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Procès du putsch : divergences sur la légalité des ordres militaires

Publié le mardi 28 aout 2018  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
le procès du putsch manqué de septembre 2016 reprend ce mercredi 9 mai 2018, à la salle des Banquets de Ouaga 2000
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Le procès du putsch manqué a repris, le lundi 27 août 2018, avec les auditions du sergent Souleymane Koné, 30 ans, père de 2 enfants et le lieutenant Bouraïma Zagré, 32 ans, célibataire, sans enfant. Accusés de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et de coups et blessures volontaires, tous deux ont tous plaidé non coupables.

Alors qu’il avait été blanchi dans un premier temps par le juge d’instruction, le sergent Souleymane Koné a été de nouveau reversé dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015, par la Chambre de contrôle. Il est passé à la barre le 27 août 2018.

Comme tous ses coaccusés qui l’ont précédé, il n’a pas reconnu les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires pour lesquels il est poursuivi. Dans sa version des faits, cet accusé a dit ne pas savoir ce qu’il a fait de mal pour être impliqué dans ce dossier.

Le 16 septembre, jour de l’enlèvement des autorités de la transition, Souleymane Koné se souvient qu’il était à la maison après être descendu de garde. Il aurait reçu un appel de son supérieur et parent, le lieutenant Koné Daouda Begnon II l’informant d’un rassemblement au camp Naaba Koom II.

Alors, ce soldat du groupement des unités d’intervention s’habille et rejoint la base où il recevra l’information que le quartier est consigné. Voulant en savoir davantage, il apprendra vaguement qu’il y a « une situation » à la présidence, sans autre éclaircissement.

A l’entendre, c’est alors qu’ils étaient au piquet avec d’autres éléments, qu’un chef, dont il ne se souvient pas du nom, les a embarqués dans un véhicule pour aller leur confier des missions. Lui, il aurait été assigné à un poste de garde en compagnie du sergent Natiani Lompo et d’un autre élément.

Un poste dont, à l’en croire, le sergent Lompo dira qu’il n’y a rien à garder, juste un poste téléviseur et un fauteuil. Koné aurait rendu compte à son commandant d’unité.Il n’aurait effectué aucune patrouille ni mission et serait resté à ce poste jusqu’au 26 septembre, date à laquelle ils ont été autorisés à rejoindre leurs compagnies respectives.

L’accusé a reconnu que le fait de se voir confié une mission par un chef dont il ne relevait pas directement, et en compagnie d’éléments d’un autre groupement, est anormal. «J’étais mal à l’aise. Je n’ai fait qu’exécuter un ordre d’un chef. Je ne sais pas ce qui me serait arrivé si j’avais refusé», a-t-il confié.

Le parquet militaire lui reprochera notamment de vouloir minimiser l’importance du poste dont il a assuré la garde, qui devrait avoir un intérêt stratégique pour nécessiter d’être renforcé par toute une équipe de garde.

Mais surtout, le parquet lui reproche de s’être laissé embarquer dans l’affaire, bien que conscient d’exécuter des ordres militaires. Son avocat, Me Roger Yamba a maintenu qu’aucune pièce matérielle ne lie son client à une infraction dans le cadre de ce dossier.

« Qu’aurait-il pu faire face à un supérieur qui lui donne un ordre ? », a-t-il interrogé le parquet. Selon Me Yamba, le principe de droit « nul n’est censé ignorer la loi » doit être appliqué avec réserve, notamment vis-à-vis de ceux, qui manifestement, ne connaissent pas le droit.

A sa suite, c’est un officier, le lieutenant Bouraïma Zagré qui a été appelé à la barre. Droit dans ses souliers, le jeune officier a paru serein et bien sûr de lui, face au tribunal. Tout comme le sergent, il a lui aussi été confronté à la question de légalité (ou l’illégalité) des ordres reçus et exécutés.

Mais encore, la situation de cet accusé est assez singulière. Au moment des évènements de septembre 2015, le lieutenant, âgé de 27 ans au moment des faits, était engagé au Mali avec le bataillon Badenya 3 dans le cadre de la mission onusienne de maintien de paix.

Trois missions exécutées

Bouraïma Zagré jouissait d’une permission du 7 au 28 septembre 2015 au pays. Pour avoir « gardé la connexion » avec son corps d’origine, selon les termes de Me Dieudonné Wily, membre de son conseil, le lieutenant Zagré a été amené à poser des actes pendant les événements. Il a reconnu avoir exécuté une mission à la frontière togolaise pour récupérer du matériel de maintien d’ordre le 17 septembre.

Du matériel dont la police et la gendarmerie auraient été bénéficiaires, a-t-il dit. Le lieutenant a également supervisé une « mission d’apaisement » à la place de la Nation le 20 septembre pour empêcher tout rassemblement en ce lieu.

Le lendemain 21 septembre, il a conduit une équipe à Yimdi pour défendre le poste et y serait resté jusqu’au 23 septembre, date à laquelle il aurait quitté le camp Naaba Koom II dans la perspective de rejoindre son bataillon au Mali dès le 1er octobre.

Contrairement à la plupart des accusés jusque-là, le jeune officier a reconnu les déclarations faites pendant la phase d’instruction du dossier. Son désaccord avec le parquet a porté notamment sur sa position statutaire au moment des faits et sur la nature des ordres qu’il a reçus et exécutés.

« Les chefs militaires accompagnaient l’action »

A en croire le procureur militaire, Alioun Zanré, son statut d’expert des Nations unies ne le mettait pas sous l’autorité du commandant de son corps d’origine, mais surtout, lui interdisait de participer à un coup d’Etat.

L’accusé rétorquera que le fait d’être en mission ne lui confère pas une indépendance vis-à-vis de l’armée. Pour sa part, Me Hervé Kam de la partie civile a invoqué le règlement de discipline militaire contre le lieutenant, règlement selon lequel le subordonné exécute loyalement les ordres, est responsable de cette exécution et ne doit pas obéir aux ordres manifestement illégaux, en l’espèce ceux donnés par « des putschistes.

Pour sa défense, Zagré a argué que les trois missions accomplies sont purement militaires et ont été confiées par un chef légitime. Il aurait été désigné, en tant que lieutenant le plus ancien pour que « les missions se passent sans bavure ».

A ses dires, au petit matin du 17 septembre vers 3 heures, le général Gilbert Diendéré est revenu d’une réunion au ministère et a dit que « les chefs militaires accompagnaient l’action ». « Vous avez su dès lors qu’il y avait renversement du pouvoir alors en place et vous avez continué à exécuter des ordres en soutien au coup », a reproché Me Yanogo de la partie civile au prévenu. « Je n’ai pas reçu de mission de l’auteur d’un putsch.

Ceux dont j’ai exécuté les ordres ne m’ont pas dit que c’était en soutien à cela », a avancé Bouraïma Zagré. Selon le conseil de celui-ci, les ordres auxquels son client a obéi étaient dans l’intérêt de son service et les trois missions sont strictement militaires.

Quant au bâtonnier de l’ordre des avocats du Burkina Faso, qui est de la défense, il a fait observer qu’il faut faire une distinction entre la légalité d’un ordre donné et son opportunité. Pour lui, si un soldat qui recevrait un ordre non manifestement illicite se met à apprécier son opportunité, l’armée ne fonctionnerait pas. L’interrogatoire du lieutenant Zagré se poursuit ce matin à 9 heures.
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