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Procès du Putsch Manque : « Salifou Diallo est mort mais il n’est pas enterré », selon Fayçal Nanéma

Publié le mardi 9 octobre 2018  |  Le Pays
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Nanéma Fayçal est la deuxième personne non militaire à comparaître devant le Tribunal militaire délocalisé dans la salle des Banquets de Ouaga 2 000, le 8 octobre 2018. Ce civil âgé de 31 ans est devant la barre pour répondre des faits de « complicité de dégradation volontaire aggravée de biens et de recel d’objets d’origine frauduleuse ». L’accusé nie les faits en bloc.

Lundi 8 octobre 2018. Cela fait 8 mois que le procès du putsch manqué se déroule à Ouagadougou. Pour l’audience du jour, le juge appelle Fayçal Nanéma à la barre. Silhouette frêle, habillé d’un boubou et d’un pantalon en bazin, il avance et s’arrête devant la barre. Il doit répondre des faits de « complicité de dégradation volontaire aggravée de biens et de recel d’objets d’origine frauduleuse ». A la barre, il dit ne pas reconnaître les faits à lui reprochés. Après des excuses présentées à Me Jacques Soré et un hommage au défunt Salifou Diallo, Fayçal Nanéma donne sa version des faits. Celui qui dit être le neveu de Yacouba Isaac Zida, dit s’être rendu le 16 septembre, à l’hôtel Laïco dans la matinée. Et de là, il est allé à son bureau et après, il dit être sorti pour faire des courses pour un voyage à New-York. Selon les explications de celui qui dit être « un leader politique », comme son voyage coïncidait avec la campagne électorale, il se devait d’aller expliquer son absence à Eddie Komboïgo, alors président du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès). Mais arrivé au siège du CDP, il a trouvé que le président de son parti était en réunion. Alors, il a attendu que la réunion finisse pour le voir. Mais quand il a expliqué l’objet de sa visite, « Eddie m’a dit d’aller voir ma maman ». Il explique que « sa maman », c’est Fatou Diendéré. « Quand je suis allé voir ma maman, elle m’a dit d’aller en parler avec mon grand-frère ». « Sa maman » lui a aussi conseillé d’aller voir le Général pour lui parler de son voyage aux Etats-Unis et que même s’il ne va pas lui assurer le séjour, il va quand même payer le billet d’avion. Dans sa narration des faits, Fayçal Nanéma fait comprendre que c’est au jardin Yennenga qu’il a appris que le Conseil des ministres a été interrompu. « J’ai dit Dieu merci ». Il dit aussi avoir reçu dans la même soirée, un appel de Hyppolyte Diendéré, le frère du Général. Selon l’accusé, Hyppolyte voulait comprendre ce qui se passait. « Il a dit qu’il espère que son grand frère n’est pas dedans parce que si c’est le cas, lui, il ne va pas le soutenir. Et je lui ai dit que la main de quelqu’un ne pourrit pas et puis il va couper jeter », explique Fayçal à la barre. Le 17, le militant du CDP dit qu’après avoir suivi les différentes interventions du colonel Mamadou Bamba, il s’est rendu au rond-point des Martyrs pour dire « non à l’exclusion », suite à un appel sur facebook. Nanéma précise qu’il ne s’agissait pas d’un mot d’ordre du CDP. Mais, il relève qu’ils ont été rejoints par le député Salifou Sawadogo et certains pensaient qu’il était venu avec un mot d’ordre mais ce n’était pas le cas. Entre-temps, l’accusé Fayçal Nanéma laisse entendre qu’il a appris que des jeunes portant en projet l’incendie du domicile de feu Salifou Diallo se dirigeaient vers ladite maison mais quand ils sont arrivés chez le défunt président de l’Assemblée nationale, ils se sont heurtés à une résistance parce que la maison était bien gardée. Mais l’accusé révèle qu’en son temps, il s’est exprimé de la sorte : « Si vous pensez que pendant les évènements il ne va pas faire garder sa maison, c’est mal le connaître ». Fayçal dit s’être rendu à la résidence Diallo et affirme être à l’origine de la délivrance de Manli qu’on rouait de coups parce qu’il avait tiré en l’air. Et c’est ce jour qu’un militaire a menacé les jeunes qui voulaient brûler ladite maison.

A entendre l’accusé, le domicile de Salifou Diallo a échappé à l’incendie, le 17, grâce à son intervention. Mais, le 18, la maison a été finalement brûlée parce que selon les dires de l’accusé, il n’était pas sur les lieux à cause d’une altercation qu’il a eue avec certains jeunes qui lui ont dit qu’ils ne veulent plus le voir sur les lieux. La journée du 18, il dit l’avoir passée au rond-point des Martyrs et c’est là-bas qu’il a payé une statuette, un sac-à-main et un fer à repasser soi-disant « France-au revoir ». Et le même jour, dans la soirée, il est allé à l’hôtel Laïco rencontrer le Président Yayi Boni qu’il dit avoir connu depuis 2005 avant qu’il ne soit président. Et avec le président Yayi, Fayçal dit avoir causé jusqu’à minuit. Toujours selon le récit de Fayçal, le 19, il a reçu de l’argent d’une dame du nom de Alima Kagoné, mais il dit ne pas savoir pourquoi la dame lui a envoyé les 500 000 F CFA. L’argent a été distribué aux jeunes qui se trouvaient sur place. Fayçal annonce que le partage n’a pas du tout été aisé au point qu’à un moment donné, un jeune du groupe a suggéré de retourner l’argent de la dame. Mais Fayçal dit ceci : « l’argent du politique, on ne le retourne pas. Quand on te donne, il ne faut pas trop réfléchir». C’est après que Fayçal a connu les intentions réelles de la dame. Fayçal dit : « après, la femme m’a apellé au téléphone pour me dire de demander aux jeunes d’aller libérer son mari à la MACA (Maison d’arrêt et de correction des Armées). Je lui ai dit que j’allais lui revenir. Et quelques instants après, je l’ai appelée pour dire que le général a dit que quand tout sera OK, ils vont les libérer, alors que je n’ai même pas appelé le général ». Le 20 septembre, Nanéma dit avoir assisté, à l’hôtel Laïco, à la tentative d’agression de Roch Marc Christian Kaboré, alors président du MPP. Et c’est le même jour qu’il a été arrêté à la gendarmerie et déféré à la MACO le 1er octobre.
A la fin du récit de Fayçal Nanéma, le président lui signifie qu’il a été indiqué comme celui qui a brûlé la maison de Safiatou Lopez. A cette assertion, l’accusé répond par un proverbe : « La femme n’aime pas coépouse. Pour ce faire, elle ne cherche même pas à connaître le nombre de ses enfants, n’en parlons pas leurs noms ». Juste pour signifier qu’il ne connaissait pas chez Safiatou Lopez et qu’ « elle était d’un camp et lui de l’autre ». Permission est donnée au parquet pour poser ses questions. Le parquet : « Avez-vous fait un lien entre les objets que vous avez achetés et le saccage du domicile de Salifou Diallo ? ». L’accusé fait comprendre que c’est lui qui a dit à la gendarmerie que les objets qu’il a achetés provenaient du domicile de Salifou Diallo. « Si je l’avais su sur-le-champ et si j’avais de l’argent, j’allais acheter tout le matériel et le remettre à Salifou Diallo, quitte à reprendre l’argent que j’ai dépensé », dit-il ; « Salifou Diallo, c’était mon parrain. Pour moi, Salifou Diallo est mort mais il n’est pas enterré. Je ne me suis pas encore incliné sur sa tombe, je n’ai pas encore fait son deuil. Et je ne peux pas le faire pendant qu’il y a ce problème. Je ne vis pas dans l’hypocrisie. Après ce jugement, si je suis acquitté, j’irai à Ouahigouya m’incliner sur sa tombe et faire mon deuil. Si je suis condamné, après ma peine, j’irai m’incliner sur sa tombe et faire mon deuil. La politique c’est la politique, les relations humaines sont les relations humaines. Ce qu’il y avait entre Salifou Diallo et moi, c’est au-delà de la politique. C’était mon parrain ».

Me Sempébré en voie de se déporter de la défense de Fayçal Nanema

L‘audition de Fayçal Nanema s’est poursuivie dans l’après-midi du 8 octobre 2018 devant le tribunal militaire. Lorsque le parquet rappelle à son intention les témoignages de certains accusés, notamment Mohamed Rachid Ilboudo dit le Baron, l’accusé met en doute les propos. En effet, selon le parquet, Fayçal Nanena a contribué à faire arrêter « Le Baron » à Diapaga. Il l’a appâté, explique le procureur militaire, en lui disant d’aller retirer de l’argent dans une agence Airtel Money , avec en plus la promesse de lui payer une moto. Lorsque l’intéressé est allé pour retirer l’argent, la gendarmerie l’arrête. Pour le parquet, Fayçal Nanena a prêté des services au juge pour l’arrestation de Mohamed Rachid Ilboudo. Ce que l’accusé rejette à la barre. Pourquoi alors, avez-vous contacté Mohamed Ilboudo depuis Diapaga pour lui proposer une moto plus la somme de 500 000 F CFA, veut comprendre le parquet ? « Je n’ai jamais contacté Mohamed Ilboudo », rétorque l’accusé. Pour le parquet, l’accusé a été pris avec du matériel volé et quand il s’est senti dos au mur, il a monté un scénario avec « Le Baron » à qui il demande de déclarer lui avoir vendu ledit matériel. Il fait ensuite passer « Le Baron » pour mort entre temps, poursuit le parquet. Mais Fayçal Nanema nie tout cela et estime que ça lui ferait du bien si le juge pouvait venir témoigner sur l’arrestation de Mohamed Ilboudo. Il indique que 3 jours avant le putsch manqué, il était chez Salifou Diallo jusqu’à 2h 30 mn. Le parquet revient sur des déclarations du soldat Dah Sami, un des accusés, qui confondent l’accusé Fayçal Nanema. Cela le plonge dans une sorte de colère. Il s’emporte et charge à son tour le soldat Dah Sami qu’il suppose être impliqué dans les coups et blessures sur des personnes en ville ainsi que des meurtres, à l’entendre. Des suppositions qui obligent son conseil, Me Arnaud Sempébré, par ailleurs conseil de Dah Sami, à demander une suspension de l’audience, pour échanger avec son client, Fayçal Nanema. Quelque 15 minutes après, l’audience reprend et Me Sempébré qui est commis d’office à la défense de Fayçal Nanema, annonce son intention de se déporter de la défense de l’accusé Fayçal, au regard des déclarations ou suppositions faites à la barre à l’encontre de Dah Sami dont il est l’avocat choisi. Une déportation motivée par la position inconfortable dans laquelle il se retrouve suite aux suppositions de Fayçal Nanema qui charge Dah Sami, tous deux ses clients. Le parquet demande à Fayçal Nanema s’il a la preuve des déclarations formulées à l’encontre de Dah Sami. C’est là qu’il fait comprendre qu’il fait des suppositions, sur la base des témoignages de Dah Sami à son égard. Pour le parquet, la déportation n’est pas fondée dans la mesure où Fayçal n’est pas poursuivi pour coups et blessures volontaires et n’a pas la preuve de ses déclarations. Il n’y a véritablement pas de conflit d’intérêt et Me Sempébré peut continuer à défendre et Fayçal Nanema et Dah Sami. Pour Me Dabo, un des avocats de la défense, il y a inimitié entre les deux clients que son confrère défend. Celui-ci, à son avis, est très mal à l’aise pour les défendre tous les deux, ou défendre l’un contre l’autre ou inversement. La déportation est donc indiquée, selon Me Dabo. Me Bonkoungou, un autre avocat de la défense, cautionne à demi-mot cette déportation de son collègue Sempébré. Il allègue que la position de Me Sempébré est délicate et il serait bien qu’il prenne du recul, se réfère au bâtonnier avant de prendre une décision. Les avocats de la partie civile comme Me Awa Sawadogo et Me Séraphin Somé partagent les inquiétudes de Me Sempébré dont ils estiment la déportation fondée.

Après avoir entendu les avis du parquet, des avocats de la partie civile et de la défense, le tribunal suspend l’audition de Fayçal Nanema en attendant que Me Sempébré se réfère au bâtonnier et décide de poursuivre ou non la défense de ses deux clients. C’est après cette suspension que le tribunal appelle à la barre le journaliste Adama Ouédraogo dit Damiss, pour lui notifier ses chefs d’inculpation, à savoir : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires sur 43 personnes, meurtre. A la question de savoir si l’accusé les reconnaît, celui-ci répond : « Non coupable, monsieur le président » ! Son audition commence véritablement ce 9 octobre à partir de 9h devant le tribunal militaire.

Françoise DEMBELE et Lonsani SANOGO

* L’accusé Fayçal Nanéma, l’anecdote de Me Jacques Soré et le documentaire « Objectif Ben Laden »

L’on se souvient encore de l’audition de l’accusé du sergent Issa Yago défendu par Me Jacques Soré. Celui-ci, au cours de l’une de ses interventions avait pris un exemple sur le documentaire « Objectif Ben Laden ». Et il a insinué que les soldats sont allés en mission sans savoir ce qu’ils sont allés chercher et quelqu’un dans le box des accusés avait élevé la voix pour demander « Tu étais là-bas ? ». « C’est moi qui l’ai dit. Même si on n’a pas su, je tiens à dire que c’est moi et je présente mes excuses à Me Soré ».

* Accusé d’avoir brûlé le domicile de Salifou Diallo, il lui rend hommage

L’accusé Fayçal Nanéma, au début de l’audience du 8 octobre 2018, a tenu à rendre hommage à une « icône » de la politique africaine. « Il m’a accueilli, il m’a formé. Une icône ne meurt pas, il se repose ».

* Du matériel appartenant à Salifou Diallo vendu comme du « France-au revoir »

Pendant les évènements du 16 septembre, au rond-point des Martyrs, pendant que certains manifestaient pour l’inclusion, d’autres faisaient de bonnes affaires. En effet, c’est sur place que Fayçal dit avoir acheté un sac à main à 5 000 F CFA, une statuette à 20 000 F CFA et un fer à repasser à 12 500 F CFA. C’est après qu’il s’est rendu compte que le matériel provenait des objets volés dans la maison de Salifou Diallo. Comme quoi, le matériel « France-au revoir » peut être un ticket pour la prison.

* Fayçal Nanéma, le « tuteur de Yayi Boni » à Ouaga et ami du président Macky Sall

Des propos qui ont laissé plus d’un perplexe dans la salle d’audience, il y en a eu. A écouter les dires de Fayçal Nanéma, il entretient une certaine familiarité avec les présidents Macky Sall et Yayi Boni, au point qu’il n’a souvent pas besoin de se faire annoncer pour rencontrer le président Yayi Boni. La preuve est que pendant que Yayi Boni était à l’hôtel Laïco et qu’il est allé pour le voir, il a été stoppé dans son élan par un élément de la sécurité burkinabè mais quand il a quitté l’hôtel, il a été rappelé par l’aide de camp de Yayi Boni. Il est donc revenu à l’hôtel pour voir le président béninois avec qui il a causé jusqu’à minuit. En plus, il a reçu du président Yayi une enveloppe de deux millions de F CFA.

* Fayçal Nanéma est-il celui qui a fait venir le RSP à l’hôtel Laïco ?

En tout cas, il a affirmé avoir appelé le capitaine Dao pour dire : « Mon capitaine il y a une situation à l’hôtel Laïco. Si vous ne faites pas venir les gens, Laïco risque de devenir comme l’hôtel Azalaï et c’est le Burkina Faso qui perd ». L’accusé dit avoir passé le coup de fil parce qu’il y avait un risque d’affrontement entre les pro-putschistes et les anti-CND et son objectif, c’était d’éviter l’affrontement.

Des gourdins et de l’argent distribués au rond-point des Martyrs

Au cours de son audition, Fayçal Nanéma a revélé que Moussa Nikiéma a partagé des gourdins et que c’est Madi Ouédraogo dit Matico qui a distribué l’argent ; il regroupait les gens par groupes de dix et donnait à chacun 50 000 F CFA.

* Fayçal Nanéma, un repris de justice ?

Au cours de l’audience, le procureur a mentionné que l’accusé Fayçal Nanéma a déjà été incarcéré, entre autres, pour :
-viol ;
- tentative d’escroquerie ;
-défaut de permis de conduire.

* A propos de Safiatou Lopez,
Fayçal dit : « Elle est dans une situation que je ne souhaite pas à mon ennemi. Je souhaite que tout s’arrange pour elle, et que Dieu lui accorde le pouvoir en 2020 ».

* A propos de Michel Kafando

« Je suis heureux que Michel Kafando soit toujours de ce monde. Il n’y a pas un homme plus sage que ce monsieur ».

Rassemblés par FD et LS
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