Le Comité international mémorial Thomas Sankara (CIM-TS) a commémoré, le 4 août 2018, les 35 ans de l’avènement de la révolution d’août 1983. Une rencontre a été organisée à cet effet à la Rotonde située au Conseil de l’Entente où des témoins privilégiés de l’histoire ont tenu le public en haleine par des témoignages sur la révolution et les temps qui ont suivi.
La rencontre autour de la révolution d’août 83 visait à donner une tribune à des auteurs burkinabè qui ont écrit sur Thomas Sankara, père de ladite révolution, pour échanger et partager avec le public, le sens de leur combat pour sa mémoire. Alfred Sawadogo, Jean Hubert Bazié, Appolinaire Kyélem, Jean Claude Somda et Dr Dramane Konaté pour ne citer que ceux-là, ont pris du plaisir à partager bien des récits, des vérités et des témoignages avec le public venu une fois de plus se souvenir de celui que beaucoup considèrent comme le « Che Guevara africain ». Par exemple, les productions littéraires ayant trait à la vie de Thomas Sankara sont multiples et diversifiées, a rappelé Dramane Konaté dans son mot introductif. Les livres du regretté Valère Somé sur Sankara, ceux écrits par Jean Hubert Bazié, sont présentés, entre autres, comme des témoignages qui donnent des frissons, édifient et laissent des points de suspension et le roman de Yacouba Traoré relate ce que l’homme de la révolution du 4 août a fait. Grâce aux auteurs, les idéaux de Sankara ont été transmis à la jeunesse qui s’en approprie pour le combat de la vie, selon plus d’un témoin de la révolution. Cependant, l’ouvrage de Charles Lona Ouattara, intitulé « Les dessous de la révolution », prend à contre-pied tout ce qui a été écrit sur Sankara, relève au passage Dramane Konaté. Pour lui, des traits structurants apparaissent sur Sankara dans le panorama littéraire. Officier atypique bousculant sa hiérarchie, il s’est abreuvé, de Madagascar à Paris, à la source de la révolution, commente-t-il. Enfant révolté contre le colonialisme, héros de guerre se caractérisant par ses hauts faits de guerre, Sankara fut le « héraut têtu » qui n’avait pas peur, selon ses mots. Alfred Sawadogo confie que Sankara s’est révélé au peuple comme un homme de type nouveau, qui a incarné le rêve collectif de tout un peuple. Jean Hubert Bazié parle du Sankara qui a été et du Sankara dont on parle. Proche collaborateur de Sankara qui l’a nommé à la tête du quotidien d’Etat Sidwaya à l’époque, quand il était Secrétaire d’Etat à l’information, M. Bazié raconte que Sankara animait certaines rubriques telles que « Clin d’œil », « l’Intrus », ce qui faisait vendre le canard. Certaines informations sur des membres de l’Exécutif venaient de Sankara en son temps, indique Jean Hubert Bazié. Le président Sankara mettait toujours de côté les discours officiels préparés à l’avance pour lui quand il faisait une adresse au peuple, à des cérémonies. Le seul discours qu’il aura le plus lu, c’est celui qu’il a tenu à la tribune de l’ONU, à l’entendre. Bazié a écrit une pièce de théâtre sur la mort de Sankara ; laquelle pièce n’a jamais été publiée. Dr Dramane Konaté, analysant la vie de l’homme du 4 août 1983 dans une démarche astrale, soutient que Sankara est né un mercredi. Ce qui lui confère le signe astral « Mercure ». Il était sous l’influence de Jupiter et de Mercure, ajoute-t-il. Cette analyse sous le signe astrologique confirme, selon Jean Hubert Bazié, des faits réels sur Sankara.
Sankara, un homme porté sur la promotion de l’humain
Les jeunes doivent se convaincre, selon lui, qu’il n’y a rien de bon qui s’obtient de façon improvisée et que les raccourcis ne mènent nulle part, conseille Jean Hubert Bazié à la jeunesse. C’est avec Sankara que commence l’émancipation des femmes, selon Apollinaire Kyélem. Des femmes sont nommées hauts commissaires, ambassadeurs, ministres… et on comptait 25% de femmes une fois dans le gouvernement sous Sankara ; ce qui était rare, relate un témoin de l’histoire qui confie que Rosine Coulibaly/Sori, actuelle ministre de l’Economie et des finances, était un CDR responsable des femmes de Bilbalogo, sous la révolution. En publiant « Thomas Sankara et la révolution : une expérience de développement autocentré », Apollinaire Kyélem a voulu rectifier les contre-vérités sur la révolution et élucider des faits. Il confie qu’il y avait une haine tenace contre Sankara. Pour lui, même s’il y avait des assassinats sous la révolution, Sankara n’en était pas commanditaire. Sur le licenciement des 1500 enseignants, les témoins rappellent que Sankara n’était pas au Conseil des ministres qui en a décidé et a voulu revenir là-dessus, mais n’a pas été suivi. Jean Claude Somda, un autre écrivain, déplore la confusion au plan idéologique chez la classe politique actuelle, les alliances contre-nature dans un pays où corruption et intégrité se côtoient sans cesse. Damata Gnanou, ancienne coordonnatrice des CDR de services jusqu’en 1987, confie que Sankara a travaillé à faire disparaître l’exploitation de l’homme par l’homme au Burkina, la maltraitance des agents dans les services par des patrons et a surtout lutté contre la prostitution. Elle décrit l’homme de la révolution comme un humaniste, un homme élégant porté sur la promotion de l’humain, la promotion de la femme et de sa dignité. « On est retombé dans les travers de la prostitution. Sous Sankara, cela était combattu et interdit », soutient-elle. Quand elle voit la chosification de la femme et de son corps, Damata Gnanou pense qu’on est reparti 30 ans en arrière, après la révolution.