Président de l’ex-Rassemblement démocratique et populaire (RDP), l’homme est bien connu des Burkinabè pour ses déclarations tonitruantes, mais aussi pour ses positions quelques fois incomprises. Ex-conseiller du secteur 5 de Ouagadougou dans l’arrondissement N°1, Nana Thibaut, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est aujourd’hui aux portes du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ex-parti au pouvoir.
Cet homme que certains qualifient d’homme politique fini, fait aujourd’hui du retour au bercail de l’ex-président Blaise Compaoré et ses proches, son cheval de bataille. Afin de mieux comprendre le sens de ce combat, sa volonté de rejoindre le CDP, ce qu’il reste de son sankarisme, sa lecture de la situation sécuritaire et son appréciation de la gouvernance de Roch Marc Christian Kaboré, nous l’avons reçu le 5 octobre dernier en notre rédaction à Ouagadougou.
Et comme à ses habitudes, l’homme n’a pas fait dans la langue de bois. Il trouve que le régime de Kaboré a échoué, plaide pour la réconciliation, l’unité et la cohésion nationale en affirmant avoir senti le péril auquel fait face aujourd’hui le pays des Hommes intègres. Nana Thibaut dit être et demeurer sankariste. Il rejette les allégations selon lesquelles il a des préoccupations plus alimentaires qu’idéologiques et politiques. Lisez plutôt !
« Le Pays » : Dans l’une de vos sorties, vous avez dit que vous ne voulez pas mourir comme Jésus. Que vouliez-vous dire ?
Nana Thibaut (NT) : Je ne l’ai pas dit ainsi. Ce que j’ai dit exactement, était en rapport avec mon engagement pour le retour de Blaise Compaoré et un média m’a posé une question par rapport à quand le retour de l’ancien président du Faso. J’ai répondu que tout dépendra de Blaise Compaoré. Et par rapport à ceux qui étaient pressés de le voir revenir, j’ai réagi en disant que même dans les églises, on dit toujours que Jésus va revenir mais quand ? C’est ce que j’avais dit en son temps.
Après avoir vilipendé Blaise Compaoré, qu’est ce qui explique cette proximité sinon ce revirement puisqu’il fut un temps où vous ne manquiez pas de tirer à boulets rouges sur son régime ?
La politique, il y a ceux qui la font pour régler des comptes et moi, je ne suis pas de ce camp. C’est ce que j’ai vécu sous le régime de Blaise Compaoré où j’ai eu trop de problèmes puisque j’ai connu plusieurs fois la prison, à cause de mes critiques. Mais, la raison qui m’a fait passer plus d’une année en prison, était due à mon combat contre la vie chère. En 2008, j’étais le premier homme politique, malgré mes moyens très limités, à initier une journée ville morte contre la vie chère et ce fut une réussite totale. Personne ne peut affirmer le contraire.
C’est ce qui m’a conduit en prison, parce que le maire de la ville de Ouagadougou en son temps, Simon Compaoré, avait relevé que j’ai incité des gens à la violence et qu’il y a eu des pillages ainsi de suite. Ce que je n’avais jamais demandé. Il a, alors, déposé une plainte en justice contre 84 personnes dont moi. J’ai été jugé et condamné à dix-huit mois de prison ferme. En tant qu’homme politique et citoyen lambda, je n’ai jamais eu de grief contre qui que ce soit. Il faut rappeler que lorsque j’ai été enfermé en 2008, le président Blaise Compaoré était en mission en Guinée et c’est à son retour qu’il a eu l’information me concernant.
Des gens ont dit que c’est Blaise Compaoré qui était à l’origine de mon emprisonnement et on peut le dire ainsi puisque c’était sous son règne alors que pour moi, c’était le maire Simon Compaoré qui en était à la base. Le président Blaise Compaoré avait dépêché la gendarmerie pour me rencontrer à la MACO (Ndlr : Maison d’arrêt et de correction de Ouaga). Une semaine après, j’ai bénéficié d’une grâce présidentielle du président du Faso, de même que bien d’autres détenus. Ce fut pour moi une surprise et une joie. Suite à ce geste du président du Faso, j’ai fait savoir aux parents, amis et camarades politiques que je serais reconnaissant au président Blaise Compaoré même si j’étais dans l’opposition. Nous devons retenir une chose, à savoir que lorsqu’une personne vous fait du bien, il ne faut pas lui faire du mal en retour. C’est ce qui explique mon revirement.
Sur quoi vous êtes-vous basé pour dire que c’est Simon Compaoré qui vous a fait emprisonner?
Parce qu’il était le maire central de Ouagadougou. Et au Palais de justice, il y a une enveloppe qui était arrivée disant que le maire demande que Nana Thibaut paie près de 200 millions de F CFA pour tout ce qui a été détruit dans la ville de Ouagadougou. Lors du procès, il a été dit que la plainte venait de la mairie.
L’année scolaire passée, vous disiez avoir reçu un soutien de Blaise Compaoré pour vos enfants. L’avez-vous approché pour cette année-ci ?
Non. Lorsque j’ai effectué le déplacement d’Abidjan pour rencontrer le président Blaise Compaoré, ce n’était pas pour aller lui dire que je suis pauvre ou que je vis dans la misère au Burkina. J’étais allé évoquer avec lui, les actions que je mène en sa faveur au Burkina et savoir ce qu’il en pensait. Quand vous faites du bien à une personne et le président Blaise Compaoré sait qui est Nana Thibaut au Burkina, il peut certainement m’aider peut-être à prendre en charge les frais de scolarité de mes enfants. Je ne lui ai rien demandé mais il m’a offert une enveloppe en disant que : « Je sais que tu as des problèmes et il y a aussi la scolarité de tes enfants à payer ; donc prends cette enveloppe ».
Et combien de francs CFA vous a-t-il remis?
C’est confidentiel.
Que pensez-vous des gens qui disent que vous avez plus des préoccupations alimentaires qu’idéologiques et politiques ?
Je ne peux rien dire puisque chacun peut penser ce qu’il veut et je ne suis pas le seul homme politique à qui on dit cela. D’ailleurs, la personne qui voit Nana Thibaut saura qu’il ne fait pas la politique du ventre. J’ai vu des gens que j’ai devancés dans la politique et qui sont plus aisés que moi aujourd’hui. Pour ceux qui connaissent l’histoire, je fus l’un des premiers Burkinabè à organiser des manifestations après l’assassinat de Thomas Sankara et les caricatures sur sa tombe ont été réalisées par moi. Me Bénéwendé Sankara n’était pas là. Pour l’histoire également, lorsque le journaliste Norbert Zongo a été assassiné, j’étais à Gaoua, précisément à Dano, alors que je faisais une tournée dans les provinces pour la projection des films sur Thomas Sankara afin de le rendre immortel. Et feu Joseph Ki-Zerbo, Halidou Ouédraogo et autres Tolé Sagnon ont vite fait de dépêcher un de mes petits frères pour venir me chercher parce qu’il n’y avait personne pour la mobilisation. Et il faut le relever puisque dès que j’arrivais à la Bourse du travail et que je prenais le micro, c’était l’ambiance totale et cela a encouragé les gens à poursuivre la lutte. J’étais le président de l’Association Thomas Sankara (ATS).
« Mon courage me permet de dire ce que certaines personnes ne peuvent pas dire »
Je ne refuse pas que des gens disent aujourd’hui que je fais la politique du ventre mais ce n’est pas ce qui me préoccupe. Ce n’est pas donné à tout le monde de dire la vérité et avoir à manger dans nos pays. Je fais la politique pour que la paix règne dans mon pays et également pour le bas peuple. Mon courage me permet de dire ce que certaines personnes ne peuvent pas dire.
Comment appréciez-vous la gouvernance du président Roch Marc Christian Kaboré ?
Le pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré est en train de sombrer. Il est dans l’incapacité totale de gérer ce pays. Je n’ai pas de griefs contre le président. Au contraire, c’était mon meilleur ami, qui m’a soutenu financièrement même s’il est devenu président du Faso aujourd’hui et m’a oublié. J’ai toujours eu le courage de dire ce que je pense et j’affirme que le régime de Roch a échoué. Mais, il faut rappeler qu’on a eu droit, en 2015, à des élections de revanchards et lorsque ses camarades et lui sont arrivés au pouvoir, ils n’ont pas été reconnaissants vis-à-vis de leur grand patron qu’est Blaise Compaoré. Dieu n’aime pas cela. Et c’est ce qui fait leur échec aujourd’hui.
C’est un pouvoir qui n’est pas venu corriger les erreurs du passé ni sauver un peuple en danger mais juste pour se venger. Rien qu’à observer les arrestations et autres interpellations suite à de fausses accusations alors que ce n’est pas ce que le peuple attendait d’eux mais plutôt, un régime qui allait remplacer Blaise Compaoré dans le bon sens. C’est tout le contraire aujourd’hui, avec le mensonge, la calomnie, les règlements de comptes. Ce n’est pas parce que je suis contre le régime que je dis cela mais c’est ma lecture de la situation. Dans un pays où il n’y a pas le pardon, la réconciliation nationale, la cohésion sociale, quoi que vous disiez, il sera difficile d’avoir la paix.
Qu’est-ce qu’il reste du Sankariste que vous fûtes ?
Les gens sont venus par le hasard des choses. Nous étions les tout-premiers Sankaristes, même si on nous dit aujourd’hui que Nana Thibaut a fait un revirement et n’est plus Sankariste.
« Je suis et demeure révolutionnaire »
Le Sankarisme ne se résume pas aux paroles. C’est comme la Révolution où il est question d’idéologie. Je suis un militant de la Révolution et personne ne peut faire comme Thomas Sankara, même si cela peut arriver un jour. Mais, il reste jusque-là irremplaçable. Je ne peux pas affirmer que je suis comme Thomas Sankara mais je suis et demeure révolutionnaire.
Tout comme Me Bénéwendé Sankara ?
Il y a des gens qui sont venus confisquer le Sankarisme par le hasard des choses. Me Sankara est venu se faire Sankariste à partir de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. On se connaît et on sait qui est qui dans ce pays. Du reste, c’est pour cela que je demande un débat entre Me Sankara et moi. Je ne peux pas déclarer que je suis plus Sankariste que d’autres personnes mais, tous ceux qui ont suivi l’histoire de Thomas Sankara et même dans sa famille, savent qui est Nana Thibaut. Aller côtoyer ceux qui ont cautionné l’assassinat de Thomas Sankara et se dire Sankariste, cela me fait mal à la tête. Au lendemain de son assassinat, qui a été Premier ministre et qui a été président de l’Assemblée nationale de Blaise Compaoré?
On peut citer Roch Marc Christian Kaboré, feu Salifou Diallo, Simon Compaoré. Et lorsque nous manifestions pour dire non aux assassinats de Thomas Sankara, Boukary Dabo, Norbert Zongo, que faisait Simon Compaoré ? Il nous interdisait des voies et même des marches. Simon Compaoré m’a dit un jour de faire attention en me prononçant un proverbe moaga qui, en français facile, veut dire : « le marigot a bouffé mieux qu’un cheval mort ». Cela signifie beaucoup de choses. Cela voudrait signifier qu’ils ont tué des gens plus puissants que nous autres. Si aujourd’hui Me Sankara se range dans ce camp et déclare qu’il défend la cause de Thomas Sankara, sincèrement, cela me donne la diarrhée. Je ne suis pas sûr que Me Bénéwendé Sankara est à 100% un Sankariste.
Vous annonciez le retour de Blaise Compaoré le 17 décembre 2017. Qu’en est-il aujourd’hui ?
C’est une conviction personnelle qui m’a guidé à demander que Blaise Compaoré revienne et j’ai même donné une date. Au finish, j’ai dit que tout dépend de lui et je ne peux rien faire d’autre. Quoi qu’on dise de lui, il fut un grand homme dans notre pays. Il a été président du Faso pendant 27 ans et tous ceux qui sont là aujourd’hui ont régné à ses côtés. Ils étaient tous dans la même maison et moi dans l’opposition mais personnellement, j’ai opté pour le pardon et la réconciliation nationale. C’est dans ce sens que je me suis engagé à ce que Blaise Compaoré, qui vit une situation difficile, revienne au pays pour vivre tranquillement chez lui à Ziniaré et c’est aussi le souhait de nombreux Burkinabè.
Quelle est votre lecture de la situation sécuritaire ?
Nous vivons une situation difficile jamais connue dans notre pays depuis les premiers présidents. C’est triste. C’est peut-être la volonté de Dieu. Mais, au-delà, chacun naît avec sa tête, peut-être que Roch est venu avec tous ses malheurs pour gérer le pays et voilà pourquoi nous avons tant de difficultés. Mais, je pourrais aussi dire que cette situation est liée à deux facteurs essentiels. Le premier, c’est la division sur le plan politique de notre pays. Le second, c’est la politisation et la division de notre armée. Le régime de Roch a pris aujourd’hui comme élite, la Gendarmerie au détriment des militaires. Dans un pays, si tous les hommes de tenue ne s’asseyent pas autour d’une table pour discuter de la sécurité, cela pose problème. Je souhaite que tous les corps se retrouvent comme une seule famille pour résoudre cette situation d’insécurité. Et pour ce faire, il faut qu’ils oublient les politiques. Sinon, la situation risque d’être plus dramatique.
D’aucuns pensent que l’ancien régime est derrière ces attaques terroristes. Quel est votre commentaire?
Peut-être que des gens ont des preuves de ce qu’ils avancent. Moi, je suis un simple citoyen comme vous, je n’ai jamais occupé un poste de député ni de ministre. J’ai juste été un conseiller de l’arrondissement N°1 de Ouagadougou et ce, pendant 12 ans aux côtés de Simon Compaoré qui était maire de Ouagadougou. Dire que c’est ceux qui étaient là ou qui ne sont plus aux affaires qui sont à la base de tout ce qui se passe dans notre pays, c’est un pas que je me garde de franchir. S’il y a des preuves palpables, pourquoi ne pas les divulguer afin qu’ensemble, nous puissions résoudre le problème ? Je pense que c’est du mensonge. Même ceux-là qui disent aujourd’hui que c’est peut-être le régime de Blaise Compaoré qui est à l’origine de tout cela, où étaient-ils pendant ce régime ? Aujourd’hui, c’est une continuité. Tous ceux qui gérèrent le pays sont des élèves de Blaise Compaoré.
« Faisons beaucoup de prières et de sacrifices »
Accuser Blaise Compaoré aujourd’hui de tous les malheurs du Burkina, c’est un grand péché. Pour moi, l’essentiel aujourd’hui, c’est le pardon. Il faut qu’on se réconcilie, il faut qu’on se pardonne pour la cohésion sociale. Faisons beaucoup de prières et de sacrifices. Dire qu’untel est responsable de ceci ou de cela, ne nous conduira nulle part. S’il y a des gens qui sont derrière ces attaques-là, moi je vais demander à Dieu de les détruire. Même si c’est Blaise Compaoré, je vais demander à Dieu de le détruire parce qu’il n’a pas le droit de détruire un pays qu’il a construit pendant 27 ans. Ce serait malhonnête et un grand péché.
Quelles sont vos motivations en adhérant au CDP?
C’est une fusion de mon parti, le RDP (Rassemblement démocratique et populaire) et le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parce que je ne peux pas dire que je milite pour le retour de Blaise Compaoré et ne pas appuyer son parti. Donc, j’ai fait cette fusion dans le but de prêter main forte au CDP ; peut-être qu’un jour, il reviendra au pouvoir pour faire venir Blaise Compaoré.
Vous avez été tour à tour sankariste, activiste et aujourd’hui au CDP. Que pensez-vous de la transhumance politique ?
Je ne suis pas encore au CDP. J’ai déposé ma lettre d’adhésion à ce parti et j’attends toujours sa réponse.
Vous êtes tout de même à la porte du CDP. Que pensez-vous de ceux qui vont de parti en parti ?
Je sais que je fais partie de ceux qu’on qualifie de prostitués politiques.
Mais, je voudrais faire comprendre que je ne fais pas la politique pour le ventre, mais pour apporter un plus au développement de mon pays. Si vous créez un parti aujourd’hui et que nos idées convergent, même si je n’ai pas les moyens comme vous, je vais vous rejoindre à cause de notre idéologie commune mais pas parce que vous avez de l’argent. Moi, j’ai été d’abord président du RDP. J’ai copié Thomas Sankara, la Révolution démocratique et populaire. Quand vous regardez le manifeste de mon parti, notre programme de société, c’est le Discours d’orientation politique de Sankara que j’ai copié. Dans mon quartier, j’ai eu à défendre bien des causes. Je puis vous dire qu’un conseiller municipal n’a pas de revenu mais avec des dons et des soutiens de mes amis, j’ai pu faire bitumer gratuitement une voie dans mon quartier, sans demander une cotisation des habitants. C’est être révolutionnaire aussi. Pour ceux qui vont de droite à gauche, certains le font à cause des idées mais d’autres aussi le font parce qu’il y a à manger et à boire où ils vont.
Lors de votre tournée pour le retour de Blaise Compaoré, vous avez été pris à parti à Bobo-Dioulasso par des jeunes. Quels ressentiments avez-vous aujourd’hui par rapport à cet acte?
Je n’ai jamais été violent dans ma vie, et ce qui m’est arrivé à Bobo-Dioulasso, fut un montage. J’ai été mal compris, je ne suis pas allé à Bobo pour une propagande. J’ai été à Bobo pour rencontrer le chef traditionnel. (Ndlr : il s’agit du chef des Bobo-Mandarè). Parce qu’avant d’aller dans cette ville, j’avais rencontré le Mogho Naaba, ainsi que d’autres chefs traditionnels dont ceux de Tenkodogo, de Boussouma, de Ouahigouya et de Fada et si je ne m’en tenais qu’à ces 5, ce serait comme si je faisais du racisme, de l’ethnicisme parce que j’aurais ignoré le chef de Bobo. Je suis allé à Sya pour lui porter le même message que j’avais transmis aux chefs en pays mossi et gourmantché. On dit que j’avais affiché des photos de Blaise Compaoré et que ce n’était pas normal. J’étais à mon hôtel quand des jeunes sont venus pour me rencontrer. Je leur ai dit que j’étais fatigué parce que je venais de terminer ma conférence de presse et que le soir, j’irais rencontrer le chef et des imans. Mais, ils ont insisté et je leur ai dit que s’ils y tenaient, ils pourraient revenir après pour qu’on discute. A ma grande surprise, on est venu me dire qu’ils sont en train de saccager mon véhicule. Je suis sorti, j’ai croisé mes bras et je les ai regardés faire parce que je n’étais pas allé à Bobo pour une cause politique mais pour la réconciliation, pour le retour des fils et filles qui sont hors du Burkina, qui sont en exil politique. Voilà l’objet de ma démarche. Maintenant, si on a monté des jeunes contre moi, je leur pardonne parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.
Vous avez dit avoir rencontré des chefs traditionnels. Pensez-vous avoir été entendu ?
Bien sûr ! Mon message était qu’ils s’engagent à faire comprendre aux dirigeants la nécessité d’aller à la réconciliation parce que quelque chose se dessinait à l’horizon et seul Dieu et eux en tant que chefs traditionnels et religieux, pouvaient sauver le pays. La situation n’était pas comme cela parce que nous étions en 2016. Je leur avais tout expliqué de long en large : les mésententes politiques, les rancunes, etc. J’étais sûr que ça allait arriver. Mais pendant que je prêchais cette nouvelle, je ne savais même pas que le terrorisme allait prendre une proportion aussi inquiétante qu’elle l’est aujourd’hui.
« Je sentais venir le danger »
Mais, je sentais venir le danger. Mon message était que les chefs traditionnels et religieux demandent aux autorités politiques de tout faire pour que ceux qui sont en exil politique, reviennent afin que, main dans la main, nous puissions travailler à construire le pays.
Etes-vous pour ou contre l’extradition de François Compaoré?
Si la Justice française, avec tout ce qui a été dit, tout ce qui sera dit, si au cours des enquêtes qui ont été menées, il y a eu des révélations qui prouvent que François Compaoré est comptable de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998, qu’on l’amène au Burkina pour le juger. Mais, s’il n y a rien contre lui, je ne vois pas en quoi il faut l’amener. Mais, s’il est coupable, qu’on l’extrade. Et dans ce cas, si le président Roch me donnait un billet d’avion pour que j’aille l’accompagner pour qu’il vienne répondre, j’irais.
D’aucuns estiment que Nana Thibaut est fini. Que leur répondez-vous?
Bien sûr, tout homme finit. Blaise Compaoré même qui était président, est fini. (Eclats de rire) ; même Roch finira un jour. Vous avez vu les Zida, Kafando et Maurice Yaméogo qui sont tous finis ! Ce n’est pas moi, Nana Thibaut, qui ne vais pas finir. Je n’ai jamais même été un grand homme dans ce pays. Dire que Nana Thibaut est fini est un faux problème. Je n’ai jamais même eu de début. Je laisse les gens dire ce qu’ils pensent de Nana Thibaut parce que je sais que je ne suis pas fini. Un homme est fini, quand il est mort. Je suis toujours en vie et Dieu merci.
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
Comme projet, je vais sortir, comme j’ai l’habitude de le faire. Après l’assassinat de Thomas Sankara, j’ai eu le courage de sillonner toutes les provinces du pays pour le rendre immortel. Aujourd’hui encore, il y a un problème qui se pose dans notre pays. Je souhaiterais qu’il y ait la réconciliation
nationale, qu’on se pardonne, qu’il y ait la cohésion nationale, que ceux qui sont en exil puissent regagner le bercail. Dans l’avenir, je projette faire des sorties sur toute l’étendue du territoire national pour conscientiser et mobiliser la jeunesse contre l’insécurité, pour le respect de l’homme par l’homme, le respect des forces de l’ordre, parce que, quoi qu’on dise, l’insurrection est venue désorienter la jeunesse. Il n’y a plus de respect entre jeunes et anciens, il n’y a plus de respect entre civils et militaires. Tout est dans le désordre aujourd’hui. Alors que dans un pays, tant qu’il n’y a pas de respect mutuel, ça ne peut pas aller. Donc, dans les jours à venir, je vais sortir avec des messages d’apaisement, d’unité et de cohésion nationales pour combattre l’ennemi qui est en face qu’est le terrorisme. Certains n’ont pas la possibilité d’aller sur le terrain, mais ils peuvent aussi, de leur manière, apporter leur contribution.
Propos recueillis par Antoine BATTIONO et Dabadi ZOUMBARA
Carte de visite (CV)
« Au niveau politique, je suis le président du Rassemblement démocratique et populaire (RDP) qui n’existe plus parce que, selon le ministère de l’Administration territoriale, le parti n’est pas à jour de ses activités politiques. On ne crée pas un parti pour être riche mais dans l’objectif d’accéder au pouvoir pour défendre les intérêts du peuple. N’ayant pas les moyens pour poursuivre mes activités politiques, j’ai choisi de dissoudre mon parti en adhérant au CDP. En dehors de la politique, je suis un particulier. Auparavant, j’ai travaillé à l’ex-CEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest), de 1979 à 1991. »
La lettre adressée aux Organisations politiques, coutumières, religieuses, corps diplomatiques…
Mesdames, messieurs
Nous vous saurions gré de pouvoir solliciter, par la présente lettre, votre bienveillante attention et votre appui afin que nous puissions tous ensemble intervenir et éviter le malheur qui se dessine à l’horizon, dû à l’insécurité, aux mésententes et à l’exclusion qui existent dans notre pays ces derniers temps.
A cet effet, nous vous prions de bien vouloir vous investir davantage et intervenir pour sauver le Burkina Faso et son peuple qui sombrent dans une situation inquiétante avec tous les malheurs qui les accablent (famine, soif, maladies, attaques terroristes, misère et divergences politiques…)
Ainsi mesdames et messieurs, nous sollicitons votre intervention rapide, votre médiation, votre engagement total et un dialogue avec tous les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition pour une paix sociale durable, une réconciliation nationale digne et une cohésion sociale qui aboutiraient à l’unité nationale tant souhaitée. Par conséquent, nous vous lançons un appel à la mobilisation formulée à l’endroit de tous les Burkinabè, pour la réconciliation et pour le retour de la paix et de la cohésion sociale. Tout en vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous réitérons tous nos sincères remerciements et encouragements, au nom de toutes les populations qui en sont victimes.
Sachant compter sur votre bonne compréhension, veuillez agréer Mesdames et Messieurs, l’expression de notre parfaite considération.
Paix-Réconciliation-Unité
Signé
Le président
Thibaut NANA