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Procès du putsch manque : Le caporal Dah Sami nie les faits

Publié le jeudi 5 juillet 2018  |  Le Pays
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© Autre presse par DR
La salle d’audience du procès du putsch de 2015
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Au 5e jour d’audition du procès du putsch manqué du 16 septembre 2015, le caporal Dah Sami était à la barre. Il dit qu’il était commis à la sécurité du Général Diendéré, donc qu’il ne peut être auteur ou co-auteur des faits qui lui sont reprochés à la barre. C’était le 4 juillet 2018 au Tribunal militaire délocalisé à la salle des Banquets de Ouaga 2 000.

A la reprise du procès, le matin du 4 juillet, Me Arnaud Sampébré et son client, le caporal Dah Sami, se tenaient devant le Tribunal militaire pour poursuivre l’audition qui avait débuté la veille (ndlr : 3 juillet). Et « chacun était dans son rôle ». Dans ses déclarations, l’accusé a mentionné que depuis le 16 septembre 2015, il était commis à la sécurité du Général Diendéré. Et ce n’est que le 21 septembre, lors de son interpellation, qu’il a appris qu’il y avait un coup d’Etat. Me Arnaud Sampébré s’est aussi adressé à son client. Et voici quelques une de ses questions et les réponses de son client : « En vous appelant, est-ce qu’on vous a dit que c’était pour faire un coup d’Etat ? », « Si on me l’avait dit, j’allais prendre des précautions ». « Des ministres de la Transition ont déclaré t’avoir vu et identifié à la présidence. » « Cela m’étonnerait qu’ils puissent me reconnaître et m’identifier parmi tant de soldats ». Pour ce qui est des patrouilles en ville, l’inculpé dit n’en avoir jamais effectuées. Et il revient sur les circonstances de son arrestation qu’il a déjà relatées le 3 juillet dernier. Morceau choisi : « en allant au rendez-vous le 21 septembre, j’ai pris le soin de dire au capitaine Flavien Kaboré que je serai habillé en tenue léopard avec une arme. J’ai démarré ma moto, je suis passé par l’échangeur de l’Est. Quand j’ai dépassé la gendarmerie de Nongr Massom, j’ai appelé le capitaine. Après avoir raccroché, j’ai compris que c’était un mauvais tour que l’on m’avait joué. C’est alors que j’ai entendu « haut les mains » sans voir qui me le disait. Mais je leur ai dit que j’étais armé. Ils m’ont désarmé, déshabillé en m’insultant que je suis un terroriste et eux ils sont des loyalistes. C’est ce jour que j’ai su qu’il y avait des terroristes au Burkina ». Constatant qu’il n’avait pas apporté d’éléments nouveaux, le président du tribunal a cherché à savoir si le caporal Dah a participé à la rencontre avec les sages. « Non », dit-il, « puisque le Général était dans la salle. Etant affecté à sa sécurité, j’étais arrêté à la porte. Et cela n’est pas une participation ». Après avoir écouté le prévenu, le procureur estime que le caporal Dah Sami était un agent double et était lui-même un danger pour le Général Diendéré, au regard de certains éléments, comme ce message téléphonique envoyé le 16 septembre 2015 au capitaine Flavien Kaboré et qui disait : « je voudrais qu’il nous donne d’abord ce qu’on a déjà fait. La mission qui nous a été confiée ne sera pas facile, mais je vais me donner à cause de vous ». Et le procureur de demander ce que ce message voulait dire. « Si je dois répondre à cette question, je préfère que le capitaine Flavien Kaboré soit là », a laissé entendre le caporal Dah. Oubli ou stratégie de défense, on ne saurait le dire puisque l’inculpé est revenu sur plusieurs de ses déclarations en enquête préliminaire. Le procureur a affirmé que l’inculpé a eu à dire que « les planificateurs du coup d’Etat sont les sous-officiers du Groupement d’unité spéciale (GUS) ». Toute chose que le caporal a niée et pour se dédouaner, il a ajouté : « ce jour-là, le juge a commencé avec un gros français et je lui avais dit que je ne comprends pas ce qu’il voulait dire ». En tout état de cause, l’inculpé a fini par confier au tribunal qu’il a eu à dire que c’est le Général qui va assurer la paternité du coup d’Etat. Et le parquet de poursuivre : « Etiez-vous à la rencontre des officiers ? », réponse du caporal Dah : « qui suis-je pour participer à une réunion d’officiers. J’étais à la porte ». Après cette assertion, le juge a suspendu l’audience pendant une dizaine de minutes.

« Le caporal Dah Sami est un agent double »

A la reprise, le procureur a lancé que le caporal Dah était le seul soldat dans la salle et était au courant qu’il y avait une situation anormale. « Il jouait un double jeu ». Et le parquet militaire de confirmer ses propos avec des déclarations de l’inculpé résultant du procès-verbal en enquête préliminaire : « Courant juillet 2015, j’ai déjoué un de leurs complots. Ils étaient prêt à mener un assaut » et il a pu alerter le Premier ministre Zida et le Président du Faso, Michel Kafando, qui sont partis avant la fin du Conseil des ministres. « Quand certains ont appris le départ des deux, ils ont pleuré de rage », propos de l’inculpé. Celui-ci n’a pas souhaité « faire de commentaires » par rapport à ces déclarations. Pour ce qui est de l’ordre militaire dont il a beaucoup été cas au cours de l’audition, le parquet a affirmé que l’ordre est donné dans l’intérêt du service et il part du supérieur au subordonné. Le parquet a aussi pris le soin de noter que si l’ordre est illégal, le subordonné peut invoquer « la théorie de la baïonnette intelligente » qui « évoque la situation du soldat (la baïonnette) qui doit refuser d'exécuter un ordre manifestement illégal (car même l'engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience - l'intelligence - de ses actes) ». Après cette intervention du parquet, le juge a donné la parole au conseil de l’accusé qui a fait observer que « les déclarations contenues dans les procès-verbaux sont cousues de fil blanc » et ne pense pas que son client « ait commis un acte irréprochable en exécutant un ordre ». Le juge, tout en notant ces observations, a demandé à l’inculpé s’il a été à l’hôtel Laïco. « Oui, parce que le Général Diendéré y était. J’étais chargé de garder le véhicule du Général. J’y ai même vu les présidents Yayi Boni, Macky Sall et l’actuel président du Faso», a-t-il confessé. Et le juge de demander au caporal Dah, ce qu’il avait à dire à propos des faits de meurtres et coups et blessures qu’on lui reproche. Celui-ci a mentionné qu’il ne reconnaît pas les faits, puisqu’il était commis à la garde du Général Diendéré. Embouchant la même trompette, le parquet militaire insiste : « Etes-vous comptable des conséquences du coup d’Etat ? » et le caporal de répondre : « je ne suis pas comptable parce que je n’ai tué personne ». Les avocats de la partie civile, comme d’habitude, ont aussi eu leur temps de parole et après certaines réponses de l’accusé, Me Séraphin Somé a relevé que « le caporal Dah Sami est un agent double », car le 21 septembre (ndlr, date du rendez-vous avec le capitaine Kaboré venu de Fada), « ce n’était pas un rendez-vous mais une reddition ». A la suite de Me Somé, Me Alexandre Sandwidi, toujours de la partie civile, a questionné le caporal sur « des réunions qui se tenaient au cimetière avant le 16 septembre », qui dit ne pas être au courant de celles-ci. « Est-ce la vérité ? », « Je suis à la barre pour relater les faits pour que ma famille puisse savoir pourquoi son fils est poursuivi », réponse de l’inculpé. En tout état de cause, Me Bazemo de la défense a fait remarquer que « ce procès, c’est le jugement de l’armée nationale, du RSP et des faits pour lesquels nous sommes ici ». Pour lui, c’est le résultat de l’antagonisme entre les deux Généraux du RSP (Isaac Zida et Gilbert Diendéré) qui s’est révélé le 16 septembre 2015. Quand le juge a remis la parole au prévenu pour son mot de fin, celui-ci a déclaré : « si décrocher l’appel d’un supérieur et exécuter l’ordre d’un supérieur, c’est faire un coup d’Etat, ce sont eux qui ont la force, ils n’ont qu’à faire ce qu’ils veulent ». Par ailleurs, son conseil, Me Sampebré, a soutenu que son client « n’a participé ni avant l’opération ni pendant l’opération à l’interruption du Conseil des ministres, ni après parce qu’il s’est contenté d’assurer la sécurité du Général ». C’est sur ces paroles que le juge a suspendu l’audience à 13h.

Le soldat Ly rejette les faits à la barre



Le soldat de première classe, Ly Amadou, a été le second accusé appelé à la barre dans l’après-midi du 4 juillet 2018, à la salle des Banquets de Ouaga 2000 à partir de 14h. Il est poursuivi pour « meurtre, coups et blessures volontaires, complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ». Ce qu’il ne reconnaît pas. Le soldat Ly qui a 13 ans de service dans l’armée, est revenu sur ses dépositions lors de l’instruction avec le juge, rejetant bien de ses propos dont certains ne correspondent pas à ce qu’il a donné comme éléments de réponses aux questions posées. L’accusé Ly ne sait ni lire ni écrire, selon son témoignage. Il a été appelé le 16 septembre 2015 vers 10h par l’adjudant Jean Florent Nion pour renforcer la détection, en l’occurrence le contrôle des entrées à la porte Nord du palais de Kosyam, alors qu’il était de repos. Il est arrivé aux environs de 13h au palais présidentiel, la résidence du président de la Transition d’alors, avant d’être commis après à la garde du bâtiment par le sergent-chef Mamadou Bouda, selon ses mots. « Pourquoi vous mettre à la disposition du sergent-chef Bouda », lui a demandé le parquet militaire ? « Parce qu’il est l’adjoint de l’adjudant Nion dans ma compagnie », a-t-il dit en réponse. « Qu’est-ce qu’il y avait de particulier dans le bâtiment ? », a ajouté le parquet. « Je n’ai pas cherché à savoir ce qu’il y avait dans le bâtiment », a-t-il dit. Pourtant, selon le parquet qui a rappelé ses propos du procès-verbal d’interrogatoire, le soldat Amadou Ly avait dit que dans le bâtiment, se trouvait l’ex-Premier ministre Zida qui y était détenu et lui il assurait la garde du bâtiment, en assurant la sécurité du Premier ministre Zida. Par ailleurs, d’après le procureur, le soldat Ly avait dit qu’il est arrivé le 16 septembre 2015 au palais, juste après une réunion. Il a clarifié à la barre avoir su que Zida était dans le bâtiment à sa descente de garde, après 17h le 16 septembre 2015. « Qui sont ceux qui ont participé à la réunion », a poursuivi le parquet ? Le soldat Ly a dit n’avoir pas pris part à une réunion et n’a donc pas su qui a pris part à ladite réunion. A l’instruction, le soldat avait pourtant cité des noms de militaires qui auraient pris part à la réunion. L’adjudant Nion a été appelé à la barre pour expliquer les raisons de son recours au soldat Ly pour renforcer la détection. A la barre, l’adjudant Nion a fait comprendre qu’il y avait 4 absents ce jour-là. Donc, il a demandé que le soldat Ly vienne renforcer la détection. Et d’ajouter que, quelle que soit l’heure, dès qu’il y a un absent à un poste de garde, il a l’obligation d’appeler quelqu’un de repos pour le remplacer. «Peut-on être en mission au poste de détection et ne pas voir des gens sortir ou entrer du palais ?», a voulu savoir le parquet militaire. En réponse, le soldat Ly a signifié que le poste de détection est l’entrée principale du bâtiment de la présidence et dit n’avoir pas vu quelqu’un. «Quand est-ce que vous avez appris le coup d’Etat ?», a demandé Me Prosper Farama, avocat de la partie civile. En réponse, Amadou Ly qui n’a plus quitté la présidence jusqu’au 26 septembre 2015, selon ses déclarations, a dit l’avoir appris à la télévision le 17 septembre. Il a reconnu avoir accompagné ses chefs au domicile de feu Salifou Diallo qui était en feu. Et l’équipe y est arrivée avant même les sapeurs-pompiers, pour contribuer à ce que ces derniers maîtrisent le feu. Il a dit regretter avoir fait cette mission au domicile de Salifou Diallo parce qu’on devait le féliciter au lieu du contraire. «En exécutant des ordres, on dit que j’ai fait un coup d’Etat», raison pour laquelle il a dit au juge d’instruction qu’il regrettait d’avoir suivi les ordres.Pour Me Idrissa Badini, conseil du soldat Ly, les noms cités par son client sont ceux de personnes qu’il a pu apercevoir pendant les évènements, entre le 16 et le 26 septembre, mais pas à une réunion, dans la mesure où le soldat lui-même n’a pas pris part à une réunion. La hiérarchie est sacrée dans l’armée, a confié Me Badini selon qui le soldat Ly était appelé à répondre des chefs. Me Sombié et Me Pascal Ouédraogo ont demandé au parquet de prendre cela en compte, puisque leurs clients avaient été cités par le soldat. Pour Me Ouédraogo, ce que Amadou Ly dit à la barre est plus important que ce qui ressort des procès-verbaux d’interrogatoire. De par son tempérament, dit Me Ouédraogo, il est fort possible qu’il n’ait pas fait attention pour comprendre les questions au cours de l’interrogatoire avant d’y répondre. En général, a-t-il ajouté, les juges d’instruction essaient de reformuler les idées, surtout quand la personne interrogée ne comprend pas le français. Ce qui est le cas du soldat Ly, à son avis. Me Sombié a même demandé si possible, un transport sur les lieux pour vérifier la matérialité de certains faits. On n’en est pas là, pour l’heure, a dit le président du tribunal qui a estimé que la demande sera examinée si cette nécessité s’imposait. Pour le parquet, le soldat Ly a couvert l’enlèvement des autorités de la Transition et est responsable des faits qui lui sont reprochés. Le président du tribunal a suspendu l’audience aux environs de 17h. Elle reprendra le 6 juillet 2018 à 9h.

Françoise DEMBELE et Lonsani SANOGO
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