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Sidwaya N° 7479 du 14/8/2013

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Bassabi Kagbara, opposant togolais : « On m’a forcé à être dans l’opposition »
Publié le mercredi 14 aout 2013   |  Sidwaya


Bassabi
© Autre presse par DR
Bassabi Kagbara, opposant togolais


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Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2010 au Togo, Bassabi Kagbara est fondateur du Parti démocratique panafricain (PDP) et vice-président de la Coalition d’opposition « Arc-en-ciel ». Dans cette interview accordée à Sidwaya, début août 2013 à Lomé, il jette un regard critique sur les législatives du 25 juillet, et évoque d’autres sujets de l’actualité politique togolaise.

Sidwaya (S.) : Quelle lecture faites-vous du déroulement des législatives du 25 juillet dernier ?

Bassabi Kagbara (B.K.) : J’ai noté un processus sauvé de justesse par des acteurs internes et externes, qui ont compris qu’on ne peut plus laisser le pouvoir dessiner à lui seul l’avenir du Togo. Dans la dynamique de l’esprit qui a guidé le dialogue des 8, 9 et 10 juillet 2013 avec Mgr Nicodème Barrigah et l’ambassadeur des Etats-Unis, la campagne électorale et le scrutin du 25 juillet se sont déroulés dans le fair-play, avec des signes de maturité démocratique de la part de toute la classe politique. Je félicite donc les partenaires internationaux qui ont soutenu le Togo dans les grands moments de discorde. Je déplore toutefois certains esprits rétrogrades qui ont encore recouru aux mêmes méthodes malhonnêtes et indignes, en usant de violences dont mon équipe a été victime au Nord, des achats de conscience, des trafics d’influence (le cas de la préfecture de la Binah par exemple) pour biaiser le choix des électeurs. C’est dommage que pour un jeu démocratique certains se plaisent toujours à exploiter la misère de nos populations contre leur volonté. Il n’y a aucun triomphe dans ce genre de victoire.

S. : L’opposition a voulu bouder le scrutin, avant de se raviser. Pourquoi y êtes-vous allé finalement ?

B.K. : Je voudrais préciser que la Coalition arc-en-ciel et notre parti, le Parti démocratique panafricain (PDP), n’ont jamais refusé de participer à ces élections. On n’avait d’ailleurs aucun intérêt à laisser le pouvoir en place participer seul à ces élections. Ce serait comme laisser l’avenir du peuple togolais dans les seules mains de ce régime cinquantenaire. Il n’était pas question de répéter l’erreur de 2002. Ceci dit, la Coalition arc-en-ciel exigeait des conditions nécessaires pour y participer. Et le minimum de ces conditions n’a été obtenu qu’à quelques jours du scrutin. Elles n’ont pas été complètes, mais c’est un léger mieux par rapport à hier et le combat continue.

S. : Seuls deux partis de la coalition, notamment le Comité d’action pour le renouveau (CAR) et le vôtre, le PDP, ont pu entrer au parlement avec six (6) sièges. N’est-ce pas peu pour un regroupement de cinq partis politiques ?

B.K . : Oui c’est peu et nous attendions plus ! Mais je viens de relever que les conditions minimales exigées par l’opposition pour des élections acceptables n’ont été obtenues qu’à quelques jours du scrutin. Dans ces conditions, on ne saurait faire des miracles. Certains ne s’attendaient même pas à voir des partis comme le nôtre, le PDP, réussir à arracher un siège au parti au pouvoir dans un de ses fiefs déclarés. Mais aujourd’hui, c’est chose faite, malgré tout ce qu’ils ont fait pour nous décourager, ou encore détourner l’expression réelle des populations. Alors, si on avait eu de meilleures conditions, on aurait mieux fait et ce n’est que partie remise !

S. : Cette contre-performance ne risque-t-elle pas de jouer sur l’avenir de la coalition et de ses membres ?

B.K. : Pas du tout ! La dynamique unitaire dont nous sommes le premier défenseur ne nous autorise point à aborder ce sujet dans cette logique. Mon parti, le PDP, aurait eu plus d’un siège au parlement si l’opposition n’avait pas une fois encore dispersé ses voix et ses efforts. Je crois que c’est à cela qu’il faut s’atteler maintenant, tout en respectant chaque acteur politique selon ses forces dans une dynamique de solidarité et d’union. C’est donc plutôt une évolution positive, à voir les choses sous un certain angle. Je voudrais, dans ce sens, dire qu’on doit impérativement revoir le découpage électoral. Ce n’est pas normal qu’avec 900 000 voix, l’opposition, dans son ensemble, obtienne 29 députés contre 862 000 voix à l’UNIR pour 62 députés, soit le triple du siège de l’opposition avec moins de voix.

S. : Quels sont vos rapports avec le Collectif Sauvons le Togo (CST) ?

B.K. : Nous travaillons la main dans la main pour faire évoluer le Togo. C’est dommage que nous n’ayons pas pu réunir nos forces pour les dernières élections. Mais c’est ensemble que nous avons obtenu les conditions minimales acquises aujourd’hui et nous allons agir ensemble pour libérer le peuple togolais de l’arbitraire et du pouvoir d’argent pour le mettre sur la voix de l’émergence démocratique, socioéconomique et du bonheur.

S. : Mais le CST et la Coalition arc-en-ciel ne sont pas parvenus à unir leurs forces pour aller aux élections…

B.K. : Il faut reconnaître qu’il a manqué une certaine cohésion et dynamique à l’opposition, pour lesquelles la Coalition arc-en-ciel a été créée. La Coalition a été portée sur les fonts baptismaux avec l’objectif essentiel d’aller ensemble aux élections législatives et de présenter des candidats communs. C’est dans ce sens que nous avons négocié avec le CST pour qu’on s’entende sur ce principe, et que là où chacun a une position forte, qu’on lui cède la place, afin qu’il puisse gagner. Mais nous n’avons pas réussi à fédérer les énergies. A mon avis, cela est dû à la jeunesse des regroupements des partis de l’opposition, le CST compte 14 mois d’existence tandis que la Coalition arc-en-ciel ne fait même pas un an. Ce sont des organisations, qui ne se connaissent pas encore assez, pour mutualiser leurs efforts et moyens limités, par rapport au pouvoir qui a 50 ans d’existence.

S. : Les organisations de l’opposition sont jeunes, mais les acteurs qui les animent connaissent bien le terrain politique. N’est-ce pas ?

B.K. : Il ne suffit pas de connaître individuellement le terrain politique. Il faut vous connaître aussi. Quand on se retrouve, il y a les avantages et les inconvénients qu’il faut gérer. Les forces du CST et de la Coalition arc-en-ciel unies ne feront que nous rendre plus forts. Malheureusement, ce sont les contradictions internes et la persistance des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt commun, qui empêchent cette union. Et c’est ce qui est regrettable. Si j’ai rejoint une coalition avec mon parti, c’est par patriotisme. Et je suis persuadé qu’ensemble, on peut le faire. C’est d’ailleurs le manque d’union, qui nous a conduits à la défaite à ces législatives. Mais ce n’est que partie remise, puisque les élections locales vont se tenir prochainement. Nous allons voir si nous pouvons relever ce défi.

S. : L’espoir de voir l’opposition togolaise parler d’une seule voix un jour est-il perdu ?

B.K. : L’espoir n’est pas encore perdu. Nous avons échoué, mais l’échec prépare le succès. Si vous n’avez jamais échoué, vous ne pouvez pas connaître la valeur du succès. Je ne désespère pas, car avec ma vision et ma volonté d’unité, je ferais tout pour qu’on y arrive. Et j’espère que les autres iront dans le même sens, car certains partagent ma vision. Nous demanderons à Dieu de nous aider pour que nous soyons forts.

S. : Le grand vainqueur des législatives, c’est l’UNIR, le parti au pouvoir, qui a raflé 62 sièges sur les 91. Que pensez-vous de cette victoire ?

B.K. : L’UNIR a tous les moyens pour gagner des élections. Le parti a l’armée, les finances et tous les pouvoirs pour s’imposer. Quelqu’un qui est au pouvoir depuis cinquante ans, et celui qui n’est pas au pouvoir ne peuvent pas avoir les mêmes moyens. Il faut féliciter l’opposition. J’ai participé à la création du RPT (ancienne appellation du parti au pouvoir) à ma jeunesse, mais par la suite on n’a pas supporté mon franc-parler. On a fait de moi un opposant, sinon je n’ai pas demandé le statut d’opposant. Je n’ai jamais cherché à être opposant.

S. : Vous voulez dire que le pouvoir vous a forcé à être opposant ?

B.K. : On m’a forcé à être dans l’opposition et c’est cette situation que je gère jusque-là. L’opposition n’est pas une fin en soi. On est opposé à une certaine façon de voir, à une philosophie, à une éthique de la vie. Mais lorsque le pouvoir fait de bonnes réalisations, telles des routes, je le félicite. Avec le coton, le café, l’un des meilleurs ports de l’Afrique, etc., le Togo ne peut pas se permettre d’être un pays pauvre et misérable.

S : L’opposition a été accusée dans les incendies des marchés de Kara et Lomé. Ces accusations sont-elles fondées ?

B.K. : Quel intérêt l’opposition a à incendier des marchés ? On a accusé nos camarades du CST, et je me demande comment cela peut être possible, puisque certains commerçants financent les activités de l’opposition. Je me pose la question de savoir jusque-là, ce que l’opposition peut récolter en provoquant ces incendies.

S. : Le pouvoir n’a pas non plus intérêt à faire brûler des marchés pour les reconstruire après ?

B.K. : Si le pouvoir était vraiment innocent et cherchait la vérité, il pouvait œuvrer dans ce sens, car il a tous les moyens pour faire la lumière sur cette affaire.

S. : A propos, l’opposition réclame la publication du rapport de l’enquête sur l’origine des sinistres, commanditée auprès de la France, par les autorités togolaises…

B.K. : L’opposition a réclamé la publication de ce rapport et cela n’a jamais été fait. Pourquoi faire venir de façon unilatérale des experts français ? Des gens ont été arrêtés et relâchés dans le cadre de cette affaire. Pourquoi un tel acte, si tant il est vrai que les intéressés sont impliqués dans l’affaire des incendies ?

S : Le pouvoir dit avoir voulu apaiser le climat politique, en procédant à ces libérations...

B.K. : L’apaisement n’est pas contraire à la vérité. La vérité fait plutôt l’apaisement. On ne peut pas faire l’apaisement dans le mensonge et le flou. On ne se fait pas confiance, on s’accuse mutuellement. On vit dans des ténèbres.


Interview réalisée à Lomé par Kader Patrick KARANTAO

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