciliation sincère et profonde, nos gouvernants auront tout le loisir d’opérer les rectifications stratégiques nécessaires au retour à la situation normale ante. C’est cela le DÉFI DE L’AGILITÉ !
La victoire est à portée de courage et de responsabilité patriotiques.
Pour ne pas conclure, nous vous offrons à réfléchir sur la théorie circulaire très populaire des cycles selon Ibn Khaldoum :
Les temps difficiles créent des hommes forts,
Les hommes forts créent des périodes de paix,
Les périodes de paix créent des hommes faibles,
Les hommes faibles créent des temps difficiles …
… et le cycle recommence.
A quelle étape du cycle sommes-nous en ce moment au Burkina ?