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Amadou Diemdioda Dicko, vice-president de l’UPC « Lorsque vous envisagez de faire de la politique, il vaut mieux ne jamais aller dans un parti au moment où tout est prêt»

Publié le mardi 14 aout 2018  |  Le Pays
Présidentielle
© aOuaga.com par Séni Dabo
Présidentielle 2015 : Yacouba Ouédraogo désigné pour défendre les couleurs de l`UBN
Samedi 25 juillet 2015. Ouagadougou. L`Union pour un Burkina nouveau (UBN) a désigné son candidat à l`élection présidentielle du 11 octobre en la personne du premier responsable du parti à savoir le colonel Yacouba Ouédraogo. Photo : Amadou Diemdioda Dicko, premier vice-président de l`UBN et présdent du collège électoral
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II est, depuis le dernier congrès de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) tenu en juillet dernier, le 4e vice-président du parti du lion. Mais avant, il a traîné sa bosse dans plusieurs partis politiques au Burkina Faso. De la Convention des forces démocratiques (CFD/B) à l’Union pour un Burkina Nouveau (UBN) en passant par le Congrès pour la démocratique et le progrès (CDP), il a toujours été indéboulonnable dans sa province natale, l’Oudalan. Nous l’avons reçu le 4 août dernier, dans le cadre de notre rubrique hebdomadaire « Mardi politique ». Et c’est sans langue de bois qu’Amadou Diemdioda Dicko, puisque c’est de lui qu’il s’agit, répond à nos questions. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Qu’est-ce qui vous a fait partir de l’UBN ?

Amadou Diemdioda Dicko : Je suis parti de l’UBN parce que, tout simplement, le parti a perdu ses repères. Quels sont ces repères ? D’abord, le président du parti, Yacouba Ouédraogo, a rendu sa démission. Il y était obligé, compte tenu du fait que la loi ne l’autorisait plus à faire un cumul de fonctions, c’est-à-dire être militaire et civil en même temps. C’est ainsi qu’il a choisi de rejoindre l’armée en me confiant les rênes du parti. Au même moment, il y a eu d’autres départs, notamment celui du secrétaire général. Je me suis retrouvé avec un parti totalement handicapé parce qu’une bonne partie de sa direction s’était évanouie (NDLR : dans la nature). Après le départ du président, nous ne tenions presque plus de réunions. Pendant qu’il était à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), nous en avions tenu quelques unes sous son instigation. Nous devions faire le choix entre rejoindre l’opposition politique ou la majorité au pouvoir. La volonté du président était d’aller à la majorité et c’est ce que nous avions tenté de faire. Nous avons déposé notre demande d’adhésion à la majorité, même si certaines personnes ne souhaitaient pas que nous allions à ce regroupement. Mais compte tenu du fait que la demande n’a pas été acceptée, nous avons été obligés de rejoindre l’opposition. On ne pouvait pas continuer à pousser une porte pendant qu’elle était fermée à double tour. Du reste, je rappelle qu’aux élections de 2015, nous avons soutenu la candidature du président de l’UPC, Zéphirin Diabré. En 2016, nous avons également participé aux élections municipales sous la bannière de l’UPC. Donc, tout était réuni pour qu’aujourd’hui, les militants de la Convention des forces démocratiques du Burkina (CFD/B) et de l’UBN se retrouvent à l’UPC.

De la CFD/B à l’UBN, vous êtes aujourd’hui à l’UPC. Pourquoi toutes ces pérégrinations ?

Ce n’est pas du nomadisme comme certains pourraient le penser. Il y a des faits qui parlent d’eux-mêmes. Si nous étions allés au MPP, les gens nous auraient accusés d’être allés à la soupe. C’est peut-être pour cette raison que certaines personnes ne voulaient pas de nous à la majorité. De mon point de vue, lorsque vous envisagez de faire de la politique, il vaut mieux ne jamais aller dans un parti au moment où le plat est prêt. Parce que vous devenez un convive soupçonné de tout. Si vous voulez aller dans un parti, il vaut mieux aller à la base, vous battre pour monter. Notre adhésion à l’UPC répond à cette logique parce que nous pensons qu’il faut se battre avec les autres et espérer un jour arriver au pouvoir au lieu de passer par la fenêtre et se retrouver à l’intérieur de la maison pour qu’on vous demande celui qui vous y a invité. Cela peut produire plusieurs effets. Si vous n’y prenez garde, vos nouveaux camarades qui ne vous connaissent pas, vont vous soupçonner continuellement. En plus, les quelques éléments que vous emmenez avec vous, risquent de ne pas avoir de la place dans la nouvelle destination. Là, ils vont se décourager et vous quitter. Engager la lutte depuis la base vous permet non seulement de vous intégrer dans le groupe, mais aussi d’y intégrer vos camarades. Si on arrive à ce moment au pouvoir, on se connaît tous en tant que frères de lutte et non en tant que saprophytes, venus profiter d’un plat déjà prêt à déguster.

Vos militants vous ont-ils suivi à l’UPC ? Du moins, êtes-vous sûr que vos militants vous ont suivi à l’UPC ?

Nos militants de l’Oudalan, du Houet et du Sanguié nous ont suivis. La preuve est qu’avant d’aller à l’élection présidentielle, j’ai organisé une tournée dans les 5 communes de l’Oudalan, notre fief, pour discuter avec les militants leur position quant au choix politique à opérer à l’époque. Ils ont dit de soutenir la candidature de Zéphirin Diabré et nous l’avons fait. Aux élections municipales, nous avons fait la même chose et ils se sont portés sur la liste de l’UPC. Ce positionnement nous a permis de conquérir trois communes sur les cinq que compte l’Oudalan. Ce sont les mêmes militants qui se sont battus en 2015 pour que nous ayons un député UBN. Nos militants à la base sont favorables à notre position actuelle. Ils ont montré la preuve de leur adhésion. Au dernier congrès de l’UPC, ils étaient au moins 150 conseillers, venus de la province de l’Oudalan, à y prendre part.

Vous rejoignez l’UPC au moment où ce parti traverse une crise. Que vous inspire cette situation ?

Vous avez vu que le vendredi 3 août 2018, le groupe des frondeurs a perdu son procès que l’UPC a intenté contre eux. Désormais, les frondeurs eux-mêmes doivent se chercher dans la mesure où ils n’ont plus de parti politique. Ils utilisaient le logo de l’UPC et ce logo leur a été retiré. Ce qui veut dire même que le groupe des frondeurs traverse une autre crise. On peut d’ailleurs considérer que ce sont eux qui ont créé la crise à l’UPC. Maintenant, quelle sera leur destination puisque le procès n’est pas encore achevé ? Vont-ils créer un parti ? Vont-ils errer à la l’Assemblée nationale ? Voilà des questions qui sont posées et nous verrons, au fil du temps, ce qui va se passer. En ce qui me concerne, je suis allé à l’UPC dans le cadre du renforcement de la démocratie d’une part, et d’autre part, de celui de l’opposition. Je pense que si le pouvoir veut une démocratie véritable, il doit tout faire pour renforcer son opposition de manière à ce que les rapports de forces soient équilibrés. Quand vous affaiblissez votre opposition, vous vous affaiblissez vous- mêmes. Nous l’avons vu avec le CDP qui avait avalé en 1996, 13 partis politiques et a grossi pour devenir à la fin, ingérable. Les contestations sont retournées à l’intérieur du parti comme des germes dans un fruit. Conséquence, il y a eu un éclatement et vous vous avez vu où cela nous a tous conduits : l’insurrection populaire. De mon point de vue, on doit toujours travailler à l’équilibre des forces. Il ne s’agit pas forcément de donner le pouvoir à l’opposition, mais de faire en sorte qu’elle soit une opposition crédible pour vous permettre de mieux travailler aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Certains estiment que votre arrivée à l’UPC s’explique par le fait que ce parti veut conquérir le Sahel. Qu’en dites-vous ?

Dire que l’UPC cherche à conquérir le Sahel est tout à fait normal. Ce n’est pas moi qui ai cette vision des choses ou qui définis cet objectif. Le parti cherche à conquérir le Sahel tout comme le MPP cherche à conquérir toutes les régions. Maintenant, si l’UPC pense que je peux l’aider à atteindre ses objectifs, j’essaierai, dans la mesure de mes moyens, de l’appuyer. Toujours est-il que ce n’est pas une tâche facile.

Pourquoi plutôt que de rejoindre la majorité, vous avez préféré rejoindre un parti d’opposition ?

Depuis la Transition, on nous a classés d’office à l’opposition. Pour la petite histoire, c’est dans cette opposition que nous avons grandi. Depuis les années 88, sous la Rectification, j’ai été de ceux-là qui ont créé ensemble l’ODP/MT puis le CDP. Mais compte tenu d’un certain nombre de problèmes à l’intérieur des partis politiques, les choix des députés n’ont pas toujours été des choix faciles. C’est ainsi que j’ai été éjecté du parti. Pour éviter d’aller dans un autre et créer encore des problèmes, je me suis résolu à créer la Convention pour la démocratie et la fédération en 1998, que j’ai lancée au niveau de Gorom-Gorom et en 2000, nous avons conquis la mairie de cette localité. Nous avons ensuite continué avec la Coalition des forces démocratiques (CFD) en 2002. Il vous souviendra que les régionales ont été organisées sur l’ensemble du territoire. Et ce n’est pas facile pour un petit parti de couvrir une province, a fortiori une région. Nous sommes donc allés dans un autre regroupement avec la CFD alors dirigée par Ram Ouédraogo et nous avons réussi à avoir 5 députés. Arrivés à l’Assemblée nationale, les mêmes ont cassé la CFD pour aller, qui dans l’opposition, qui dans la majorité. Le parti a grandi et a engrangé beaucoup de victoires lors des élections successives. En 2012, nous nous sommes retrouvés avec 8 communes, un conseil régional et 3 députés. Au moment de l’insurrection populaire, nous tentions de couvrir le territoire national. Mais les évènements sont intervenus et ont découragé plus d’un. Certains ont quitté le parti. Finalement, la CFD/B s’est retrouvée avec sa portion congrue, le Sahel. Après l’insurrection, n’étant plus capable de mobiliser encore d’autres militants, nous avons pensé que notre parti a atteint son apogée et qu’il fallait aller ailleurs. Comme je vous le disais tantôt, je n’étais plus en mesure, personnellement, de gérer un parti politique. C’est pourquoi, lorsque le Colonel Yacouba Ouédraogo m’a contacté, j’ai accepté d’aller avec lui pour former l’Union pour un Burkina nouveau (UBN) parce que la vision qu’il nous proposait, était une vision juste : la réconciliation nationale et la cohésion sociale qui étaient pour nous un leitmotiv.

Comment justifiez-vous l’adoption du nouveau Code électoral ?

Le nouveau Code électoral, pour nous, divise les Burkinabè en plusieurs zones. Ceux qu’on peut appeler autochtones sont ceux qui ont leurs actes de naissance et qui ont un certificat de nationalité. Les autres qui sont nés à l’extérieur doivent venir faire la preuve de leur nationalité. La carte consulaire a eu pour base d’élaboration l’acte de naissance. Pour faire la CNIB, il faut également l’acte de naissance ou le jugement supplétif d’acte de naissance. A ce niveau, les deux documents sont pareils. Pour motiver la diaspora à établir sa carte consulaire, on a même essayé de monter la surenchère puisque cette carte coûte 7 500 F CFA. Si vous multipliez 7 500 F CFA par 980 mille ressortissants burkinabè en Côte d’Ivoire, cela fait 7, 350 millions de F CFA qui ont d’ailleurs contribué à édifier l’ambassade du Burkina Faso en Côte d’Ivoire. C’est dire que c’est une forte contribution. A partir de ce moment, nos compatriotes ont fait preuve de patriotisme. Ils ont prouvé qu’ils appartiennent à la patrie. Maintenant, si on leur dit que la carte consulaire ne peut pas servir à une élection, c’est comme si nous dévalorisions cette pièce. Cela crée une source d’inquiétudes pour nos ressortissants. On peut leur dire à tout moment qu’ils ne sont pas Burkinabè. Pour une question d’équité, il fallait les laisser, pour la première fois, aller aux élections avec la carte consulaire. Si le problème de la nationalité doit se poser pour la diaspora, il faudrait même qu’on revienne au Burkina pour que nous qui sommes ici, fassions également la preuve de notre nationalité. Si l’acte de naissance, simplement, sert à obtenir le certificat de nationalité, cela pose problème parce que nous avons des étrangers qui sont nés au Burkina Faso et qui ont l’acte de naissance et qui ont pu se faire établir une pièce d’identité. Allons dans nos frontières et faisons l’audit. Nous allons découvrir qu’il y a des Maliens, des Nigériens ou d’autres d’ailleurs, qui sont venus se faire une pièce d’identité. Avec la découverte des sites aurifères depuis 1986, toutes les nationalités environnantes se sont ruées vers l’or. Des gens sont restés chez vous et ont eu des enfants. Ces enfants ont des actes de naissance. Aujourd’hui, nous les comptabilisons comme étant des Burkinabè alors qu’ils ne le sont pas. En 2012, nous avons dénoncé cette sorte de prédation de notre nationalité parce qu’on avait découvert au moins 50 personnes d’origine malienne, qui se sont fait recenser à Tin- Akoff. On a sorti la liste déposée à la CENI et on l’a publiée dans les journaux pour dénoncer une fraude mais, personne n’a parlé. C’est dire que le problème de la nationalité ne se pose pas seulement au niveau de l’étranger. Il se pose aussi au niveau national. En ce qui concerne la CNIB, tout le monde au Burkina Faso n’en a pas. Dans les villages, certaines personnes ont eu la carte d’électeur sur la base de l’acte de naissance.

L’insécurité dans votre zone, le Sahel, a-t-elle régressé ou s’est-elle amplifiée ?

L’insécurité dans le Sahel est une question extrêmement délicate. Vous touchez là un problème qui n’est pas seulement celui du gouvernement, mais un problème national qui nous concerne tous et qui mérite réflexion. Appelons tout le monde à la réflexion, les médias, les politiques, les ONG et les personnes- ressources. C’est un phénomène que personne ne maîtrise. Que font les terroristes ? Ils vous attaquent et, à un moment donné, ils arrêtent, vous laissant croire que c’est fini. Un beau jour, ils reviennent et tapent là où vous ne vous attendez pas. Tant que le phénomène ne sera pas enrayé au Mali, ce sera toujours une menace pour le Mali, le Burkina Faso, le Niger et l’ensemble de toute la région. Nous devons voir comment étouffer ce phénomène là où il a germé. Les problèmes tels que nous les observons sont de deux ordres. Le problème de l’insécurité a été créé par les rébellions. C’est à partir de la rébellion qu’en 2012, le terrorisme et le banditisme ont apparu. Aujourd’hui, on est en train de traiter simplement le problème du terrorisme. Mais au Mali, on ne traite pas le problème de la rébellion. Vous avez le MNLA qui est à Kidal. Là-bas, c’est la tendance indépendantiste. Ensuite, au Centre, vous avez les éléments terroristes tels que Almourabitoun de Amadou Koufa dans le Macina. Ensuite, vous avez les éléments d’auto-défense que sont le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et le Gatia dans la zone de Ménaka. A partir de ce moment, il y a comme un méli-mélo qu’il faut savoir traiter. Il y a ceux qui sont pour la plateforme malienne dans le cadre de la résolution du problème et ceux qui sont contre ladite plateforme. De mon point de vue, il faut régler à la fois ces deux problèmes, c’est-à-dire le djihadisme et les velléités indépendantistes. Sinon, lorsqu’on va finir de régler la question du terrorisme, les velléités indépendantistes vont se réveiller. Le problème reste toujours là puisque le Nord du Mali n’est pas gouverné. L’administration y est totalement absente. Depuis Djibo au Burkina et jusqu’à la zone de Ménaka, il n’y a pas de préfet ou de commandant de cercle. Il n’y a que des chefs de village et des chefs terroristes qui font la loi. A tel point qu’on va vers un autre problème, celui du communautarisme qui est en train de se développer. Vous avez les peulhs contre les touaregs dans la zone de Ménaka. Vous avez aussi les peulhs contre les dogons dans la région du Macina. Chaque communauté s’organise pour défendre sa cause à tel point qu’on ne sait même plus qui est qui. C’est un nouveau problème qui dépend des autres problèmes. On voit clairement que le tissu social, au niveau du Mali, est menacé. Quand les gens ont pris des armes et se sont entretués, comme au Rwanda en 1994, il faut des solutions courageuses et de l’énergie pour recoudre cette calebasse cassée. En tant que voisins du Mali, nous avons les mêmes populations et par reflet, nous risquons, si on ne fait pas attention, de subir les mêmes situations. Certainement, vous avez entendu parler de l’Alliance pour le salut du Sahel (ASS), une association qui a été créée, dit-on, dans la zone de Lagacher. Elle regroupe les peuls du Mali et ceux du Burkina Faso. Cela veut dire que le communautarisme est en train de s’approcher de nous. Cette association a été créée dans une zone où les peuls n’existent pas. C’est en fait une main tendue à tous les tamackophones qui sont situés au long du fleuve. J’en ai déjà parlé. Je dis de faire attention à cette association car elle risque d’être une branche de Ansar Islam. Personnellement, depuis 1994, je suis engagé sur cette question, à savoir la sensibilisation des populations sur la question sécuritaire. Cela m’a amené, en 2003-2004, à créer le festival pour coudre le tissu social en organisant une fête commune pour tout le Sahel de manière à ce qu’on puisse se retrouver pour parler des questions de développement et surtout de sécurité. Il y a eu suffisamment de sensibilisation dans ce cadre. Peut-être cela explique-t-il le fait que la partie de l’Oudalan n’est pas totalement impliquée dans le terrorisme. Mais, nous disons ceci : faisons attention. Il se pourrait qu’ily ait des cellules dormantes dans tout le Sahel.

Que pensez-vous du Programme d’urgence pour le Sahel (PUS) et son opérationnalisation actuelle ?

Quand les populations ont entendu parler des 400 milliards de F CFA pour le Sahel, j’avoue qu’il y en a beaucoup qui sont allées chez elles, laver leurs habits, les plats et autres ustensiles, attendant ce que le gouvernement va apporter. La population ne s’attendait pas à voir une maison clôturée par-ci, une maison construite par-là. Ce qu’elle attendait, c’est l’amélioration de son plat quotidien. Que ce ne soit plus tô, avec de l’eau salée mais plutôt, qu’il y ait dans ce tô, du lait parce que le lait a disparu. C’est la question alimentaire qui préoccupe le Sahel. Le sac de petit mil coûtait, il y a de cela un mois, 30 000 F CFA. Quand on me l’a dit, je n’y croyais pas et j’en ai acheté. A Tin-Akoff, il était à 40 000 F CFA. Jusqu’à présent, cela ne s’est pas amélioré. Le PUS doit d’abord s’attaquer à la question de l’autosuffisance alimentaire. Si la personne ne mange pas, ne boit pas, elle ne vous comprend pas. C’est comme on le dit, « ventre creux n’a point d’oreille ». Avec le PUS, c’est vrai, nous avons eu des clôtures des postes de gendarmerie. A part cela, nous circulons dans le Sahel, mais on ne voit pas le PUS pousser. Alors que nous attendons que le PUS pousse. J’ai applaudi le gouvernement quand il a promis d’investir plus de 400 milliards de F CFA dans le Sahel mais nous voulons voir ces 400 milliards de F CFA. Cet argent du PUS, nous voulons le voir. L’autre urgence dans le Sahel, ce sont les aliments pour le bétail. Avant d’atteindre l’hivernage, il y a eu beaucoup de pertes d’animaux à cause du manque d’eau et de pâturage. Les gens sont souvent obligés de remonter vers le Mali ou de descendre vers l’intérieur du pays. Et vous savez, ceux qui remontent au Mali pour des problèmes de pâturage, s’allient parce qu’il faut qu’ils aient la caution des groupes qui agissent au niveau du Sahel pour pouvoir héberger leurs animaux. Cela pose problème. A un moment donné, les personnes qui vont et viennent ont senti qu’on n’avait pas confiance en elles et sont remontées au Mali. Et celles qui sont favorables au gouvernement, sont redescendues vers le Sud. Nous avons qualifié cela de réfugiés autochtones. Tous ceux qui ont fui la frontière pour entrer à l’intérieur du pays, sont des réfugiés autochtones. Ils sont chez eux mais refugiés.

D’aucuns disent que vous êtes suffisamment avancé en âge pour prendre votre retraite politique. Que leur répondez-vous ?

Je pense qu’ils ne comprennent pas bien la politique. La politique ressemble un peu à l’éducation. Dans l’éducation, telle qu’elle est conçue, un enseignant n’est bon que lorsqu’il prend de l’âge. C’est à ce moment qu’il acquiert la méthode. Avec l’expérience, il acquiert des procédés et se départit même de la pédagogie du bâton que vous avez connue. Si un enseignant frappe un élève parce qu’il n’a pas compris la leçon, il doit savoir que ce n’est pas la faute de l’élève, mais plutôt celle du maître lui-même qui manque de pédagogie. En matière politique, vous ne pouvez pas dire à un jeune de 22 ou 23 ans, de venir diriger une structure et l’empêcher de sortir, de s’amuser. Il n’a pas fini de vivre et il faut lui permettre de vivre. Mais il doit également avoir une formation pour assurer ses fonctions politiques. C’est vrai que j’ai dépassé la soixantaine, mais c’est l’âge pour donner et recevoir. Autant on ne finira jamais d’apprendre, autant on ne finira jamais de donner. Si vous décidez de prendre votre retraite, vous allez avec les connaissances que vous avez. Vous ne les transmettez pas à la nouvelle génération. En matière politique, je prends l’exemple sur Gérard Kango. Jusqu’à ce qu’il meure, il était au-devant de la scène. Le Boussouma Naaba, je l’ai trouvé en politique. Depuis 1978, il est à l’Assemblée nationale. Mais il est toujours là. Nos chefs de village sont nommés à vie, ils vieillissent dans leurs fonctions. Plus ils avancent en âge, plus ils ont quelque chose à donner. C’est pour dire que la politique est une question d’expérience. Il n’y a pas aujourd’hui une école au Burkina Faso, où on va apprendre à faire de la politique. Les écoles politiques sont les partis politiques et le terrain. C’est pourquoi je vous dis que je suis allé à l’UPC pour apprendre. Mais si j’ai quelque chose, je vais en donner. De 1992 en 2014, j’étais dans la mouvance présidentielle, là où on dit que tout est facile. C’est le papa qui règle et nous profitons. Mais il faut aussi revenir faire la preuve en bas. Il faut revenir à l’opposition pour apprendre à goûter à ce qui est difficile. C’est comme je le disais, dans la mouvance, le plat est préparé, on vient et on mange. Mais dans l’opposition, on doit aller au charbon. Je suis venu au charbon pour voir quelles ont été nos erreurs dans le passé. Comme vous le dites, nous sommes au bout du rouleau. Mais nous ne devons pas partir avec nos connaissances au cimetière. Sinon, on ne dira jamais comme Amadou Ampathé Ba, que « quand un vieillard meurt dans un village, c’est toute une bibliothèque qui brûle ». Nous ne voulons pas brûler avec nos connaissances. Bref, je sais où le plat est prêt mais j’ai préféré aller à l’UPC. Ce n’est pas pour avoir un gain personnel mais c’est pour le gain collectif.

Propos recueillis et retranscris par Issa SIGUIRE
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