Le délibéré de la demande d’extradition de François Compaoré a été renvoyé au 5 décembre prochain par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris. Inculpé d’«incitation à assassinat» dans l’assassinat, le 13 décembre 1998, du journaliste d’investigation Norbert Zongo et trois compagnons, Paul François Compaoré, le frère cadet de l’ancien président du Faso a été interpellé à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle à Paris, le dimanche 29 octobre 2017 à la demande de la justice Burkinabè. La justice française avait trois trois possibilités : soit un avis favorable à l’extradition, soit le rejet de cette demande d’extradition ou bien la demande d’informations complémentaires. C’est cette dernière option qu’a choisie la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, qui avait demandé à la justice burkinabè de lui fournir des éléments matériels et précis de nature à prouver l’implication de François Compaoré dans l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo ainsi que ses compagnons d’infortune. C’était le 13 juin dernier. Le dernier épisode en date de ce passionnant feuilleton judiciaire s’est déroulé hier 03 octobre 2018. A la lumière des éléments apportés au dossier par la justice Burkinabè, l’avocat général de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris s’est prononcé en faveur de cette extradition. Mais on n’en saura pas davantage avant le 5 décembre prochain, la date à laquelle, la justice française a, de nouveau, renvoyé le dossier. Ce dernier épisode relance néanmoins le débat entre les burkinabè désireux de voir l’ex-conseiller spécial de Blaise Compaoré répondre des faits dont il est accusé devant la justice de son pays et ceux pour qui, cette procédure devant les juridictions française n’a aucune chance d’aboutir Ces derniers pointent trois principales raisons. D’abord, les anomalies relevées par la justice française ayant trait, entre autres, à «l’irrégularité du titre d’arrestation», «l’imprécision du mandat d’arrêt», «la nature politique de la demande d’extradition », « l’absence d’éléments nouveaux justifiant la requête» et «l’absence de respect des garanties du droit à un procès équitable». Si la question de la peine de mort n’est plus d’actualité avec son abolition par l’Assemblée nationale, le 31 mai dernier, il reste que les autres points ne sont pas moins importants pour peser en défaveur de l’extradition. Ainsi, la justice française note par exemple que des doutes subsistent quant à l’auteur et à la date du mandat d’arrêt. «Le mandat d’arrêt est en date du 5 mai 2017 tandis qu’en août et septembre 2017, les avocats de l’intéressé étaient informés qu’aucune fiche de recherche n’était enregistrée et la notice rouge d’INTERPOL a été modifiée le 4 août 2017 pour antidater le jour de délivrance du mandat d’arrêt du 2 août au 5 mai 2017. La notice rouge indique par ailleurs que le mandat d’arrêt est délivré par le procureur du Faso près le Tribunal de Ouagadougou et Signé de Maïza Sérémé», peut-on lire dans la dernière décision de renvoi de l’audience. Si ces irrégularités sont avérées, il y a de fortes chances que la quiétude de François Compaoré ne soit pas menacée. Il y a ensuite que la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition entre le gouvernement du Burkina Faso et celui de la République française, signée à Ouagadougou le 24 avril 2018, risque de ne pas connaitre d’effet. En tout cas, concernant ce dossier. En effet, la demande d’extradition étant antérieure à la signature de la convention, il y a une forte chance que le principe de non-rétroactivité lui soit appliqué. Enfin, la double nationalité de François Compaoré (Ivoiro-burkinabè), couplée à la supposée pression politico-diplomatique menée par son frère ainé depuis la Côte d’Ivoire, pourrait aussi peser. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la probabilité est très grande que François Compaoré ne soit pas extradé au Burkina Faso à moins que la cour d’appel de Paris ne tranche en faveur de l’avocat général en autorisant d’extradition du prévenu devant les juridictions Burkinabè. Comme Blaise Compaoré, qui sera probablement jugé par contumace dans le procès de l’insurrection populaire, son frère cadet pourrait aussi, d’une manière ou d’une autre, échapper à la justice burkinabè. Mais ce ne sont que des hypothèses, car tout peut arriver…