A Soubré, dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, se trouve la plus forte concentration de Burkinabè, dont la plupart s’investissent dans l’agriculture. Sidwaya y a rencontré, courant juillet 2018, des compatriotes propriétaires de plantations, devenus des acteurs importants de la sphère économique ivoirienne.
Quand Souleymane Kabré débarque de sa Mutshibishi double cabine et enfile ses bottes, ce mardi 17 juillet 2018, sous un soleil peu frappant de midi, c’est pour faire le tour d’une portion de sa plantation d’hévéa de 65 hectares.
Ce Burkinabè de 57 ans, installé depuis plus de trois décennies à Soubré, n’avait pas rêvé posséder une telle superficie, même s’il nourrissait le secret espoir d’en disposer dès ses premiers pas en Côte d’Ivoire. Aventurier en quête de fortune, ses débuts laborieux dans le transport et le commerce de cacao dans les années 80 ont fait place à une assurance de patron.
Il est devenu un entrepreneur agricole, comme beaucoup de membres de la communauté burkinabè de Soubré, localité qui compte pour 40% de la production de cacao ivoirien. Sur son périmètre acquis auprès d’un propriétaire terrien local, communément appelé «tuteur», moyennant une contrepartie financière, il exploite actuellement 29 hectares d’hévéa, avec un objectif de production de 104 tonnes pour la saison 2018-2019, contre 70 tonnes pour la campagne précédente.
«J’ai confié la gestion technique de la superficie exploitée à une société française basée à Soubré, SAPH, qui retient 5% des revenus de la production entière», souffle-t-il. Mais sa sérénité est perturbée par l’imprévisible Dame nature. En cette saison des pluies, sa seule crainte, c’est le «manque» ou l’«abondance» de pluies, susceptible d’impacter négativement son rendement.
«Cela pourrait compromettre mon objectif de production», s’inquiète-t-il. Ce père de famille de 8 enfants, originaire de Boussé, parle peu d’argent, mais à considérer le coût de la tonne d’hévéa, estimé à plus de 250 000 francs CFA, on se rend compte qu’il boxe dans la cour des grands.
«J’ai commencé à mes débuts par acquérir deux hectares, pour ensuite en avoir plus, au fur et à mesure, auprès de divers tuteurs à qui j’ai versé des centaines de milliers de francs CFA», raconte-t-il avec fierté. Souleymane Kabré prétend avoir débuté dans l’agriculture, en cultivant le cacao, avant que l’hévéa, qui sert à la fabrication du caoutchouc, ne prenne une part importante dans ses activités.
Le planteur, affable et discret, possède encore 14 hectares de cacao, dans la ville de Soubré, qui lui rapportent aussi des sous. Sans oublier les champs d’anacardes à son actif à Séguéla, dans le Nord de la Côte d’Ivoire (32 hectares) et à Sidéradougou dans la région des Cascades au Burkina Faso.
Autant d’activités lucratives, qui ont permis à cet homme ambitieux d’acheter des terrains à Soubré et à Ouagadougou, où il possède d’ailleurs une maison. «Je compte vendre certains de mes terrains ici, pour construire une école au pays. C’est un projet qui me tient à cœur », confie-t-il.
Si Kabré savoure sa réussite «inespérée», il n’a pas pour autant le sommeil tranquille, car pouvant perdre ses champs du jour au lendemain. C’est quasiment une hantise pour les planteurs burkinabè de Soubré et des autres parties de la Côte d’Ivoire.
«Je possède les papiers signés des tuteurs avec le visa de la préfecture et des certificats de plantation, établis à 80 000 francs CFA l’unité, qui permettent d’acheter des engrais. Je n’ai ni certificat ni de titre foncier», explique-t-il, l’air angoissé.
Il dit mener actuellement des démarches, en accord avec ses tuteurs comme l’exige la procédure, pour obtenir les certificats fonciers, documents à travers lesquels l’Etat ivoirien va le reconnaître officiellement comme planteur. Mieux encore, avec cette pièce administrative, nul ne pourra l’exproprier d’une terre, même pas un propriétaire de titre foncier. Seule contrainte, il aura à charge de payer régulièrement des impôts non encore fixés par les autorités locales.