Il était vu par beaucoup comme le rédacteur de la déclaration de naissance du Conseil national pour la démocratie (CND), organe des putschistes. Ce mardi 09 octobre 2018, appelé à la barre, le journaliste Adama OUEDRAOGO dit Damiss nie cela. Il dit avoir été au camp Naba Koom II dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015, dans le cadre de son travail journalistique. Tout en martelant son innocence dans les faits qui lui sont reprochés, l’ancien chef desk du quotidien l’Observateur Paalga, crie à un acharnement contre sa personne dans le cadre de ce procès du putsch manqué de septembre 2015.
Ce mardi matin, un autre civil était à la barre du juge Seydou OUEDRAOGO. Journaliste de son état, Adama OUEDRAOGO dit Damiss est poursuivi dans le cadre des évènements du 15 septembre et jours suivants pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires. Cela, car il aurait aidé les putschistes dans la rédaction de leur communiqué qui les a porté sur les fonts baptismaux. Mais, cette accusation, Damiss la nie complètement et crie à un acharnement contre sa personne.
Selon son récit, le 16 septembre 2015, dans l’après-midi, il aurait appris comme la plupart des Burkinabè qu’il y avait un problème au palais présidentiel. Il affirme que c’est aux environs de 17h, qu’il aurait appris que les autorités de la Transition ont été pris en otage au Conseil des ministres, et ce, grâce à une bande déroulante de la télévision France24. Dès lors, il aurait reçu de nombreux coups de fil de la part de ses confrères nationaux et internationaux qui voulaient avoir des informations précises concernant la situation nationale, au regard de sa fonction de chef desk politique. Ne disposant d’aucune information, il dit avoir usé de son carnet d’adresses, riches en contacts grâce au métier de journaliste, en appelant des éléments de l’ex régiment de sécurité présidentiel (RSP). Mais ce fut peine perdu, car à leur tour, ils n’avaient pas eux aussi d’informations précises sur ce qui se passait au RSP.
Au cours de la nuit, grâce à la magie de la télévision, il dit avoir su qu’il y avait une médiation au palais. Animé par son instinct de journaliste, il dit s’être rendu au camp Naaba Koom II afin d’avoir les conclusions de la médiation, ainsi que l’état de la situation. Arrivé au camp Naba Koom II, il dit s’être vu refuser l’entrée de la salle de la rencontre avec les sages. Lasse d’attendre, il serait retourné à son pied-à-terre, situé aux encablures du palais présidentiel. Le 17 matin, il devait se rendre à Bobo-Dioulasso, suite au décès de son beau-frère, mais par manque de chauffeur et de carburant à cause de la situation sécuritaire qui était délétère, il n’ a pu se rendre à Bobo-Dioulasso que le 19. A la quête de son carburant, il aurait croisé un émissaire du général Djibril BASSOLE, Alidou SAWADOGO, qui l’aurait remis une commission de la part du général, d’une valeur de un million de francs CFA.
Pour le parquet, cette somme était une reconnaissance du général dans le cadre de l’aide que le journaliste a apporté dans la formalisation du putsch. Des allégations rejetées par Damiss qui estime que ce geste de l’ancien ministre des affaires étrangères n’était rien d’autre que la manifestation de son soutien au deuil qui secouait sa famille et de la reconnaissance suite à une élaboration de la stratégie de communication du général qu’il aurait fait sur demande de sa femme, car il est bien familier à la famille BASSOLE. « Mes relations avec le général n’ont rien à voir avec ses fonctions. Je le considère comme mon oncle. Quand j’ai des évènements malheureux ou heureux, il m’envoie des commissions par tierce personne. Il n’y a aucune gloire à être un instrument de vengeance politique par procuration. Je ne vois pas l’intérêt de cette somme dans ce procès », a martelé l’accusé face à l’insistance du palais d’assimiler la somme perçue au coup d’Etat qui estime que le parquet veut utiliser ce fait pour le charger.
S’appuyant sur une retranscription sonore, notamment la pièce i68, qui serait une conversation téléphonique que le prévenu aurait eue avec le général BASSOLE, le parquet estime que la somme était destinée à des journalistes dans le cadre de la légitimisation du putsch. Une pièce que l’accusé ne reconnait, car il dit n’être pas le propriétaire du numéro. Aussi, face à l’incapacité du tribunal de lui produire la date et l’heure de la communication qui le charge, damiss crie à l’acharnement. « Toutes les communications contenues dans les procès-verbaux sont depuis le début de ce procès assorties de date et d’heure. Mais curieusement à mon tour, il n’y a pas ces mentions. Cela me pose un problème. Le parquet s’acharne sur moi, car depuis l’instruction, le juge lui-même n’est plus revenu sur cela », a-t-il expliqué. Par ailleurs, Damiss dénonce le fait que des messages téléphoniques qui pouvaient le décharger ne se trouvent pas dans le dossier. « Je remercie Dieu que ce ne soit pas vous (ndl : le parquet) qui tranche, sinon, on était mort ».Mais la main sur le cœur, le parquet a rejeté ces allégations et estime faire uniquement son travail dans le seul souci de la manifestation de la vérité. « M. OUEDRAOGO, rassurez-vous. Il n’y a pas d’acharnement du ministère public contre vous. Vous comme nous cherchons la vérité. Je vous assure sur la foi de nos serments que si véritablement, il n’y a rien contre vous, dans nos réquisitions nous allons demander votre acquittement », a-t-il précisé. « Ce n’est pas un problème de personne. Chacun est là pour jouer son rôle dans le respect des différentes parties. Le parquet n’est pas votre ennemi », a ajouté le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO qui a la police de l’audience.
Si Damiss dit avoir pattes blanches dans le cadre des évènements du 16 septembre et jours suivant, cela n’est pas de l’avis du parquet et de la partie civile qui estiment que le journaliste était attendu à Naba Koom II par les putschiste dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015 afin de pouvoir finaliser la déclaration de naissance du CND. Cela d’autant plus que malgré la situation sécuritaire délétère du pays, il n’a pas eu trop de mal à avoir accès aux locaux du camp, qu’il y était le seul journaliste et il a été aperçu dans le bureau du chef de corps, notamment par le commandant KOGHO et le capitaine ZOUMBRI qui le cite dans leur déposition. Mais pour le journaliste, dans aucuns des procès-verbaux, un accusé n’a affirmé l’avoir vu en train de rédiger, corriger ou relire la déclaration dont il est question. « Je n’étais pas dans un bureau pour rédiger une déclaration. Et dans les procès-verbaux, ils ne disent pas avec précision que j’ai rédigé quelque chose. Je ne l’ai pas rédigé, je ne l’ai pas lu avant sa publication », a-t-il insisté.
Toutefois, dans un de ses procès-verbaux, le général Gilbert DIENDERE aurait déclaré que Damiss était chargé de recenser les griefs politiques de la Transition et après l’arrestation des autorités de la Transition, il aurait récupéré le document avec le journaliste pour ajouter les différentes revendications du corps qui étaient méconnues de desk politique de L’Observateur palga du faite de son statut de civil. Un an plus tard, le général quatre étoiles serait revenu sur ces affirmations, car il dit avoir pris des écrits du journaliste et s’en est inspiré pour la rédaction de sa déclaration. Mais qu’il en soit, pour le parquet, cela montre à suffisance que le journaliste était le maître-ouvrier de cette déclaration. Mais ces propos, Damiss ne les reconnait pas, car il affirme que toutes ses rencontres avec le général DIENDERE concernait la finalisation de son livre qu’il écrivait sur l’ex président Blaise COMPAORE.
L’accusé reconnait avoir rencontré à 4 reprises le général Gilbert Diendéré mais bien avant le putsch. Il explique qu’il n’a jamais été question de la rédaction de communiqués lors de ces rencontres. Il dit avoir rencontré le général dans l’optique de préparer son livre qui était en cours de rédaction.
« Si mes réflexions sont pertinentes et touchent du doigt certains problèmes du Burkina, en quoi cela m’engage ? », a-t-il demandé au tribunal. « Je m’en tiens aux faits et restons aux faits », a souhaité l’accusé. L’accusé lui, est formel : il ne sait absolument rien de la rédaction des communiqués des putschistes.
Par ailleurs, le fait que le journaliste n’ait pas attendu la fin de la médiation pour satisfaire cette curiosité qui l’a conduit au camp intrigue le parquet et le conforte dans sa conviction que le journaliste y est allé pour une autre raison autre que professionnelle. Mais pour Damiss, il y était allé de sa propre initiative en tant que chef desk politique comme il a l’habitude de le faire quand la situation l’exige. « L’absence d’information est une information, car cela signifie que la situation est confuse », a souligné le journaliste qui ne s’est pas gêné de temps en temps à donner des cours d’éthique journalistique au tribunal.
En outre, pour Alioun ZANRE et ses paires, la seule présence du journaliste au camp Naba Koom II dans la nuit du 16 au 17, est une expression de son soutien au coup de force qui s’est perpétré. Mais l’accusé ne l’entend pas de cette oreille.
« Moi je suis allé dans des coins plus chauds que ça. Un journaliste qui ne peut pas prendre de risque doit changer de métier « , a indiqué l’accusé qui dit être retourné Le 17 septembre 2015 dans ce camp où se tenait une rencontre des secrétaires généraux.
« Ce n’est pas parce que je suis accroupi que je suis en train de déféquer. Est-ce que le fait d’aller au camp est une infraction ? Personne n’a dit avoir vu Damiss corriger un communiqué », a-t-il martelé.
Pour Me Hervé KAM de la partie civile, tous les indices sont contre le journaliste et démentent par conséquent les affirmations du journaliste. Cette réflexion de l’avocat a suffi pour faire sortir le journaliste de ses gongs. En effet, Damiss dit detenir des photos compromettantes de l’avocat membre du balai citoyen qui aurait avec d’éminents professeurs de droits aidé le colonel Yacouba Isac ZIDA à faire un coup d’Etat en prenant le pouvoir des mains du général Nobéré TRAORE, qui après des concertations avec la hiérarchie militaire suite à la vacance du pouvoir due au départ de Blaise COMPAORE, s’était déclaré président. Mais pour Me Hervé KAM, l’accusé dévie le débat. « Pendant qu’on juge la sorcière, elle dit que la pluie menace », a-t-il noté.
Quoi qu’il en soit, le journaliste reste fidèle à sa stratégie de défense : « Je suis allé au camp Naba Koom II pas par connaissance de cause ».