Blaise Compaoré a commandé un rapport sur le processus d’opérationnalisation du Sénat, face aux vagues que la mise en place de cette institution soulève au Burkina Faso. Certains estiment qu’il s’agit d’un rétropédalage du chef de l’Etat. Mais des opposants, que nous avons contactés, se montrent eux prudents.
Que va-t-il advenir du Sénat, institution dont la mise en place divise les Burkinabè? Dans la soirée de lundi, un communiqué de la présidence du Faso indiquait qu’«au regard des controverses et préoccupations qui traversent les différentes composantes de la société burkinabè, et relatives à la création du Sénat», le président du Faso charge le Premier ministre et le ministre en charge des Réformes politique de lui fournir, au plus tard le 31 août, «un rapport d’étape circonstancié sur le processus d’opérationnalisation du Sénat avec des recommandations et propositions appropriées dans un esprit de consolidation des institutions républicaines».
Il est peut être encore trop tôt pour conclure à une renonciation. Après tout, on ignore ce que ledit comité va proposer et ce que le chef de l’Etat décidera par la suite. Et des opposants contactés par Fasozine ce mardi, eux, se montrent sceptiques. «Il faut rester extrêmement prudent parce que nous sommes en politique», conseille ainsi Me Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance nationale/Parti sankariste (Unir/PS). «L’Unir/PS prend acte, ajoute t-il. Mais cela n’enlève en rien notre détermination à mener le combat pour un véritable changement. L’opposition ne doit pas baisser la garde. Il faut que Blaise Compaoré parte en 2015. Et qu’il recule ou pas sur la question du Sénat, l’Unir/PS se battra pour le changement en 2015».
Mais Me Sankara pense que la décision peut cacher une reculade. «Nous saluons le fait que pour une fois, le peuple s’est mis debout pour résister. Mais je crois surtout que Blaise Compaoré est pris dans son propre piège. Aujourd’hui, le Sénat est constitutionnalisé. Va-t-on revenir à l’Assemblée pour supprimer cette institution?», s’interroge l’avocat.
«Si le président du Faso était de bonne foi, il aurait pu nouer le dialogue avec l’opposition qui a obtenu un statu de chef de file qui fonctionne. Au lieu de cela, il est allé créer un CCRP (Conseil consultatif sur les réformes politiques, Ndlr) et il y a associé des opposants courtisans. Voilà où cela mène», constate t-il.
Même son de cloche chez Tahirou Barry, le président du Parti de la renaissance nationale (Paren). «Je crois qu’il est encore trop tôt pour manifester un triomphalisme, surtout quand on sait que ce pouvoir-là est passé maitre dans l’art du dilatoire» observe l’homme que nous avons joint au téléphone.
Et de préciser que ce qu’il retient du communiqué, c’est surtout que «le sort du Sénat est suspendu au rapport du comité de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des réformes politiques consensuelles, qui, comme vous le savez, ne comporte pas en son sein des personnalités crédibles de la classe politique ou de la société civile. C’est un instrument du pouvoir».
Pour Tahirou Barry, «tant que la loi du sénat ne sera pas retirée, tant que la vie chère continuera de faire souffrir les Burkinabè, tant que les étudiants ne seront pas dans de bonnes conditions pour étudier, la flamme de la résistance sera toujours allumée».
Signalons qu’une visite que le Premier ministre Luc Adolphe devait effectuer mercredi au siège du futur Sénat (l’ex palais présidentiel de Koulouba, à côté du Premier ministère) a été reportée sine die.