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Art et Culture

Olivier Tarpaga: «Le Burkina est le pilier de la danse contemporaine en Afrique»

Publié le samedi 8 septembre 2018  |  FasoZine
Olivier
© Autre presse par DR
Olivier Tarpaga: «Le Burkina est le pilier de la danse contemporaine en Afrique»
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L’Association Nomad Express a tenu du 6 au 24 aout 2018 à Ouagadougou, son programme de mentorat édition 2018. Cette édition qui a réuni 6 danseurs venant du Burkina Faso, des Etats-Unis d’Amérique et de la Côte d’Ivoire sous la houlette de Olivier Tarpaga, organisateur, et trois chorégraphes burkinabè, avait pour objectif de permettre aux participants de développer leurs projets sous le regard de leurs ainés tout en découvrant leur technique et leurs univers chorégraphique. Dans cet entretien avec Fasozine, le danseur-chorégraphe-musicien, Olivier Tarpaga, initiateur du programme, évoque entre autres les grandes lignes du mentorat 2018, les perspectives et de sa vision sur l’univers chorégraphique burkinabè.

Fasozine : C’est quoi un mentorat en français facile ?

Olivier Tarpaga : Le principe du mentorat est assez proche de celui la formation de formateur. On peut être danseur professionnel mais ne pas avoir sa propre signature. Alors que pour trouver une signature personnelle, il est important de se frotter à des gens qui ont beaucoup plus d’expérience. L’idée du mentorat était de sélectionner des danseurs professionnels pour qu’ils suivent des ateliers de composition chorégraphique et de lecture chorégraphique pour apprendre et comprendre la stratégie du mentor et pour voir comment ils peuvent évoluer et créer leur propre stratégie. Par hasard, on peut arriver à un bon résultat mais il y a des codes et des démarches que l’on ne connait pas.

Est-ce que vous n’avez pas peur que les danseurs copient tout de leurs mentors à la fin ?

Tous les mentors, qui sont tous des chorégraphes, ont chacun un style unique. Si un danseur fait quelque chose qui ressemble à celui d’un mentor ou d’un chorégraphe, les gens vont savoir. Ce monde n’est pas gros surtout dans nos contrées. Les danseurs peuvent copier mais le problème va se poser ailleurs. C’est-à-dire qu’ils peuvent copier la stratégie du mentor mais ils n’auront pas forcément le goût qu’il a de choisir les meilleurs pas. Tu peux trouver la stratégie pour créer plein de pas mais tu auras à choisir les dix pas les plus terribles dans au moins dix millions de pas. La stratégie vient aussi avec l’expérience, mais tu peux avoir la stratégie sans la maturité. On peut copier mais sans la maturité. Le copieur finit par rester en arrière.

Comment arrivez-vous à réveiller cette particularité chez un créateur ?

J’ai eu une belle opportunité en 2008 avec un chorégraphe très connu aux Etats-Unis du nom de David Rousseve, un noir américain très connu dans le monde de la danse et directeur d’un département de danse en Californie. J’ai gagné une grande bourse de mentorat, qui a permis qu’il m’épaule pendant un an. Il devait me suivre partout, au studio, dans les musées. Aussi, nous devions discuter et regarder des spectacles ensemble afin de comprendre la critique, à savoir comment on critique une danse. Cela a transformé ma vie artistique, ma personne et la manière dont je vois la danse et le leadership dans l’art.

En outre, cela a complètement changé ma trajectoire d’artiste. C’est au vu de mon expérience personnelle que je me suis dit qu’il faut apporter cette idée au Burkina. Et si depuis 2008, j’ai pu mûrir d’une manière ou d’une autre et apporter ce que j’ai aujourd’hui à des danseurs qui sont très bons mais n’ayant pas encore l’expérience du chorégraphe, c’est grâce à cet accompagnement que j’ai eu.

Pour augmenter le niveau du mentorat, j’ai invité des collègues renommés dans la profession qui ont accepté et ont trouvé que l’idée était noble. Ils m’ont accompagné malgré les petites conditions que nous avions.

Vous avez demandé l’accompagnement de trois de vos collègues chorégraphes : Adonis Nébié, Bienvenue Bazié et Seydou Boro…

Ils sont extrêmement uniques et c’est cela qui est fort. Ils sont un peu dans le même monde ; ils ont encadré les danseurs dans trois univers différents. L’objectif n’était pas de les comparer mais d’essayer d’avoir toutes les possibilités d’approche pour que les participants trouvent après leur voie.

Pour ce mentorat vous avez formé 6 danseurs. Comment ce choix s’est t-il opéré ?

Nous avons lancé un appel à candidatures et les six ont été expressément pris. D’habitude, on avait une vingtaine de participants mais on s’est dit qu’avec plusieurs personnes, ce serait difficile.

Pour un mentorat, on veut donner l’opportunité aux participants de discuter entre eux et se faire coacher véritablement. Donc pour faire ce faire, il faut un petit nombre et une vraie sélection pour que la formation ne soit pas une formation de mouvements et de danse. Raison pour laquelle, nous avons réduit le nombre de participants à six. Sinon, il y avait plusieurs candidatures venant du Congo, du Gabon, de la Côte d’ivoire, du Burkina, du Pakistan, de Taïwan, etc. Il y avait au total une quarantaine de postulants.

Quels étaient les critères de sélection ?

Chaque postulant a envoyé une vidéo de deux minutes sur son travail et un CV. Du coup en regardant leur travail nous avons vu quel est le travail qui a besoin de notre touche, qui est à un niveau avancé et que nous pouvions pousser. Nous nous sommes le plus basés sur les vidéos. Pour certains, c’était juste en lisant leur CV et pour d’autres c’était à travers les vidéos qui nous ont beaucoup touchés.

Quatre danseurs burkinabè sur six. Le nombre élevé de Burkinabè n’est il pas lié au fait que le mentorat se tient à Ouagadougou ?

Le Burkina Faso possède une des meilleures plateformes de la danse contemporaine et créative en Afrique. Il y a des pays qui sont pionniers et l’Afrique du Sud fait partie des pays qui ont des événements et des lieux de travail beaucoup plus avancés. Mais par rapport au nombre de professionnels qui portent le drapeau et qui sont de grands noms à l’extérieur, nous sommes plus importants. Aussi, cela s’explique surtout parce que le niveau que nous recherchions pour le mentorat, nous l’avons trouvé au Burkina. Ils ont été choisis pas parce qu’ils viennent du Burkina mais parce qu’ils l’ont mérité.

Au cours de la soirée de présentation, le public a eu droit à un duo entre une Ivoirienne et une Américaine….

Pour nous le mentorat, c’est créer un pont entre les hommes pour qu’ils aient un réseau afin d’instaurer une circulation. Ce qui permettra de partager des idées et faire circuler les choses. C’est donc par ce pont que les deux danseuses ont construit ce duo dont nous sommes fiers. Elles ont été prévenues que le mentorat ne s’arrête pas à faire ce duo mais à créer une véritable amitié.

Au vu de ce résultat, est-ce que vous êtes satisfait d’avoir pu tenir ce mentorat ?

Absolument et je pense que cela pouvait se voir le jour de la présentation au vu de la satisfaction des jeunes et du travail qu’ils ont accompli après trois semaines intenses de travail.

En dehors du mentorat qu’est-ce que vous encouragez ces jeunes à avoir comme perspectives pour leurs solos ou duos ?

Ils ont été retenus parce qu’ils avaient des solos qui nous intéressaient et je me suis engagé à faire un suivi. Il s’agit de prendre deux ou trois journées spécialement pour suivre les solos de ceux qui sont là sur place, évaluer tout ce qu’ils ont reçu et voir où les choses en sont.

Qu’est-ce qui fait la différence entre un danseur qui a été reçu au mentorat et celui qui n’a pas été reçu ?

La plupart des gens n’ont pas reçu forcément le mentorat mais ils ont pu mûrir, faire un travail incroyable et s’imposer dans le monde. On peut s’en sortir sans un mentor mais il est évident que le mentorat est un plus non négligeable. Pour nous, le mentorat est un privilège et c’est un honneur de pouvoir avoir ce privilège de donner le savoir.

Présentez-nous en quelques lignes Nomad express ?

Nomad Express est une association de droit burkinabè que j’ai créée en 2012. Elle est née de mon envie de promouvoir les expressions artistiques dans leur diversité et de créer un espace de formation, de rencontre et de réflexion sur les défis actuels du monde.

C’est Nomad Express qui porte mes initiatives et mes projets, ici au Burkina Faso et ailleurs dans le monde. L’association porte ma compagnie de danse, Baker & Tarpaga Dance Project, mes groupes de musique qui sont le Dafra Drum Ensemble et le Dafra Kura Drum Ensemble, et enfin mon festival : Festival international des arts multiples Nomad Express. C’est aussi avec l’association que j’organise le programme de mentorat pour les danseurs professionnels.

Comment appréciez-vous l’évolution de la scène chorégraphique burkinabè ?

Le Burkina est le pilier de la danse contemporaine en Afrique. Quand vous êtes dans le milieu cela se voit et cela est connu.

Que répondez-vous à ceux qui disent que la danse contemporaine c’est pour ceux qui ont bien mangé ?

Ils n’ont rien compris et je le dis respectueusement. Regardez les origines des danseurs contemporains. Il y a certains de ces jeunes qui vendaient des unités de recharge de téléphone dans les rues. Aujourd’hui, ce sont des chorégraphes confirmés qui vivent en France et partout dans le monde entier. Ils n’ont pas fait de grosses études mais ils ont un nom enviable parce qu’ils sont passés par le Centre de développement chorégraphique (CDC-la Termitière). Ce n’est pas une danse pour intellectuels mais on peut s’intellectualiser sans aller à l’école. En somme, c’est une danse d’expression.
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