«Petit président» deviendra-t-il président? C’est le sujet de conversation le mieux en vogue dans le microcosme politique burkinabè, où la fièvre des élections commence à s’installer, certes de façon timide. En effet, si François Compaoré ne dirige pas la liste provinciale du Kadiogo pour le compte du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, pouvoir), où il arrive en deuxième position, il est tout de même le véritable métronome du parti dont son frère aîné de président du Faso est le champion. Pourquoi donc la candidature de «Francesco», pour les intimes, fait-elle autant jaser?
Pourtant, le conseiller spécial à la présidence du Faso est loin d’être au coup d’essai. En 1992 déjà, il avait été élu député, mais avait cédé son siège à son suppléant qui n’était autre que Victor Tiendrébéogo, le Larlé Naba. Mieux, en dehors d’être frère du chef de l’Etat, François est un citoyen burkinabè jouissant de tous ses droits, comme tous les autres candidats. On ne saurait lui dénier le droit de faire de la politique et de briguer les mandats électifs. C’est d’ailleurs tout à son honneur de descendre dans l’arène, ce qui l’amène à recevoir des coups. Mais également à en donner. Et c’est tant mieux pour le secrétaire national en charge des mouvements associatifs du CDP, depuis le congrès du 4 mars dernier, s’il se constitue son électorat pour aller au front, au lieu d’attendre, parce qu’il est le frère de l’autre Compaoré, que l’alouette lui tombe rôtie du ciel.
Toutefois, depuis 1992, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et ce serait maladroit, voire difficile de ne pas apporter de l’eau au moulin des détracteurs de «petit président». Et pour cause! Même si l’affaire de l’assassinat de notre confrère Norbert Zongo le 13 décembre 1998 a débouché sur un non-lieu, il n’en demeure pas moins que le nom de François Compaoré a été associé à ce meurtre. Surtout que le directeur de publication de L’Indépendant investiguait sur la mort de David Ouédraogo, ci-devant chauffeur de François Compaoré. De même, cette deuxième tentative d’accession au parlement intervient, au moment où on prête aux Compaoré la volonté de garder les clés de Kosyam (le palais présidentiel), alors que Blaise Compaoré achèverait en 2015, son deuxième et dernier mandat constitutionnel. Ceint de son écharpe d’honorable, celui que les décrypteurs de la politique au Burkina Faso placent déjà au perchoir, pourrait plus aisément succéder à son frère aîné en tant que chef de l’Etat. Et nous voilà en pleine politique fiction, et en même pas très loin de la réalité. A moins que l’opposition burkinabè, qualifiée souvent, à tort ou à raison d’amorphe, apporte la contradiction à «petit président».
Ceux qui faisaient figure de poids lourds au sein du parti au pouvoir et qui pouvaient contrarier les ambitions de François Compaoré, en l’occurrence Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré, ou encore Simon Compaoré, sont pratiquement hors-jeu, sauf retournement de dernière minute.
En attendant que le mercure monte davantage à l’occasion de la campagne électorale pour les législatives et municipales couplées de décembre 2012, Me Barthélémy Kéré et les siens, après avoir passé à la loupe les listes des candidats, prononceront leur verdict ce vendredi 5 octobre et chaque «députable» saura en quoi s’en tenir. Les recalés seront renvoyés à leurs partis, tandis que ceux qui passeront par les mailles de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), iront à la conquête des quelque 4 millions d’électeurs potentiels. Les promesses d’électrification, de lotissement, de construction de routes, d’écoles ou de dispensaires, rarement tenues du reste après les élections, pleuvront de toutes parts et jusque qu’au fond de sa chaumière, l’électeur sera plus que jamais courtisé, voire traqué.
En ville comme dans les champs, les candidats à l’hémicycle feront feu de tout bois, distribuant au passage quelques billets de banque, des gadgets, des paquets de thé, ou des sacs de riz, bien prisés en ses temps de vaches maigres. Pourvu que la transparence soit de mise et que tout se déroule surtout dans un climat apaisé, pour le bonheur de tous. La démocratie, ce n’est pas un combat de boxe, encore moins la guerre ou le chaos.