Les députés ont adopté, le jeudi 31 mai 2018, à la Représentation nationale, le nouveau Code pénal. Cette modification ainsi opérée en présence du ministre en charge de la Justice, René Bagoro, a consacré la suppression de la peine de mort au Burkina Faso.
L’absolution de la peine de mort est désormais effective au Burkina avec la modification de la loi n°043-96/ ADP du 13 novembre 1996 portant Code pénal. Adopté hier 31 mai 2018, avec 83 voix pour et 42 contre, la nouvelle loi a consacré la suppression de la peine de mort, après plusieurs années d’observation d’un moratoire sur l’exécution de cette peine au pays des Hommes intègres. Le texte comprend neuf livres scindés en 23 titres et 97 chapitres. Ce découpage, à en croire les spécialistes, vise à faciliter l’introduction éventuelle de nouvelles dispositions. Le ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, René Bagoro, qui a assisté à la plénière s’est réjoui de l’adoption de ce nouveau Code qui, selon lui, était une nécessité. « L’application du Code pénal de 1996 a mis en relief des insuffisances de plusieurs ordres et a révélé la nécessité de corriger ces lacunes pour améliorer la répression, en particulier de certains actes aujourd’hui gravement reprouvés sur le plan moral par l’opinion et les pouvoirs publics », a-t-il fait savoir. Et d’ajouter que l’évolution des comportements sociaux rendait encore plus nécessaire la relecture de l’ancien Code pénal. « Avec ce vote, les praticiens de droit et les justiciables ont désormais à leur service, un Code pénal actualisé et moderne pour une justice plus crédible, équitable, accessible et efficace dans l’application de la loi pénale », a dit le ministre Bagoro. En plus, a-t-il ajouté, il permet à l’Etat burkinabè de se conformer aux exigences de certaines conventions communautaires et internationales. Avant le vote, l’on a assisté à des débats houleux entre députés profondément divisés sur la question. D’un côté, ceux favorables à l’absolution de la peine de mort pour qui l’Etat burkinabè gagnerait à la supprimer afin de se conformer aux exigences des conventions et autres accords internationaux auxquels il a souscrit. De l’autre côté, les partisans de la non-abolition qui estiment que la peine de mort est une arme de protection de la vie humaine en ce qu’elle a un caractère dissuasif. Pour ces derniers, l’extraire de la liste des infractions pénales ferait peser de graves menaces sur la vie des citoyens avec le retour probable des meurtres à répétition. Pour le député Yaya Zoungrana du groupe parlementaire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), il est inadmissible qu’on utilise l’argent du contribuable pour nourrir à vie des personnes ayant été à l’origine de la mort de citoyens burkinabè.
« La morale ne fait pas le droit »
Hormis cela, les inquiétudes des députés ont porté également sur certaines dispositions du Code, notamment celles relatives aux délits d’adultère, au viol conjugal, à l’interdiction des inhumations sans la délivrance d’acte préalable. Sur le premier point, la nouvelle loi a prévu contre les délits d’adultère, des peines d’emprisonnement de deux à six mois et d’une amende de 250 000 à 600 000 F CFA. Les députés dans leur majorité ont estimé que ces actes relèvent de la justice morale ou sociale ; par conséquent ils ont demandé le retrait pur et simple de l’article en question. S’agissant du viol, il est considéré comme tel, lorsqu’il est commis sur une partenaire intime et habituelle dans une incapacité physique d’accomplir une relation sexuelle. A ce sujet les parlementaires ont fondé leur inquiétude sur les moyens dont dispose le juge pour apprécier l’incapacité physique de la partenaire intime. Le ministre en charge de la justice a rappelé aux députés certains principes du droit en vue de dissiper leurs inquiétudes et craintes. « Le droit doit prévenir les comportements sociaux et non être le résultat de comportements sociaux. Il est donc fort probable que le Code pénal qui a pour but de réprimer certains comportements ne puisse pas être en accord à 100% avec la morale », a-t-il indiqué. Du reste, de son avis, la morale ne fait pas le droit même si elle peut inspirer le droit dans la mesure où étant une nation avec une soixantaine de communautés, on peut avoir des morales différentes. « Le plus important c’est de s’accorder sur l’essentiel qui peut favoriser le vivre-ensemble des citoyens, et le présent Code répond à cette exigence », a conclu M. Bagoro. Malgré tout, les groupes parlementaires de l’opposition ont tous voté contre le Code pénal. Il s’agit des groupes parlementaires CDP, UPC et Paix, justice et réconciliation nationale qui regroupe des députés de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA) et la Nouvelle alliance du Faso (NAFA).