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Procès du putsch manqué : La petite colère du soldat de 2e classe, Seydou Soulama

Publié le vendredi 20 juillet 2018  |  Le Pays
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© aOuaga.com par DR
Comme le 27 février dernier à son ouverture, le procès du putsch manqué de septembre 2015 qui a repris ce mercredi 21 mars, s’est limité à des préliminaires comme la composition du tribunal et la dénonciation des vices de formes.
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Débuté le 17 juillet, l’interrogatoire du soldat de deuxième classe, Seydou Soulama, s’est poursuivi le 18 juillet 2018. Le soldat de deuxième classe purge déjà une peine de 10 ans écopée lors du procès de la poudrière de Yimdi. Pour le procès du putsch manqué, il est accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction volontaires de biens. Tout comme lui, Hamidou Drabo était à la barre pour répondre de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires aggravés de dégradation et destruction volontaire de biens.

Le soldat de deuxième classe Seydou Soulama et le caporal Hamidou Drabo étaient à la barre le 18 juillet 2018 à la salle des banquets de Ouaga 2000 où se tient le procès du coup d’Etat manqué de septembre 2015. Et c’est le soldat de deuxième classe, Seydou Soulama, qui était face à la juridiction pour répondre à l’interrogatoire. A la question du procureur militaire de savoir s’il avait reçu l’information relative à son affectation à Dori, il a répondu non. Pour lui, les soldats reçoivent les informations au carré d’armes et non à la radio. « Comme il n’y a pas eu de rassemblement après la dissolution du RSP, personne n’a eu l’information », dit-il sur un ton de colère. A l’en croire, après la dissolution du RSP, son ancien corps, il a senti que sa sécurité était menacée. Ce qui l’a amené à trouver refuge auprès de son oncle en République de Côte d’Ivoire. « Regrettez-vous ce qui s’est passé ? », a interrogé le procureur militaire, Alioun Zanré. Dans l’armée, explique-t-il, la taille et la forme ne comptent pas. Seul le grade prévaut. Pour ces raisons, estime-t-il, « Je peux dire que j’ai regretté d’avoir exécuté un ordre », a-t-il dit. Les victimes des évènements de septembre 2015 ont porté plainte contre vous, informe le parquet. « Je ne devrais pas être ici pour répondre de ces faits. C’est à mes supérieurs de le faire », dit-il. Lui, il a reçu des ordres et sa mission était d’enlever les pneus que les populations mécontentes avaient mis sur la route pendant lesdits évènements. « Vous vous êtes opposé à l’enlèvement des armes lors du désarmement » ?, a repris le parquet. « Non » répond-il. Selon ses dires, des hommes en tenue militaire seraient venus les informer qu’ils étaient là pour procéder à l’enlèvement des armes. Naturellement, lui et ses frères d’armes se sont opposés parce qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre de leurs supérieurs hiérarchiques dans ce sens. « Quand les officiers sont arrivés, je me suis effacé », a-t-il fait savoir. Et d’expliquer que s’ils ont refusé, c’est parce qu’ils n’avaient pas la certitude que ceux qui étaient venus étaient de vrais militaires. Après avoir écouté les articles qui condamnent, il a fini par dire que dans l’armée, ce sont les officiers qui réfléchissent. Et qu’eux ils sont chargés d’exécuter les ordres. «Le soldat n’est pas recruté avec un niveau (NDLR niveau d’étude). Quand on m’a recruté, on ne m’a pas parlé de droit», a rétorqué le soldat de 2e classe Seydou Soulama. «Si je suis votre supérieur et que je vous dis de tomber dans un trou, le ferez- vous ? », interroge le parquet militaire. «Les chefs nous disent souvent qu’ils réfléchissent pour nous. Peut-être que vous avez mis un chiffon en bas, au fond du trou. Donc je vais tomber», a répondu Seydou Soulama. Quant aux ordres qu’il aurait exécutés dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par sa hiérarchie, il a reconnu avoir été au studio d’enregistrement de l’artiste Serge Bambara alias Smockey. Là, a-t-il dit, sa mission était de sécuriser le périmètre. Mais il dit n’avoir pas utilisé d’arme, encore moins avoir tiré sur qui ou quoi que ce soit. Signalons que le soldat Seydou Soulama s’était exilé en Côte d’Ivoire après le coup d’Etat. Il a été reconnu coupable dans l’affaire de la poudrière de Yimdi et condamné à 10 ans d’emprisonnement. En plus des chefs d’inculpation qui pèsent contre lui dans le procès du coup d’Etat manqué de septembre 2015, il est impliqué dans l’affaire du pont Nazinon. C’est d’ailleurs au cours de cette opération qu’il a été arrêté. Ce jour-là, il était avec deux autres soldats de l’ex-RSP qui ont malheureusement perdu la vie. Après le soldat de 2e classe Seydou Soulama, le caporal Hamidou Drabo était à la barre. Né le 9 mars 1988 à Bobo-Dioulasso, célibataire sans enfant, il est lui aussi condamné à 10 ans de prison dans l’affaire de la poudrière de Yimdi. Complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires aggravés de dégradation et destruction volontaires de biens sont les chefs d’inculpation qui pèsent contre lui. Mais à entendre ce dernier, il n’a fait qu’exécuter des ordres qui lui ont été donnés par sa hiérarchie. C’est d’ailleurs le 17 septembre que le soldat a été appelé au camp, alors qu’il était de repos. Une fois au camp, la rencontre était déjà terminée. Il s’est donc renseigné au tableau, comme d’habitude. Et c’est là qu’il a appris qu’il était réquisitionné et mis à la disposition du sergent-chef Zerbo Laoko Mohamed. Tout comme ses prédécesseurs à la barre, il ne reconnaît pas avoir effectué de patrouilles mais reconnaît avoir été au studio d’enregistrement de l’artiste Smokey.



La constance du caporal dans les dénégations

L’audition du caporal Hamidou Drabo s’est poursuivie dans l’après-midi du 17 juillet où celui-ci a continué, avec la même constance, à rejeter les faits qui lui sont reprochés. Si déposer devant un supérieur hiérarchique peut être cause d’irrégularité d’un procès-verbal d’interrogatoire, qu’on en apporte les bases légales, demande Me Farama Prosper, avocat de la partie civile. Et Me Séraphin Somé, un autre avocat de la partie civile d’ajouter qu’au cours de sa carrière d’ avocat, c’est la première fois qu’il voit un accusé aussi libre et décontracté à la barre, au cours d’un procès pénal. Qu’un tel accusé dise avoir été intimidé par un juge d’instruction ne convainc personne, à son avis. L’accusé refuse, selon lui, les règles du jeu du procès pénal et les règles de fonctionnement de l’audience. Pour lui, dans la mesure où le greffier authentifie tout ce qui est dit ou se passe à l’audition, la déposition faite par l’accusé devant le juge militaire lors de l’instruction vaut parole d’évangile, jusqu’à preuve du contraire. Le caporal estime que le juge d’instruction qui était son commandant l’a intimidé au cours de l’instruction. Morceau choisi : « Tu es soldat, je suis ton commandant. Des gens sont passés ici et ont tout dit sur toi. Ce qui est dit est dit, que tu le veuilles ou pas, c’est ça » . Il raconte par ailleurs que lorsque la gendarmerie l’a débarqué devant le juge en question, celui-ci lui a dit qu’on le recherchait parce qu’il a torturé la population, tué des gens. Il relève que lorsque ce qu’il disait n’allait pas dans le sens que le juge voulait, celui-ci lui disait que des gens sont passés et ont dit tout sur lui, qu’il n’a rien à foutre… Lorsque le parquet lui demande s’il est monté à l’assaut le 16 septembre 2015 lors des arrestations, le caporal répond qu’il a été appelé le 17 au camp, alors qu’il était de repos.

« Qu’avez-vous fait à la présidence », ajoute le parquet ?

« Je n’ai jamais été à la présidence, je suis sorti avec mon chef (le sergent-chef Mohamed laoko Zerbo) qui m’a demandé de dégager les barricades sur la voie, j’ai exécuté des ordres ».

« Pourquoi y avait-il des barricades ? »

« Je ne sais pas, je n’ai pas demandé cela au chef »

« N’avez-vous pas su que des gens étaient blessés ou tués ? »

« C’est après les faits que je l’ai su ».

« Pourquoi sont –ils morts ? »

« Je ne sais pas, je ne rien fait à quelqu’un. Le chef ne m’a jamais ordonné de porter la main sur quelqu’un. »

« Avez tiré avec votre arme ? »

« Non, je n’ai jamais fait usage de mon arme. Il m’a dit de dégager les barricades, les cailloux, les pneus brulés sur la voie. »

Le parquet lui signifie que c’est parce qu’ils sont sortis, lui et ses camarades militaires, qu’on a enregistré 13 morts et plus de 200 blessés. Autre précision, selon le parquet, c’est que le caporal avait dit, lors de l’instruction, qu’il a aidé à faire le coup d’Etat, qu’une réunion avait d’abord eu lieu, dirigée par le Major Badiel et qu’ils étaient tous armés de kalachnikov. Et d’ajouter que le caporal avait dit à l’interrogatoire de confrontation qu’il maintenait cette déclaration. Mais à la barre, l’accusé dit ne pas se reconnaître dans ces dépositions.

« Si c’était à refaire, alliez-vous jouer le rôle que vous avez joué au moment des faits », demande le parquet ?

« La discipline fait la force d’une armée, si je suis aux ordres d’un chef qui me demande de faire quelque chose, je le fais à la lettre », répond-il.

« N’avez-vous pas consolidé les assises du coup d’Etat ? »

« Je ne me reconnais pas dans un coup d’Etat ».

« Avez-vous été au studio Abazon ? » « Oui », répond le caporal ! « Et après » ? « Au pont Kadiogo », dit-il. « Avez-vous été à Zorgho ? » Comme s’il était un peu agacé, l’accusé réagit en ces termes, en réponse au parquet : « Non ! Depuis le matin, j’ai dit que je n’ai pas été à Zorgho. On dirait que vous vous sentez offensés quand je dis que je n’ai pas été à Zorgho ». Pour le parquet, l’accusé nie les déclarations qui le mettent en cause et reconnaît celles qui lui sont favorables. L’accusé avait soutenu devant le juge d’instruction qu’une rencontre préparatoire a eu lieu avec bien des militaires qu’il a cités, laquelle a été dirigée par le major Badiel, rappelle le parquet. A ceux qui ont dit qu’il a été à la radio Savane FM, le caporal répond : « Négatif » ! A la barre, il confie qu’il ne connaissait pas le major Badiel et ne l’a pas vu au camp au moment des évènements.

Les déclarations à l’instruction ne sont pas des paroles d’évangile

Pour Me Alexandre Sandouidi, c’est devant le tribunal qu’on doit construire les faits et non se baser sur les déclarations faites par l’accusé devant le juge d’instruction. Les déclarations à l’instruction ne sont pas des paroles d’évangiles, et Saint Marc n’est jamais revenu sur son évangile, dit l’avocat. Me Kanyili, dans son intervention, avance qu’aucune disposition légale n’interdit à l’accusé de revenir sur ses déclarations. Si celles-ci valent parole d’évangile comme le soutient la partie civile, on ne serait pas devant le tribunal pour l’audition des accusés. Elle demande qu’on laisse leurs clients s’exprimer librement. Selon Me Yamba, l’avocat de l’accusé, on a raté l’occasion de faire la lumière. Les balles tirées des corps des victimes lors du putsch n’ont pas été analysées, une expertise ballistique aurait due être faite, dit-il. Le parquet, dit-il, veut nous mener dans un bateau vers une destination inconnue. Son client a décidé de s’ouvrir, comme il le lui a demandé, dit-il et il a décidé de dire la vérité, selon lui. L’avocat de la partie civile, Me Ali Neya, soutient que l’accusé s’enfonce dans une stratégie suicidaire en s’employant à faire des dénégations. Il l’invite à rester dans la cohérence avec ses dépositions antérieures. Me Prosper Farama, lui aussi avocat de la partie civile, face au caporal qui ne se reconnaît pas dans ses déclarations antérieures, estime qu’il est souhaitable que le major Badiel et l’adjudant Nion soient appelés à la barre pour une confrontation. Une requête dont le président du tribunal a promis d’examiner la nécessité. L’audition du caporal a pris fin à 17h moins le quart. L’adjudant Michel Birba a ensuite été appelé à la barre pour se voir notifier les trois chefs d’accusations pour lesquels il est poursuivi : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires, meurtre. Ce que l’adjudant ne reconnaît pas. Son audition commence le 20 juillet prochain.



L’audience sera suspendue à partir du 28 juillet 2018, jusqu’au 15 août, à la demande des différents conseils, a déclaré le président du tribunal, à la fin de l’audience du 18 juillet, pour reprendre le 16 août 2018.



Issa SIGUIRE et Lonsani SANOGO
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