Hier dimanche, le Mali a écrit une nouvelle page de son histoire politique. Le second tour de la présidentielle devrait déterminer le futur dirigeant de ce pays, après une grave crise sécuritaire, politique et identitaire. Il ne s’agit donc pas d’une élection ordinaire, encore moins d’un président ordinaire. Le poids de la charge du vainqueur des urnes sera encore plus lourd que dans un Etat en paix. Travailler à remettre le pays sur les rails, tel est le premier objectif à atteindre. Mais aussi, le renforcement de la démocratie et de la réconciliation devrait être au centre des actions de la nouvelle équipe dirigeante. Car il faut à tout prix éviter de retomber dans les travers d’un récent passé peu glorieux, marqué par un séparatisme touareg, une invasion d’islamo-gangsters et une résurgence de la tentation du pouvoir kaki. Mais avec un président qui sera politiquement, voire ethniquement, marqué le Mali pourra-t-il réellement tourné la page de l’aventurisme religieux et politique ? Ibrahim Boubacar Keita (IBK) ou Soumaila Cissé sont en effet loin d’être politiquement vierges. Pire, ils sont classés selon leur proximité avec l’ex-président Amadou Toumani Touré ou non, selon leur accointance avec l’ex-chef de la junte Amadou Haya Sanogo ou non. Depuis la chute de ATT et le coup d’Etat du 22 mars 2012, la société malienne est essentiellement partagée entre pro et anti-putschistes. De sorte que les électeurs maliens sont divisés en deux camps. Les consignes de vote pour le second tour obéissent du reste à ce clivage. Tous ceux qui ont hué ATT et applaudi le putschiste Sanogo se sont ralliés à IBK. Même l’ADEMA, le plus grand parti du pays et anti-putschiste, subit ce déchirement. Son candidat à la présidentielle, en effet, appelle à soutenir IBK contre l’avis du parti. Avec ces profondes divisions, il y a de fortes chances que le futur président soit taxé d’appartenir à un clan, ce qui ne facilitera pas sa tâche de rassemblement des Maliens autour de l’essentiel : la réconciliation et la reconstruction.
C’est pourquoi le score du président élu sera scruté à la loupe. S’il ratisse au-delà de sa base électorale, c’est que les Maliens ont décidé de faire fi des clivages, pour élire un président réellement représentatif de l’ensemble des sensibilités nationales. Cela facilitera aussi la tâche du nouveau locataire du palais de Koulouba qui, ainsi oint d’une large légitimité, peut s’attaquer sans trop s’inquiéter, aux innombrables chantiers qui l’attendent. Mais si le score est étriqué, alors les Maliens seront restés jusqu’au bout arc-boutés sur leurs divisions. IBK, arrivé en tête au premier tour avec près de 40% des voix, est d’ailleurs conscient de cet enjeu quand il lance cet appel aux Maliens : « J’appelle aujourd’hui les filles et les fils du Mali au grand rassemblement. Le 11 août, je vous demande d’amplifier votre vote, je vous demande de m’accorder une majorité claire et nette, une majorité indiscutable, qui me donnera la force de conduire le redressement national auquel vous aspirez ». Même si Soumaila Cissé, le challenger de IBK, ne claironne pas trop, en raison de son mauvais score du premier tour, il rêve sans doute lui aussi d’une victoire, de préférence avec une « majorité claire et nette». Bref, chacun des deux candidats en lice souhaite diriger le Mali avec une forte légitimité. Force est cependant de reconnaître que tout ne coulera pas de source pour le vainqueur du scrutin, quel que soit son score. Déjà, le premier tour nous a donné une idée de la fragilité du processus électoral avec les nombreuses accusations de fraudes. Il faudra donc aux Maliens puiser à la source de la sagesse pour éviter les contestations post-électorales violentes. Une fois cette étape délicate du dépouillement et de la proclamation des résultats passée, les Maliens peuvent alors retrousser les manches pour se mettre au travail. Mais on peut croire que dans un dernier sursaut d’orgueil, ils sauront transcender leurs divergences politiques, pour ne voir que l’intérêt supérieur du pays. Ils l’ont prouvé depuis le début du processus électoral, en battant campagne et en votant dans la paix et le calme. Il n’ y a pas de raison qu’ils enfreignent à cet esprit d’apaisement maintenant alors que le plus dur a été fait .
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