La conférence des forces vives de la nation sur la rationalisation du système de rémunération des agents publics de l’Etat a débuté, hier 12 juin 2018, à Ouagadougou. Les travaux ont été lancés par le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba.
Annoncée, le 31 décembre 2017 par le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, la réforme du système de rémunération des agents publics de l’Etat est dans sa phase active. Réunis dans l’enceinte de la salle de conférence de Ouaga 2000, du 12 au 14 juin 2018, acteurs du monde syndical, représentants du gouvernement, de la fonction publique, de la société civile, de la chefferie coutumière, d’organisations religieuses scrutent le document sur le diagnostic du système de rémunération, élaboré pour la circonstance. Durant ces trois jours de travaux, les participants devront définir des critères d’harmonisation des salaires indiciaires des agents, partant de leur niveau d’accès à l’emploi, fixer des balises en matière d’allocation indemnitaire, définir un instrument juridique approprié pour encadrer le nouveau mécanisme de rémunération. En plus de déterminer une démarche pour la restauration du statut général de la fonction publique, il est posé sur la table des discussions, la question des autres avantages des agents publics et leur mode opératoire, une problématique fondamentale qui doit être tranchée à la fin de ce forum, selon le gouvernement. Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a expliqué l’intérêt de la réforme par trois facteurs. Il s’agit de la quête de l’équité et de la justice, la soutenabilité des finances publiques et la solidarité. Pour lui, la masse salariale et son évolution doivent être maîtrisées au regard des recettes fiscales et la richesse nationale mesurée au Produit intérieur brut (PIB). Cela, pour générer des ressources en vue de financer le Plan national de développement économique et social (PNDES). C’est pourquoi, il a rappelé la volonté du gouvernement de ne plus gérer les revendications au cas par cas. « La conférence offre un cadre commun de négociations pour une répartition équitable des efforts pour une modernisation de l’action publique à travers une réflexion de long terme sur la répartition des moyens, l’organisation du travail et les missions confiées aux agents publics. Parce que l’expérience de nombreux pays qui ont fait l’exercice enseigne que les principaux leviers de maitrise de la masse salariale sont les rémunérations, les effectifs et l’augmentation des ressources », a soutenu le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, Pr Séni Ouédraogo. Il a reconnu que la disparité du traitement des agents publics a été favorisée par le sectarisme argumentaire.
Trouver des solutions aux disparités
De ce fait, a-t-il poursuivi, la spécificité fonctionnelle et la capacité à entrainer les blocages de l’administration ont été mobilisées pour faire plier de nombreux gouvernements. « Les emplois qui ont une faible capacité de nuisance ont été condamnés à se contenter des strapontins salariaux et indemnitaires. Dans cette configuration sociale, les espaces publics et numériques sont devenus les arènes de lutte pour un partage asymétrique des richesses nationales », a développé Pr Ouédraogo. Toutefois, il a fait savoir que l’urgence des solutions ne doit pas occulter la réalité du terrain. Car, a expliqué le ministre, les critères objectifs doivent être pris en compte pour la détermination des rémunérations.
Ces critères sont, selon lui, le diplôme, la qualification, la durée de la fonction et le niveau de pénibilité du service public. Du côté des cinq centrales syndicales et des 21 syndicats autonomes qui prennent part à cette conférence, le souhait est que la conférence pose des bases qui permettent une amélioration continue des conditions de vie des travailleurs à travers une anticipation pour éviter les crises qui compromettent le développement du pays. Leur porte-parole, Guy Olivier Ouédraogo, par ailleurs, secrétaire général de la confédération syndicale burkinabè a estimé que cette tribune devrait être saisie par tous les acteurs pour trouver des solutions aux disparités dans le traitement salarial. A propos de la non-participation de la CGT-B au forum, M. Ouédraogo pense que pour que les choses évoluent ou s’améliorent, il va falloir que chaque acteur change sa façon de mener les réflexions.
Jonas Hien, président du conseil national des organisations de la société civile
« Les syndicats qui ne sont pas venus à cette conférence ont tort »
Il était temps de tenir cette conférence. Au regard des situations récurrentes que nous vivons depuis un certain temps entre l’Etat et les syndicats. Je crois que cette tribune devrait être saisie pour réfléchir de façon profonde à l’avenir de notre administration publique, basée sur la performance, la justice, l’équité et la solidarité. Pour les syndicats qui ont refusé de venir sur la table des débats, la nature est ainsi faite. Tout le monde ne peut pas être du même avis. Mais je pense que les syndicats qui ne sont pas venus à cette conférence ont tort. Ils auraient pu venir et saisir l’occasion pour poser ce qui paraît être leurs préoccupations majeures. Puisqu’en tous les cas, il faut trouver des solutions aux problèmes de notre administration. Si nous ne le faisons pas maintenant, tôt ou tard, cela va nous rattraper. Donc autant commencer à mener la réflexion avec tous les acteurs.
« La fonction publique n’est pas que l’affaire des fonctionnaires »
Pour moi, cette conférence est importante. Nous devons penser notre fonction publique en fonction de notre société. On a pendant longtemps eu une fonction publique qui a tourné en vase clos. Il faut donc que l’ensemble de la société donne son point de vue sur notre fonction publique et le type de fonction publique que nous voulons. A partir de là, nous pouvons construire quelque chose de durable. C’est pourquoi, le débat est élargi à toutes les couches de la société. La fonction publique n’est pas que l’affaire des fonctionnaires. Elle est là pour servir la société et si elle sert la société, il faut savoir si elle donne satisfaction à la société. La question de la rémunération vient corriger des dysfonctionnements au sein de cette fonction publique. Mais on ne peut refuser de réfléchir à cet état des faits. Que l’on réfléchisse à la rémunération ou à la gestion de l’argent public, les deux sont liés. Vous ne pouvez pas dire d’augmenter les traitements sans dire où l’on doit trouver l’argent. Si vous estimez que l’argent est gaspillé, il faut pouvoir vous expliquez afin de faire des propositions. Donc, je pense que dans le cadre d’une discussion, il n’y a pas d’a priori. L’on doit venir échanger, si l’on n’est pas d’accord, l’on exprime librement son point de vue afin de trouver des solutions à un problème. Même si la discussion n’a pas lieu maintenant, elle aura lieu à un moment ou à un autre sur la base de ce que le plus grand nombre aura discuté. C’est ça le principe de la démocratie. Si vous vous excluez d’un lieu de débats, cela peut poser problème puisque les acteurs présents et les absents devront s’accorder.
Nous attendons des échanges francs afin de réduire au maximum l’écart de traitement salarial. Il faut que l’on arrive à faire en sorte qu’à diplôme égal salaire égal. Si vous prenez deux jeunes qui ont fréquenté ensemble, ont obtenu le même diplôme pendant la même durée de formation scolaire ou académique, et par la suite, on les affecte à des endroits différents. Si l’un parce qu’il fait entrer de l’argent ou fait sortir de l’argent devient subitement riche et toi qui est enseignement ou infirmier quelque part tu croupis dans la misère, je crois que ce n’est pas juste. Il va falloir essayer d’harmoniser les choses et réduire considérablement les écarts.
Gilbert Goh, secrétaire général du syndicat des travailleurs de la poste :
« Chacun de nous doit savoir raison garder »
Nous estimons que ce cadre de dialogue est à apprécier dans la mesure où la fronde sociale plombe notre administration. Je ne crois pas qu’il y ait meilleure solution que de discuter autour d’une même table pour trouver des solutions à nos divergences. A propos de la division des syndicats sur l’organisation de cette conférence, il faut souligner que ce type de sujet ne peut pas faire l’unanimité. Mais de mon point de vue, chacun de nous doit savoir raison garder et penser à l’intérêt supérieur de la Nation. Quand on prend certains pays asiatiques aujourd’hui, ils se sont construits sur la base du sacrifice. Si nous, nous ne voulons pas faire des sacrifices, qui viendra les faire à notre place ? Il est de ce fait mieux de discuter, trouver le juste milieu pour que la société puisse fonctionner normalement.
Lebda Naaba Baongho, représentant le Dima de Boussouma
« Nous voulons la paix pour le Burkina Faso »
Notre souhait est qu’à l’issue de cette conférence, des propositions intéressantes, acceptées de tous soient faites. Parce que nous voulons la paix pour le Burkina Faso, partant de cela, tout cadre de dialogue pouvant contribuer à apaiser les cœurs, renforcer notre vivre-ensemble, nous ne pouvons qu’accompagner et encourager. C’est pourquoi de notre côté, nous prêchons la concorde et l’entente entre les fils et les filles du Burkina Faso.