Le procès du putsch manqué a repris, le jeudi 16 août 2018 au tribunal militaire délocalisé dans la salle des fêtes de Ouaga 2000, avec l’interrogatoire du soldat de 1ère classe, Sidiki Ouattara. Il est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et dégradation de biens.
La reprise du procès du putsch manqué a ressemblé à une rentrée de classes pour les accusés, qui ont marqué leurs retrouvailles, le 16 août 2018 à la salle des fêtes de Ouaga 2000, par des accolades, des tapotements et des rires aux éclats. Les interrogatoires se sont poursuivis avec le soldat de 1ère classe, Sidiki Ouattara, 25 ans, avec comme avocat commis d’office, Me Alexandre Lassané Daboné. Le tribunal a dû trouver un traducteur «ad hoc» pour ce prévenu, qui ne s’exprime qu’en langue dioula et c’est Abel Sané, un gendarme, qui a prêté serment pour traduire «fidèlement» en français les propos de l’accusé. Accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et destruction de biens, le soldat natif de Kuakuali dans le Houet a plaidé non coupable. Dans sa version des faits, Sidiki Ouattara se souvient juste avoir participé à une «corvée», sans savoir de quoi il s’agissait. «Le sergent Djerma est venu me chercher pour une corvée. En route, le sergent-chef Koussoubé est monté avec nous. Arrivé, j’ai attendu dans le véhicule, puis Koussoubé est venu me chercher et nous avons fait monter du matériel (..). Moi je n’ai fait qu’exécuter des ordres…», a-t-il relaté. Aux dires de l’accusé, c’est lors de son interrogatoire qu’il a découvert que la corvée en question avait eu lieu à la radio Savane FM et que la station a été saccagée à l’occasion. Le soldat est resté campé sur sa position tout au long de son audition. Il a insisté qu’il n’a fait qu’exécuter des ordres de sa hiérarchie et qu’il n’a posé aucun acte ni participé à aucune activité entrant dans le cadre des événements du 16 septembre 2015 et les jours suivants, en dehors de la «corvée» à savane FM.Le procureur militaire le confrontera notamment à ses déclarations pendant l’enquête préliminaire à la gendarmerie, puis devant le juge d’instruction et celui de la Chambre de contrôle. Sidiki Ouattara aurait avoué avoir effectué des patrouilles dans la ville pendant 48 heures à l’occasion du coup d’Etat. L’accusé a nié à la barre n’avoir jamais effectué de telles déclarations. Au demeurant, il s’est plutôt plaint des conditions dans lesquelles il a été arrêté et détenu. Il reprochera ainsi aux gendarmes qui l’ont arrêté et entendu, de l’avoir «traumatisé» et d’avoir «imaginé» les propos qui lui sont prêtés dans le procès-verbal d’interrogatoire. Son conseil a, par conséquent, demandé au tribunal de ne prendre en considération que les déclarations faites à la barre, dans le cadre de ce procès. Les questions du parquet feront sentir une pointe d’agacement chez l’accusé. Il se plaindra, entre autres, du froid de la climatisation et de ce que son interprète ne traduit pas fidèlement ses propos.
Dans quelle langue recevait-il les ordres ?
Ne se sentant pas à un moment donné «en forme», il obtiendra une suspension d’audience de cinq minutes. Mais à la reprise, l’avocat de la partie civile, Me Prosper Farama, a chargé le soldat. En effet, il s’est dit convaincu que le jeune militaire joue au théâtre en laissant croire qu’il ne comprend pas le français. Sinon, a renchéri Me Farama, dans quelle langue ses supérieurs, qui ne comprennent pas dioula, s’adressaient-ils à lui ?Pour Me Farama, la version des faits soutenue par le soldat Ouattara est invraisemblable. «Ses explications ne sont pas cohérentes. Il savait ce qu’il faisait, c’est ridicule», s’est-il exclamé. Me Farama a également demandé au conseil de l’accusé, de fournir les bases légales de sa requête d’écarter les procès-verbaux d’audition de la Chambre d’accusation. L’avocat du soldat Ouattara a rétorqué, qu’il n’a pas soulevé une exception sur lesdites pièces, mais qu’au regard de l’article 430 du Code de procédure pénale, les procès-verbaux sont de simples renseignements. Du reste, il a expliqué que les procès-verbaux n’ont pas été lus dans une langue compréhensible par son client. Une argumentation battue en brèche par le procureur militaire. Pour lui, les procès-verbaux visés à l’article 430 du Code de procédure pénale, sont ceux de la police judiciaire ou de la gendarmerie. Il a renvoyé la défense aux articles 151 et suivants dudit code, qui donnent aux procès-verbaux des commissions rogatoires, la même force de preuve que ceux du juge d’instruction. Et de conclure que l’audition du soldat Sidiki Ouattara a été faite devant une commission rogatoire. Par conséquent, a-t-il estimé, son conseil ne peut se prévaloir de l’article 430. Suspendu à 16 heures 56 minutes, l’audience reprendra ce vendredi matin à 9heures.